Le chiffre donne le tournis. Lors des Jeux olympiques et paralympiques l'été prochain, il faudra loger près de 100.000 personnes en plus des visiteurs : 40.000 bénévoles et 45.000 agents de sécurité. Dès mai 2023, le Centre régional des œuvres universitaires et scolaires (Crous) de Paris, qui gère les résidences étudiantes, a donc envoyé un mail à ses locataires afin de récupérer tout ou partie de son parc immobilier de 3.000 logements le temps de la compétition sportive.
Une affaire en justice, du Tribunal administratif au Conseil d'Etat
Une décision qui n'est pas passée auprès des syndicats étudiants. Solidaires a porté l'affaire en justice, conduisant à ce que le Tribunal administratif de Paris suspende la décision du Crous de limiter les baux d'occupation au 30 juin 2024. Suite à quoi ce dernier avait décidé, le 6 novembre, d'octroyer une indemnité de 100 euros ainsi que deux places pour les épreuves sportives.
« Je regrette qu'il ait fallu former un recours contre la décision du Crous pour que celui-ci prenne ensuite des engagements » affirme aujourd'hui à La Tribune, l'avocat de Solidaires Etudiants, Marion Ogier.
Le Centre régional des œuvres universitaires et scolaires (Crous) de Paris s'est, entre-temps, pourvu en cassation devant le Conseil d'Etat. Vendredi dernier, la plus haute juridiction administrative a jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer, relevant les « diverses aides pour pallier les conséquences d'un changement de logement et de résidence universitaire ».
« Le Conseil d'Etat a simplement dit qu'en droit, rien ne faisait obstacle à ce que le Crous puisse décider de limiter la durée d'occupation de certains logements. Je suis assez déçue car cela revient à toujours précariser un peu plus les étudiants », poursuit maître Ogier.
Le Crous de Paris n'est pas le seul à devoir libérer des logements
Les sages du Palais-Royal considèrent également que le Crous de Paris garantit « le renouvellement du droit d'occupation des étudiants pour les personnels de l'Etat participant à l'organisation et au bon déroulement » des JOP.
« Le Conseil d'Etat ne s'est pas prononcé sur le rôle du Crous qui consiste à assurer les meilleures conditions de vie à ses occupants. Ce dernier s'éloigne terriblement de sa mission lorsqu'il prend une telle décision qui va à l'encontre des étudiants . Il y a une erreur manifeste d'appréciation», rétorque Marion Ogier, pour le syndicat Solidaires.
Le Crous de Paris n'est pas le seul à devoir libérer des logements en août-septembre 2024. « Depuis plus d'un an », l'Arpej, l'association qui gère les résidences des bailleurs sociaux pour les jeunes de moins de 30 ans des bailleurs sociaux (12.500 chambres, 13.500 logés, 78 résidences) en Île-de-France et en région, est pressée par l'administration de faire de la place.
« Utiliser le logement des jeunes est profondément injuste. Le fait qu'ils repartent tous chez eux l'été n'est pas vrai. Un tiers travaille l'été. Les internationaux ne repartent pas non plus chez eux pour des questions financières », pointe, auprès de La Tribune, Anne Gobin, directrice générale de l'Arpej et vice-présidente de l'Association interprofessionnelle des résidences étudiants et services (Aires).
Les résidences jeunes des bailleurs sociaux vont contribuer à l'effort
L'Arpej va néanmoins contribuer à l'effort en mettant à disposition 400 places à disposition dont une résidence de 78 logements sur le point d'être livrée dans le XVIIIè arrondissement de Paris et une autre existante de 239 logements à Champs-sur-Marne.
« Tous les ans, nous demandons à nos occupants s'ils restent chez nous et s'ils sont toujours étudiants. Nous avons également regardé là où nous avons toujours de la vacance plusieurs été de suite, mais cela reste difficile de faire cela en amont », ajoute sa directrice générale Anne Gobin, qui a conseillé que des emplois dans la restauration et la sécurité soient proposés à ses locataires.
Et d'ironiser sur les 100 euros proposés en contrepartie: « entre ceux qui se logeront sur Airbnb et ceux qui vivront à 8 dans 18 m², nous n'avons pas fini de rire. On n'imaginerait pas de demander à quelqu'un d'autre de quitter son logement. C'est assez choquant ». « Il faut des sommes bien plus importantes pour les différents déménagements. Qu'on conditionne le relogement des étudiants à des logements vacants » abonde Me Ogier.
Sollicité par La Tribune, le comité d'organisation Paris 2024 renvoie vers le ministère des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques. Contacté, ce dernier « prend acte de la décision du Conseil d'Etat et rappelle que contrairement à une campagne de désinformation persistante, il n'a jamais été question de priver de logement un seul étudiant pendant les Jeux ».
Les mêmes mots employés à la virgule près par le ministère de l'Enseignement supérieur auprès de l'AFP le 29 décembre dernier à la suite du jugement du Palais-Royal...
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