Il n'a fallu que quelques mois seulement après le scandale des moteurs truqués pour que les plus grands groupes automobiles virent de 180 degrés en lançant des programmes d'électrification extrêmement ambitieux, qu'ils moquaient pourtant naguère. De Volkswagen au groupe Daimler (Mercedes) en passant par PSA, la conversion à l'électrification a été aussi soudaine que massive.
Selon AlixPartners, les constructeurs du monde entier vont mobiliser 225 milliards de dollars dans l'électrification d'ici 2023. Pour l'heure, l'hybride devrait faire la part belle dans les nouveautés prévues ces cinq prochaines années, mais chaque groupe se prépare désormais à opérer une bascule définitive dans le 100 % électrique. C'est ainsi que Volkswagen et General Motors ont annoncé que leur stratégie future d'électrification sera désormais exclusivement concentrée sur des solutions 100 % électriques.
Les constructeurs hésitent encore
Car la donne n'a pas réellement changé d'un point de vue technologique. Certes, l'autonomie a doublé ces dernières années, mais avec 300 kilomètres d'autonomie, on est loin de la rupture technologique qui convaincra les gros rouleurs d'adopter définitivement la technologie 100 % électrique. « L'environnement de marché qui s'annonce ces prochaines années va obliger les constructeurs à faire des choix industriels et d'investissements en R & D contraignants », souligne Guillaume Crunelle, associé responsable de l'industrie automobile au cabinet de conseil Deloitte. Autrement dit, entre voiture autonome, connectivité, développement industriel, les constructeurs automobiles seront obligés d'arbitrer plutôt que de devenir multi-énergie. Dès lors, l'hybride apparaît de plus en plus comme une technologie de transition.
Pourtant, jusqu'ici, les constructeurs rechignaient à consacrer le tout électrique sous prétexte que son avènement ne se ferait pas sans la casse de leur chaîne industrielle. Une voiture 100 % électrique fait effectivement disparaître toute la chaîne de traction classique d'une voiture en incluant les équipements anti-pollution... Soit plus d'un tiers de la valeur d'une automobile. « Il y a une fatalité dans l'hybride qui, s'il fait la promesse d'apporter les avantages des deux mondes, électrique et thermique, est aussi porteur de leurs deux complexités », estime Guillaume Crunelle.
Cette fatalité sera encore plus implacable à mesure que le progrès technique apportera des solutions innovantes à l'autonomie des batteries. Déjà, en franchissant le seuil de 300 kilomètres d'autonomie, la voiture électrique répond à l'essentiel des besoins de mobilité du quotidien (notamment le trajet domicile-travail) et ce, pendant plusieurs jours sans recharge. En outre, le coût de la batterie ne cesse de baisser avec la hausse des capacités. À cela, il faut ajouter les solutions de financement de type LOA (qui permettent d'intégrer le coût d'usage) qui réduisent l'écart de coût entre les deux technologies. Même si l'équation tient encore pour beaucoup sur les subventions publiques... Mais les constructeurs automobiles hésitent encore...
« D'après nos études, il n'est pas certain que la clientèle soit prête à passer au tout électrique à court terme. Une part toujours croissante de la population pense abandonner le thermique à l'occasion du prochain renouvellement de sa voiture, mais ce sera très majoritairement au profit de véhicules hybrides », relativise Guillaume Crunelle, de chez Deloitte. Et de rappeler que « la question de l'infrastructure de recharge reste critique. Tant que celle-ci ne sera pas résolue, l'anxiété de la panne jouera en défaveur de cette technologie. » En attendant l'arrivée d'une technologie de rupture (beaucoup d'espoirs sont fondés sur la batterie solide), les constructeurs, contraints par les pouvoirs publics, pourraient imposer la technologie 100 % électrique. « Il n'est pas du tout choquant que les constructeurs créent un déterminisme en faisant des choix technologiques qui seront au final plus dirigistes pour le consommateur », conclut Guillaume Crunelle.
Sujets les + commentés