Immobilier : la méthode de calcul des DPE remise en question

Le Conseil d'analyse économique (CAE) vient de publier une étude sur la performance énergétique du logement et la consommation d'énergie à la lumière de données bancaires du Crédit Mutuel Fédéral Alliance. L'organisme rattaché aux services du Premier ministre pointe un écart béant entre le diagnostic de performance énergétique (DPE) et les données réelles des habitats.
César Armand
Depuis le 1er janvier 2023, les logements étiquetés G+ sont interdits à la location.
Depuis le 1er janvier 2023, les logements étiquetés G+ sont interdits à la location. (Crédits : Eric Gaillard)

C'est une étude riche en enseignements que vient de publier le Conseil d'analyse économique (CAE), qui dépend de Matignon, sur le diagnostic de performance énergétique (DPE), que connaît par cœur tout propriétaire ou locataire d'un logement. Obligatoire depuis 2006, réformé en 2021, il permet de renseigner sur la performance énergétique et climatique de son habitat en évaluant sa consommation d'énergie et son impact en termes d'émissions de gaz à effet de serre.

D'autant que depuis le 1er janvier 2023, les logements étiquetés G+ sont interdits à la location, suivis en 2025, 2028 et 2034 de l'ensemble des logements G, F et E, synonymes de passoires thermiques, ces logements qui laissent passer le froid en hiver et le chaud en été. A l'inverse, en haut du classement, les classes A, B, C, qui se retrouvent surtout dans le parc immobilier neuf, et même D, se retrouvent dans les habitats sains. Cet étiquetage est indispensable ne serait-ce que pour mener à bien des travaux de rénovation.

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178.110 relevés bancaires passés au crible

Le CAE s'est donc associé au Crédit Mutuel Fédéral Alliance pour mesurer, entre mars 2022 et février 2023, les consommations énergétiques réelles des Français, à partir des relevés bancaires de 178.110 clients - 140.000 en maison individuelle et 40.000 en logement collectif mais avec compteur individuel - alimentés en électricité et/ou en gaz.  Et ce dans toute la France, avec une proportion moindre en Bretagne du fait du réseau bancaire en question.

Surprise : l'écart de consommation d'énergie au mètre carré entre un habitat mal classé et un bien classé est six fois moins fort que celui prédit par le DPE. En théorie, les logements étiquetés A et B n'excèdent pas une consommation moyenne de 83 kilowattheures par mètre carré et par an, tandis que les G consomment 560% de plus avec 548 kWh/m²/an. Sur le terrain, l'écart n'est « que » de + 85% et ce quelle que soit la surface.

Les comportements des Français dans le viseur

L'hypothèse des économistes rattachés aux services du Premier ministre tient au comportement des Français. Ceux qui vivent dans des logements mal étiquetés consomment moins que les projections du DPE, contraints par des factures plus élevées que le reste de la population. A l'inverse, ceux qui résident dans des logements mieux isolés ont tendance à consommer plus. « Les ménages sont contents de pouvoir se chauffer davantage », avance l'économiste Ariane Salem.

La taille de l'habitat ne compte pas plus que cela. Alors qu'il est coutume de croire le diagnostic de performance énergétique selon lequel plus le logement est grand, plus il consomme, l'étude quantitative bat en brèche cette idée reçue. Dans chaque classe d'énergie, la consommation réelle par mètre carré décroît en effet avec la surface. « On ne chauffe pas toutes les pièces d'un grand logement du fait de l'inertie thermique », expliquent les auteurs du travail.

Pas d'effet différencié entre l'électricité et le gaz

Il n'y a pas non plus d'« effet différencié » entre l'électricité et le gaz, affirme l'économiste du Crédit Mutuel Julien Fournel. De la même façon qu'il n'existe pas d'écart significatif selon la typologie du logement. A la différence du collectif où le delta est de 110%, il n'est « que » de 27% dans l'individuel. « Les effets comportementaux sont potentiellement plus importants dans l'individuel au regard d'une maîtrise plus grande des usages », relèvent les experts.

Autant de résultats hétérogènes qui poussent le Conseil d'analyse économique à vouloir fiabiliser le DPE en cherchant des pistes d'amélioration et d'homogénéisation. Et de demander à mieux connaître les comportements de consommation des ménages tant pour les accompagner dans les efforts de sobriété que dans la baisse des émissions de gaz à effet de serre. « Le DPE tout seul ne suffit pas à faire une bonne prédiction », insiste l'universitaire de Paris-Dauphine Gabrielle Fack. « Nous avons très peu d'informations sur les comportements », abonde Camille Landais, président délégué du CAE.

César Armand

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Commentaires 17
à écrit le 13/01/2024 à 16:18
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J'ai lu la note du CAE et je trouve la présentation des résultats curieuse. Dans la théorie du DPE, les consommations énergétiques s'échelonnent de 83 kWh/m2/an (classes AB) à 548 (classe G), soit 6,6 fois plus. Dans les comptes réels des clients du ...

