C'est une étude riche en enseignements que vient de publier le Conseil d'analyse économique (CAE), qui dépend de Matignon, sur le diagnostic de performance énergétique (DPE), que connaît par cœur tout propriétaire ou locataire d'un logement. Obligatoire depuis 2006, réformé en 2021, il permet de renseigner sur la performance énergétique et climatique de son habitat en évaluant sa consommation d'énergie et son impact en termes d'émissions de gaz à effet de serre.
D'autant que depuis le 1er janvier 2023, les logements étiquetés G+ sont interdits à la location, suivis en 2025, 2028 et 2034 de l'ensemble des logements G, F et E, synonymes de passoires thermiques, ces logements qui laissent passer le froid en hiver et le chaud en été. A l'inverse, en haut du classement, les classes A, B, C, qui se retrouvent surtout dans le parc immobilier neuf, et même D, se retrouvent dans les habitats sains. Cet étiquetage est indispensable ne serait-ce que pour mener à bien des travaux de rénovation.
178.110 relevés bancaires passés au crible
Le CAE s'est donc associé au Crédit Mutuel Fédéral Alliance pour mesurer, entre mars 2022 et février 2023, les consommations énergétiques réelles des Français, à partir des relevés bancaires de 178.110 clients - 140.000 en maison individuelle et 40.000 en logement collectif mais avec compteur individuel - alimentés en électricité et/ou en gaz. Et ce dans toute la France, avec une proportion moindre en Bretagne du fait du réseau bancaire en question.
Surprise : l'écart de consommation d'énergie au mètre carré entre un habitat mal classé et un bien classé est six fois moins fort que celui prédit par le DPE. En théorie, les logements étiquetés A et B n'excèdent pas une consommation moyenne de 83 kilowattheures par mètre carré et par an, tandis que les G consomment 560% de plus avec 548 kWh/m²/an. Sur le terrain, l'écart n'est « que » de + 85% et ce quelle que soit la surface.
Les comportements des Français dans le viseur
L'hypothèse des économistes rattachés aux services du Premier ministre tient au comportement des Français. Ceux qui vivent dans des logements mal étiquetés consomment moins que les projections du DPE, contraints par des factures plus élevées que le reste de la population. A l'inverse, ceux qui résident dans des logements mieux isolés ont tendance à consommer plus. « Les ménages sont contents de pouvoir se chauffer davantage », avance l'économiste Ariane Salem.
La taille de l'habitat ne compte pas plus que cela. Alors qu'il est coutume de croire le diagnostic de performance énergétique selon lequel plus le logement est grand, plus il consomme, l'étude quantitative bat en brèche cette idée reçue. Dans chaque classe d'énergie, la consommation réelle par mètre carré décroît en effet avec la surface. « On ne chauffe pas toutes les pièces d'un grand logement du fait de l'inertie thermique », expliquent les auteurs du travail.
Pas d'effet différencié entre l'électricité et le gaz
Il n'y a pas non plus d'« effet différencié » entre l'électricité et le gaz, affirme l'économiste du Crédit Mutuel Julien Fournel. De la même façon qu'il n'existe pas d'écart significatif selon la typologie du logement. A la différence du collectif où le delta est de 110%, il n'est « que » de 27% dans l'individuel. « Les effets comportementaux sont potentiellement plus importants dans l'individuel au regard d'une maîtrise plus grande des usages », relèvent les experts.
Autant de résultats hétérogènes qui poussent le Conseil d'analyse économique à vouloir fiabiliser le DPE en cherchant des pistes d'amélioration et d'homogénéisation. Et de demander à mieux connaître les comportements de consommation des ménages tant pour les accompagner dans les efforts de sobriété que dans la baisse des émissions de gaz à effet de serre. « Le DPE tout seul ne suffit pas à faire une bonne prédiction », insiste l'universitaire de Paris-Dauphine Gabrielle Fack. « Nous avons très peu d'informations sur les comportements », abonde Camille Landais, président délégué du CAE.
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