Immobilier : « En Île-de-France, nous investissons plus d'un milliard d'euros sur la production neuve » (Aude Debreil, Grand Paris Habitat)

EXCLUSIF. Dix mois après sa prise de poste, la nouvelle patronne du groupement d'intérêt d'économique francilien de CDC Habitat, la filiale dédiée au logement de la Caisse des Dépôts, sort de son silence. À la tête d'un opérateur dédié au développement, à la réhabilitation et à la rénovation urbaine, Aude Debreil dévoile à La Tribune sa feuille de route.
César Armand
Aude Debreil est présidente du directoire de Grand Paris Habitat depuis le 6 mars 2023.
Aude Debreil est présidente du directoire de Grand Paris Habitat depuis le 6 mars 2023. (Crédits : ®MayaANGELSEN)

LA TRIBUNE : Vous avez pris le 6 mars la présidence du directoire de Grand Paris Habitat. Pourquoi avez-vous accepté cette mission ?

AUDE DEBREIL : Après avoir piloté des politiques publiques en ministère, créé l'établissement public foncier des Yvelines, dirigé les services du même département et managé un établissement public d'aménagement à Sénart [à cheval entre la Seine-et-Marne et l'Essonne, Ndlr], je voulais découvrir le logement de l'intérieur, rester au service de l'intérêt général et j'avais envie de découvrir le fonctionnement d'un grand groupe. Je suis arrivée juste avant le lancement du plan de soutien de CDC Habitat doté de 3,5 milliards d'euros pour acquérir 17.000 logements neufs en vente en état futur d'achèvement (VEFA). La volonté de la présidente du directoire de CDC Habitat Anne-Sophie Grave est de prioriser les secteurs en forte tension. L'Île-de-France est, vous l'imaginez, particulièrement ciblée.

Concrètement, combien d'habitats sont concernés ? Pour quelle typologie ?

Nous avions un objectif initial de 30% de logements sociaux. Aujourd'hui et après un travail avec les promoteurs, nous avons stabilisé à 20% de logements sociaux dans le cadre de ce plan de soutien au logement. Nous attachons une grande importance à la qualité environnementale des projets proposés par les promoteurs. Aussi, en 2024, 50% seront construits au seuil de la réglementation environnementale 2020, en avance sur les objectifs de 2025 et 15% sur ceux de 2028 en 2025.

Pourquoi cette baisse de la part de logements sociaux ?

Il est aujourd'hui très difficile d'arriver à des labels environnementaux qui sont très ambitieux. C'est un travail sur le long terme, autant pour les promoteurs que pour nous. D'autant qu'à la différence du plan de relance de 2020 visant à acheter 40.000 logements intermédiaires et libres en VEFA, il s'agit là d'acquérir 5.000 logements sociaux et 12.000 logements locatifs intermédiaires. Autrement dit, de l'habitat pour les classes moyennes dont les revenus dépassent les plafonds pour prétendre à des logements HLM et dont les ressources financières ne sont pas assez élevées pour le parc libre. Nous devrions ainsi faire 40 à 45% de ce plan de soutien en Ile-de-France.

Dans quelles zones ?

Sur 4.700 contrats de réservation signés, 1.300 se situent dans les Hauts-de-Seine, un marché très tendu avec des prix très élevés que ce soit à Boulogne-Billancourt, à Rueil-Malmaison, à Puteaux ou à Meudon. Les deux autres départements sur lesquels nous avons réalisé le plus d'acquisitions sont la Seine-Saint-Denis et le Val-de-Marne. Les logements sociaux représentent près de 20%, les logements intermédiaires, 80%. Le plan de soutien a constitué une opportunité pour prendre contact avec des élus locaux qui sont, parfois, étrangers à ces formes d'habitat.

Et pour le delta restant ?

Pour les 600 restants en région parisienne, il s'agit de lettres d'intention. [En d'autres termes, ce n'est pas encore arbitré, ndlr]

De quel ordre sont les décotes ?

Le groupe mène des négociations à l'échelle nationale avec des décotes comprises entre 10 et 16% du prix de vente. [Autrement dit, les promoteurs réduisent leurs marges en vendant à Grand Paris Habitat plutôt qu'aux particuliers, mais cela leur permet d'écouler leur stock, ndlr]

Le ministre du Logement Patrice Vergriete et la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) travaillent ensemble à la baisse des prix des logements neufs. Est-ce seulement possible ?

Les prix des logements anciens reculent, mais les prix des fonciers ne baissent pas. À cela s'ajoutent des coûts de construction qui se sont accru de 15% entre raréfaction des matériaux, introduction de matières biosourcées [d'origine naturelle comme le bois, le chanvre, le lin ou la paille, Ndlr] et des problèmes de financement. Néanmoins, nous constatons déjà une stabilisation des prix de construction et nous espérons désormais qu'ils baisseront.

Dès le 1er janvier 2025, seront interdits à la location l'ensemble des habitats étiquetés G, avant 2028 et 2034 pour les logements classés F et E. CDC Habitat a annoncé mi-novembre une mission sur la décarbonation de son parc immobilier. Où en êtes-vous ?