à écrit le 11/01/2024 à 14:20
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Merci pour cette étude enfin pertinente. Mais comme les observations de la cours de comptes sur bien de sujets, ma main au feu que cela ne servira pas à grand chose. Quand on pense qu'il n'est plus ou ne sera plus possible de louer (si j'en crois l...

à écrit le 11/01/2024 à 11:53
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dans ce domaine c'est la foire vous prenez 3 societees pas une ne trouve le meme resultat mais elles s'en mettent plein les poches les diagnostiques sont tres chers une tres bonne affaire pour ses boites là d'ailleus 60 millons de consommateurs a...

à écrit le 11/01/2024 à 8:37
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C'est une surprise ? Avant pour connaître la classe énergétique des logements on regardait les factures de gaz et d'électricité. En outre ça fait plusieurs années que kes diagnostiqueurs ont prévenu les politiques. Mais vu que l'écologie n'est pas ...

le 11/01/2024 à 13:27
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Les factures ça ne veut pas dire grand chose non plus. Les précédents propriétaires chauffaient à 22 degrés et moi à 18 degrés, et bizarrement la consommation est bassez différente.

à écrit le 10/01/2024 à 23:03
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1° je créé des lois et des obligations qui se contredisent, que personne ne comprend, mais que moi politicien matois veut que le bon peuple suive. J'utilise des fonctionnaires hautement qualifié pour rédiger les tables de la loi. Mais tout ça c est ...

à écrit le 10/01/2024 à 22:42
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Le DPE est une stupidité de technocrate, c'est une usine à gaz en lien avec la règlementation énergétique RE2020 qui a mis une sacré hausse au coût de la construction. Ceux qui connaissent le sujet s'arrachent les cheveux...sauf ceux qui en tirent pa...

à écrit le 10/01/2024 à 22:33
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Le DPE pourrait être une bonne solution (si réellement bien fait) SI il y avait suffisamment de logements decents en France, ce qui n'est pas le cas. On laisse les gens dans la rue ou malgré tout ils peuvent avoir un toit sur la tête même pas trop b...

à écrit le 10/01/2024 à 20:44
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Encore une étude mettant en avant, sans le moindre début de preuve, le comportement des Français (ou des Allemands, Britanniques, etc. pour les études étrangères) pour expliquer les incohérences ou insuffisances des dispositifs d'amélioration ou, ici...

à écrit le 10/01/2024 à 20:41
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Le conseil d'analyse économique ..... encore un titre qui manquait à notre administration .... enfin cela permet de caser les copains. Est ce que les créateurs du DPE ont travaillé sur le terrain et est ce qu'ils ont vu comment est fait le travail a...

à écrit le 10/01/2024 à 20:21
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J'ai vu agent immobilier se fier à son téléphone pour l'orientation..qui avait été permutée. Un diagnostic affirmer orientation sud alors qu'elle est ouest. Dans le sud , avec peu de besoin de chauffage le dpe est laxiste . Un logement aucunement iso...

à écrit le 10/01/2024 à 20:07
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Bien entendu que le diagnostic de DPE est du vent : le but est-il réellement de lutter contre le réchauffement climatique, etc. ou bien de nuire à l´immobilier ? Puisqu´avec les mesures en cours, non seulement les propriétaires sont matraqués fiscale...

à écrit le 10/01/2024 à 19:24
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Le système du DPE ne sert pas a grand chose. Pour un acheteur, il n'est pas très difficile d'estimer la consommation d'un bâtiment en energie. Sinon, si on veut éviter le gaspillage d'energie, on n'a qu'a augmenter le prix de celle ci

le 10/01/2024 à 20:47
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Pour l'augmentation du prix de l'énergie à laquelle nos amis écologistes appellent depuis plus de 10 ans et contribuent par la promotion d'énergies lourdement subventionnées, c'est fait. Compte tenu du nombre de précaires énergétiques, il serait diff...

le 10/01/2024 à 20:55
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"il n'est pas très difficile d'estimer la consommation d'un bâtiment en énergie" vous êtes du métier ? Comment estimez vous ? Si le DPE était rigoureux (donc pas en formant des novices en 8 jours pour reconnaitre tous les matériaux, voire aussi ceux ...

à écrit le 10/01/2024 à 19:03
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On peut évoquer aussi les logements mis en location par les agences dont les indicateurs sont dépassés pour reste dans les clous . Pour avoir bossé dans differentes agences immos de location en île de France Une astuce bien connue du secteur cons...

à écrit le 10/01/2024 à 18:45
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Eh ben encore une fois, "bravo". Néanmoins, faut-il être étonné dans ce pays où tous les gardes-fous ont sauté depuis longtemps en laissant place à la flibuste comme art de vivre.

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