Le yen fort fait perdre 5 milliards de dollars à l'automobile japonaise en trois mois

Les constructeurs automobiles japonais ont annoncé un important impact financier consécutif aux effets de changes. Le premier ministre Shinzo Abe a dévoilé un plan pour faire baisser le yen qui s'envole depuis le début de l'année.
Nabil Bourassi
Toyota a revu ses prévisions de résultats en forte baisse pour l'année en cours.

C'était une promesse du Premier ministre Shinzo Abe et de ses fameux "Abenomics". Ce programme économique en trois flèches, censées relancer l'inflation, mais également les exportations grâce à une baisse du yen.

Cette politique aura fait long feu puisque le yen est entré dans un cycle haussier depuis décembre 2015. Il a augmenté de 18% face au dollar et de 16% face à l'euro depuis le 1er janvier. Cette hausse s'est accentuée avec le référendum du Brexit en vertu du statut de valeur refuge de la devise japonaise, mais également par le ralentissement de l'économie des pays émergents.

Un profit warning après trois mois d'exercice...

Pour les constructeurs automobiles japonais, cette tendance est une véritable catastrophe. Les sept principaux groupes automobiles nippons viennent d'annoncer une perte cumulée de 5 milliards de dollars sur les seuls trois premiers mois de l'année de l'exercice annuel qui commence en avril.

Le premier d'entre eux, le groupe Toyota qui est également le premier constructeur automobile mondial, a révisé sa prévision de profit sur l'ensemble de l'exercice annuel à la baisse : il estime désormais que son bénéfice sera 37% inférieur à ce qu'il prévoyait. Un avertissement sur résultats après trois mois d'exercice est assez inhabituel, surtout de cette ampleur, et traduit un véritable changement de paradigme dans les projections de l'entreprise. Pour autant, le groupe rappelle que malgré l'impact des effets de change, l'exercice est resté bénéficiaire au premier trimestre et devrait le rester sur l'ensemble de l'exercice.

Il n'y a guère qu'Honda qui semble avoir satisfait les investisseurs en annonçant des résultats moins mauvais que prévu. En réalité, le constructeur revient de loin puisqu'il sort de deux années de comptes plombés par le scandale Takata (ces airbags défectueux qui ont provoqué près de 50 millions de rappels dans le monde, tous constructeurs confondus), et surtout a vu sa production fortement perturbé en avril par des séismes. Honda s'est également engagé dans un vaste mouvement de rationalisation de sa production.

Le gouvernement au chevet de l'industrie automobile

La crainte du gouvernement japonais, c'est que justement tous les constructeurs japonais se lancent dans une vague de restructuration. Les économistes rappellent que le secteur automobile représente 10% des emplois de l'archipel, mais également une part non-négligeable du PIB, il est donc regardé de très près par le gouvernement. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si Shinzo Abe a annoncé, début août, un renforcement de son plan de relance qui sera abondé de 66 milliards d'euros.

                | Lire aussi: Japon: des doutes sur le plan de relance

Au plus fort de l'effet des Abenomics, le yen avait effectivement reculé et avait permis aux constructeurs japonais d'annoncer des bénéfices record. Sur l'exercice 2013-2014, Toyota avait enregistré un bénéfice net en hausse de 90% à 13,6 milliards d'euros. A l'époque, le yen avait perdu jusqu'à un quart de sa valeur. Toyota profitait à plein du yen bas avec sa production à 40% localisée au Japon, contre 20% pour son concurrent Nissan.

Toyota regarde à long terme

Interrogé par La Tribune, un porte-parole de Toyota affirme que "la stratégie globale de répartition de la production n'est pas fondée sur des fluctuations de taux de change à court terme. Afin d'assurer notre compétitivité, nous construisons des voitures là où se trouve la demande."

"Notre production actuelle est de 3,25 millions de voiture au Japon, notre stratégie est de conserver une base de production de 3 millions de voitures par an qui est un seuil critique pour notre compétitivité à long terme que ce soit en termes de ressources humaines, de productivité mais également d'innovations technologiques. Notre objectif est d'affecter 36% notre production mondiale au Japon."

En attendant de rééquilibrer leur production, les constructeurs japonais espèrent le succès du nouveau plan de Shinzo Abe pour baisser le yen, car pour l'heure, ils continueront d'affecter des pertes sur leurs comptes financiers...

Nabil Bourassi

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