C'est notre deuxième gros enjeu : nous devons mettre notre parc de CDC Habitat IDF [gestionnaire du parc francilien, Ndlr] de 135.000 logements en conformité avec cette réglementation et contribuer à la stratégie de décarbonation du groupe par la réhabilitation thermique, notamment. Les passoires thermiques, qui laissent passer le froid l'hiver et le chaud l'été, représentent néanmoins une part assez faible de nos habitats. Dès 2008, nous avons entrepris des actions pour diminuer la consommation d'énergie, il ne reste qu'1% du parc à traiter d'ici à 2025. De 234 kilowattheures par mètre carré, nous sommes déjà tombés à 145 kwh et visons les 127 en 2030. Après 3.000 réhabilitations par an, nous ambitionnons d'en réaliser 20.000 d'ici à six ans. Cela nous permettra d'atteindre 15 kg de CO2 par logement en 2030 contre 24 en moyenne aujourd'hui en Île-de-France.

Allez-vous continuer, malgré tout, à produire du logement neuf ?

Bien sûr ! Notre ambition est de concilier les deux car le besoin est là, déjà pour compenser des démolitions d'ensembles immobiliers conduites dans le cadre de programmes financés par l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU). Nous avons ainsi l'intention de produire des logements neufs ayant la plus faible teneur carbone. En l'occurrence, 25.000 d'ici à 2030 soit en vente en état futur d'achèvement (VEFA) auprès de promoteurs soit en maîtrise d'ouvrage directe. En 2024, l'ambition reste la même : 50% au seuil de la réglementation environnementale 2025 en VEFA et 50% en maîtrise d'ouvrage directe.

Quelle est la part de chacun à date ?

En 2023, plus de 5.100 logements ont été livrés pour CDC Habitat IDF dont plus de 2.000 logements sociaux, et plus de 4.600 logements ont été mis en chantier sur le territoire francilien. L'enjeu est de rééquilibrer les projets 75%/25% entre ceux pilotés en VEFA et ceux en maîtrise d'ouvrage directe (MOD). En Ile-de-France, nous atteignons d'ores et déjà 15% de MOD en 2023 alors que l'activité VEFA s'est considérablement accrue simultanément du fait du plan de soutien. Des permis de construire pour 600 logements ont été déposés en 2023 et 800 sont déjà prévus en 2024, nous nous rapprochons de l'ambition de 1.000 logements par an. Par exemple, nous avons identifié des besoins dans l'Essonne et dans les Yvelines, comme à Aubergenville. Pour cela, nous bâtissons actuellement une stratégie de relance de la maîtrise d'ouvrage directe pour définir les prises de risque financier, les processus à faire évoluer et les ambitions environnementales. Nous venons ainsi de recruter un directeur de l'offre nouvelle et une responsable pour le développement foncier.

Au total, à combien s'élèvent vos investissements ?

En Île-de-France, nous investissons plus d'un milliard d'euros sur la production neuve et plus de 200 millions sur l'entretien et les réhabilitations du patrimoine.

La mission décarbonation expliquée à La Tribune par Anne-Sophie Grave, présidente du directoire de CDC Habitat

« Après avoir mené les réhabilitations thermiques de nos logements énergivores, ce qui a nous permis d'atteindre l'étiquette C en moyenne en termes de consommations énergétiques, nous voulons travailler à la décarbonation de l'ensemble de nos activités.

Notre patrimoine étant encore à 60% alimenté au gaz, nous devons accélérer notre recours aux énergies renouvelables et déployer un mix énergétique (solaire, géothermie, pompes à chaleur...).Cela passera prioritairement par un raccordement aux réseaux de chaleur urbain vertueux.

Nous allons également intégrer la conception bioclimatique des bâtiments comme en Outre-mer, en jouant sur la course du soleil et la ventilation naturelle ainsi que dans la réhabilitation hors-les-murs pour le confort d'été, en créant des îlots de fraicheur par la renaturation des sols, avec des espèces économes en eau.

Au-delà de nos logements, nous agirons sur nos bureaux où nous avons déjà mis en place un programme de numérique responsable visant par exemple à optimiser la durée de vie du matériel informatique.

D'ici à 2030, nous voulons ainsi réduire de 35% nos émissions de gaz à effet de serre sur la base des données de fin 2022.»

César Armand

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Commentaires 4
à écrit le 10/01/2024 à 20:48
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CDC habitat majoritaire dans certaines copropriétés de standing des Yvelines vote les yeux fermés des dépenses somptuaires exorbitantes au grand dame des jeunes copropriétaires qui se sont endettés pour acheter et se retrouvent pris à la gorge pour ...

à écrit le 10/01/2024 à 12:08
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CDC habitat ne gère pas ses biens correctement, délais d'intervention très très longs, mails indiquant problème résolu alors qu'il n'en ai rien, comment s'en passer, défaussement des responsabilités en tant que propriétaire....A fuir!

à écrit le 10/01/2024 à 11:53
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Nous avons acquis un appartement à Toulouse (immeuble Hédoniste aux Minimes) construit par Vinci. Livré en décembre alors qu'il n'était pas terminé ! Certainement pour des raisons fiscales. Vinci fait appel aux entreprises les moins chères. Celles-ci...

à écrit le 10/01/2024 à 11:48
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Vu le prix du mètre carré est-ce une valeur parlante ?

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