Peugeot fête son millionième 3008 : l'histoire d'un succès phénoménal

La marque automobile française a produit son millionième 3008, son SUV à succès qui lui a permis de reprendre pied sur le marché européen, mais également de transformer toute la marque sur un nouveau positionnement. Retour sur un succès historique.
Nabil Bourassi
Lancé en 2016, le 3008 de seconde génération est bien plus qu'un best-seller, il incarne à lui tout seul la renaissance d'une industrie tricolore moribonde, qui avait raté le tournant des SUV.
Lancé en 2016, le 3008 de seconde génération est bien plus qu'un best-seller, il incarne à lui tout seul la renaissance d'une industrie tricolore moribonde, qui avait raté le tournant des SUV. (Crédits : Peugeot)

C'est probablement l'un des plus gros succès automobile français de ces deux dernières décennies. Le millionième Peugeot 3008 est sorti des lignes de l'usine de Sochaux ce mardi. Lancé en 2016, le 3008 de seconde génération est bien plus qu'un best-seller, il incarne à lui tout seul la renaissance d'une industrie tricolore moribonde, qui avait raté le tournant des SUV.

Conçu en pleine crise financière

C'est dans les décombres de la crise financière qu'est mené le projet de 3008. Il s'inscrit dans une remise à plat de la stratégie du groupe PSA, la maison-mère, au bord de la faillite, pour s'adapter à la nouvelle donne du marché. La baisse historique des taux d'intérêt dans la foulée de la crise des subprimes, mais aussi l'évolution du marché du neuf vers des ventes majoritairement à destination des flottes d'entreprises conduisent à reconsidérer le cahier des charges des voitures vers le fameux TCO ou coût à l'usage (une équation économique qui prend en compte le prix d'achat, le coût de la maintenance et de l'usage, et la valeur à la revente). Dans cette nouvelle configuration, les gagnants sont les marques premium (Volkswagen inclus) ou les marques d'entrée de gamme. Les généralistes, elles, se prennent une gamelle: Peugeot, Citroën, Renault, Opel...

Pour la marque au lion, il n'est plus temps de tergiverser. Il est ainsi décidé de repositionner la marque sur le segment dit généraliste premium, à l'image de Volkswagen. Carlos Tavares, PDG de PSA, impose à Peugeot de mettre en place une stratégie de pricing power (capacité à défendre les prix), se distinguant ainsi d'un Renault qui, lui, décide d'engager une course aux volumes pour compenser.

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Deuxième décision stratégique, il faut abandonner les monospaces, un segment en net repli, pour attaquer le marché très dynamique des SUV. Ce segment, très critiqué aujourd'hui pour son impact environnemental, pesait moins de 10% du marché dans les années 2000. Il a atteint son apogée aujourd'hui avec 40% des immatriculations du neuf, tandis que les monospaces ont quasiment disparu du marché. C'est dans ce contexte qu'est donc imaginé le nouveau 3008. En résumé, le nouveau véhicule doit devenir un SUV et marquer la montée en gamme de la marque.

Rupture dans le design

La première rupture réside dans le design de la carrosserie. Peugeot se veut plus clivant dans le style. Le nouveau langage de style de la marque au lion doit trouver le juste équilibre entre élégance et sportivité, avec un soupçon d'agressivité. Le succès du design du 3008 fait de son designer, Gilles Vidal, la nouvelle star de l'industrie automobile. Mais il ne suffit pas de faire de belles voitures pour en vendre. La montée en gamme doit aussi s'incarner à l'intérieur. Conçu à partir de la toute nouvelle plateforme EMP2, le nouveau 3008 s'accompagne d'une foule de nouveaux équipements, et des nouvelles motorisations Puretech, reconnues pour leur efficience. L'intérieur est soigné, la qualité perçue est particulièrement travaillée. Mais c'est surtout son système iCockpit qui fait le succès du 3008: petit volant sportif, tableau de bord digitalisé... Ce package installe Peugeot dans un nouvel univers de marque qui va largement alimenté son "pricing power".

