Plus d'un siècle après son invention, le pneu fait encore l'objet de multiples innovations qui lui permettent encore d'échapper au statut de "commodities" (produit de consommation courante avec peu de valeur ajoutée). Avec l'avènement de la voiture électrique, c'est un nouveau champ d'innovations qui s'ouvre pour les pneumaticiens, et Michelin affiche clairement ses ambitions. Car la voiture électrique change suffisamment de paramètres pour justifier la conception de pneus spécifiques, notamment pour le haut de gamme qui implique un haut niveau de performance.
Des voitures plus lourdes
Les voitures électriques sont effectivement plus lourdes à cause du poids des batteries. Michelin estime que les pneus doivent augmenter de 15% leur capacité de poids pour maintenir leurs performances. Cette question du poids se traduit également dans une répartition de la masse très différente sur les voitures électriques. Cela va affecter la tenue de route notamment dans les changements de file ou les virages serrés, nous explique-t-on chez Michelin: "Le pneu va fournir plus d'efforts pour assumer la tenue de route."
En outre, la qualité du pneu agit sur l'autonomie d'une voiture électrique du fait de la résistance au roulement, c'est-à-dire de son adhérence au sol qui permet de réduire la consommation d'énergie. En travaillant sur ce paramètre, le manufacturier français a calculé qu'il était possible de gagner 50 km d'autonomie supplémentaire, soit une performance impressionnante pour des véhicules qui affichent entre 300 et 400 km d'autonomie.
"Le pneu est un contributeur important dans la performance énergétique d'une voiture. Un quart de la consommation d'énergie provient du pneu. Un seul exemple, chaque déformation de celui-ci au roulage provoque une perte d'énergie et nécessite un couple moteur supplémentaire pour maintenir le véhicule en mouvement. L'impact est significatif", rappelle Éric Vinesse, le patron de la R&D chez Michelin.
Enfin, le paramètre le plus connu, c'est l'usure accélérée de la bande de roulement en raison du couple des voitures électriques qui est très supérieur à celui des voitures thermiques, mais aussi en raison de la forte pression au freinage pour la phase de récupération d'énergie. Michelin travaille donc sur la sculpture des pneus et la bande de roulement pour compenser.
D'autres paramètres plus mineurs ont été identifiés par la firme clermontoise comme le fait qu'une voiture électrique est par nature silencieuse et est donc plus sensible aux remontées de bruit. Michelin a donc imaginé une mousse à l'intérieur du pneu qui absorbe les vibrations de l'air et les élimine. Etc.
Gros enjeux pour les pneumaticiens premium
Pour les pneumaticiens, l'enjeu véritable est un enjeu de positionnement premium puisque une voiture électrique pourra bien sûr rouler avec des pneus de base, mais les voitures électriques premium chercheront un produit qui sublime l'expérience de conduite en contribuant à son efficacité notamment en termes d'autonomie.
Il s'agit donc de se positionner sur le marché extrêmement dynamique des voitures électrifiées qui devrait atteindre 30% du marché automobile dès 2025, et 50% en 2030. Cette ambition est extrêmement recherchée par les investisseurs puisque ces pneus seront nettement plus chers.
"Le vrai sujet stratégique, c'est le marché de l'électrification et la manière dont Michelin compte se positionner, avec quelle ambition et comment il intégrera cette nouvelle chaîne de valeur", expliquait à La Tribune, Frédéric Rozier, gérant action chez Mirabaud, après la présentation du plan stratégique présenté par Florent Ménégaux, PDG de Michelin, en avril 2021. Autrement dit, la voiture électrique est une opportunité de croissance en valeur pour les pneumaticiens, et c'est valorisé en Bourse. Pour cela, Michelin investit énormément.
"La voiture électrique va tirer l'innovation, y compris pour les pneumatiques. Chez Michelin, nous avons lancé une première gamme de pneus dédiés en 2013", rappelle Éric Vinesse.
L'innovation pour protéger Michelin de la concurrence
Cette culture de l'innovation et de la recherche est le socle même du modèle Michelin. Elle lui permet d'encaisser les variations de matières premières mais aussi la concurrence asiatique qui attaque plutôt l'entrée de gamme et qui ne cesse de prendre des parts de marché en Europe.
Michelin avait lancé dès 2010 une gamme de pneus dédiés, notamment pour la Renault Zoé. Il vient tout juste de commercialiser les Pilot Sport EV, une nouvelle gamme de pneus très haut de gamme, cette fois à destination des voitures électriques sportives. Ces pneus, outre leurs spécificités dans l'électro-mobilité, s'inscrivent dans la stratégie du groupe de concevoir des pneus éco-responsables en étant neutre en CO2 à l'achat.
"Notre démarche pour équiper les voitures électriques est celle que nous avons toujours eu chez Michelin et qui a été rappelée récemment dans nos objectifs de réduction carbone, c'est d'offrir la meilleure mobilité avec des pneus plus durables, plus légers, plus performants et avec moins de matières", souligne Éric Vinesse.
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