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Le succès est immédiat. Élu voiture de l'année, le 3008 monte immédiatement sur le podium européen des SUV compacts aux côtés du Volkswagen Tiguan et du leader incontesté, le Nissan Qashqai. L'usine de Sochaux fonctionne à plein régime, utilise le travail posté en trois-huit (trois équipes qui se relaient jour et nuit) et le VSD (vendredi, samedi, dimanche) pour assurer les commandes... Mais cela ne suffit pas, il faut compter de six à sept mois d'attente pour être livré de son 3008...

Cependant, le véritable succès du 3008, c'est son "mix-produit", c'est-à-dire la part des ventes dans les versions les mieux équipées. Les premiers mois de commercialisation, les finitions de haut-de-gamme correspondent à plus de 80% des ventes. Un niveau assez classique lors d'un lancement. Sauf que cette proportion va se maintenir plusieurs années. Après cinq années de commercialisation, il compte encore pour 40% des ventes, tandis que le prix de vente des versions de base n'a cessé de monter. Vendu moins de 26.000 euros lors de son lancement, le premier prix est aujourd'hui à 31.000 euros.

Une rentabilité tenue secrète

Impossible de connaître la rentabilité du 3008, un chiffre gardé confidentiel par PSA. Mais le chiffre de 12% de marge opérationnelle avait circulé dans les milieux de marché au moment où il était au plus haut sur le marché... Ce ratio est nettement supérieur aux standards du marché généraliste, et même supérieur à la moyenne des marques premium. Autre indice, le lancement du 3008 a coïncidé avec le redressement spectaculaire de PSA et une marge opérationnelle qui va rapidement monter au-delà de 7% et culminer à 8,5% en 2019, alors même que les autres marques du groupe étaient encore en phase de convalescence avec des plans produits en phase de redémarrage.

Le 3008 a également enclenché une dynamique sur la marque qui a permis de relancer la vente d'autres modèles, comme la 208. Le 2008, dont le style avait été jugé pas assez abouti par les magazines spécialisés, se voit parer de la calandre du 3008 lors de son rafraichissement, ce qui lui a redonné un coup de boost dans les ventes. Sans oublier le 5008, qui n'est autre qu'un 3008 à 7 places et permet au constructeur d'aller sur une fourchette de prix plus élevée.

Et maintenant ?

Un peu moins de deux ans après son rafraîchissement, qu'on appelle mi-vie dans le jargon automobile, le 3008 vit ses 18 derniers mois avant son renouvellement complet. Le contexte a littéralement changé. Le marché des SUV s'est largement stabilisé et la concurrence s'est accrue. Enfin, Peugeot doit se préparer à voir un redoutable concurrent se réveiller. Le Renault de Luca de Meo est déterminé à reprendre la bataille du segment C, notamment sur les SUV. Il vient déjà de bousculer le marché avec son Arkana, ce SUV coupé très en vogue, et très apprécié par la critique pour la qualité de ses finitions. Et Renault travaille d'arrache-pied sur le successeur du Kadjar. Le Peugeot 3008 sera donc extrêmement attendu sur sa nouvelle proposition de valeur. Peugeot devra également répondre à une autre problématique, jusqu'ici restée comme un échec patent: comment dupliquer le succès du 3008 en dehors de l'Europe, en Chine notamment.

Nabil Bourassi

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Commentaires 2
à écrit le 17/11/2021 à 15:45
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Ca aura été le véhicule emblématique du carburant pas cher. Gros, lourd, énergivore, je ne donne pas cher de l'avenir de ce genre de véhicule avec un baril de pétrole à cent dollars

à écrit le 17/11/2021 à 15:31
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Très bonne voiture, je confirme. Elle s'est de plus bonifiée avec le temps et la dernière version n'a rien à envier en terme de finitions aux Allemandes équivalentes.

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