Immobilier : la réforme du DPE s'invite à l'Assemblée nationale

La mise en location d'un meublé touristique sera-t-elle bientôt soumise au diagnostic de performance énergétique (DPE) ? Sera-t-il toujours possible d'y déroger ? Faut-il rendre les DPE collectifs opposables aux DPE individuels dans la rénovation énergétique des copropriétés ? Ou reporter le calendrier d'interdiction à la location des passoires thermiques au 1er janvier 2030 ? Sur fond de triple crise du logement, deux propositions de loi seront examinées dès demain, en commission des affaires économiques du palais Bourbon.
César Armand
Aux horizons 2025, 2028 et 2034, tous les logements étiquetés G, F et E par ce fameux DPE seront interdits à la location car considérés comme des passoires thermiques.
Aux horizons 2025, 2028 et 2034, tous les logements étiquetés G, F et E par ce fameux DPE seront interdits à la location car considérés comme des passoires thermiques. (Crédits : Andrey Popov - Fotolia.com)

DPE pour diagnostic de performance énergétique. Un acronyme que connaît tout propriétaire ou locataire d'un logement puisqu'il permet de renseigner depuis 2006 sur la performance énergétique et climatique de son habitat en évaluant sa consommation d'énergie et son impact en termes d'émissions de gaz à effet de serre. Et ce sachant qu'aux horizons 2025, 2028 et 2034, tous les logements étiquetés G, F et E par ce fameux DPE seront interdits à la location car considérés comme des passoires thermiques, c'est-à-dire laissant entrer le froid l'hiver et la chaleur l'été. Sauf qu'à l'heure de la triple crise du logement - crise de l'accession à la propriété, crise de la demande et crise de l'offre -, ce diagnostic obligatoire à l'occasion d'une mise en location ou d'une vente d'un habitat est questionné par les députés. A compter du 28 novembre, deux propositions de loi arrivent en effet en commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale.

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La mise en location d'un meublé touristique bientôt soumise au DPE ?

Le premier texte, qui sera examiné mardi au palais Bourbon, vise à remédier aux déséquilibres du marché locatif en zone tendue, c'est-à-dire là où l'offre de logements est inférieure à la demande. Par exemple, aujourd'hui les propriétaires qui souhaitent louer sur Airbnb, Abritel, Booking..., ne sont pas soumis à l'interdiction à la location et peuvent continuer à y afficher leur passoire thermique. Demain, si la loi passe, la mise en location d'un meublé de tourisme sera soumise à la réalisation préalable d'un diagnostic de performance énergétique (DPE).

« Quand un propriétaire voudra changer l'usage de son logement, il devra fournir un DPE de bonne qualité, un DPE qui fera office de pièce justificative », souligne, auprès de La Tribune, Iñaki Echaniz, député (PS) des Pyrénées-Atlantiques, co-auteur du texte avec Annaïg Le Meur, députée (Renaissance) du Finistère.

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Sera-t-il toujours possible d'y échapper ?

Il sera toutefois possible d'y échapper selon les communes. « Le conseil municipal a la faculté de déroger à l'obligation si une telle dérogation est justifiée par l'existence de circonstances locales particulières », est-il précisé dans la proposition de loi. Par exemple, dans les stations de ski, les passoires thermiques sont surreprésentées dans le parc locatif, mais ces logements sont indispensables pour la survie économique de ces territoires de montagne.

En l'absence de dérogation, l'obligation entrera en vigueur de la même manière que pour les habitats classiques. Dès lors, le conseil municipal pourra soumettre la mise en location des logements sur Airbnb, Abritel, Booking... à un régime d'autorisation préalable fondé sur la présentation du DPE.

Dernière subtilité, dans le cas où ce régime ne serait pas mis en place, le maire pourra « toujours mettre en demeure un bailleur de lui transmettre un diagnostic de performance énergétique attestant de la performance du meublé, et sanctionner les manquements d'une amende administrative », indique le texte.

Le DPE est-il contraignant ?

Cette première proposition de loi est transpartisane et rassemble des députés de la majorité présidentielle. A l'inverse, le deuxième texte centré sur des mesures d'urgence pour remédier à la crise du logement est porté par le député (Les Républicains) de la 4ème circonscription de Meurthe-et-Moselle, Thibault Bazin.

Cette dernière proposition de loi, qui sera décortiquée mercredi en commission, évoque, elle aussi, le diagnostic de performance énergétique, mais comme un « entêtement » d'Emmanuel Macron, de ses gouvernements et de sa majorité à imposer un DPE « contraignant tout en refusant de prendre en compte les contraintes financières, techniques et pratiques auxquelles sont confrontés les propriétaires ».

Cela pourrait conduire, poursuit le député Bazin reprenant les chiffres de l'Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI), à une sortie du marché locatif de 2,032 millions d'habitats au 1er janvier 2025, puis de 3,154 millions supplémentaires au 1er janvier 2028 et enfin de 6,586 millions en plus entre 2028 et 2035.

« Sur les 37 millions de logements de l'ensemble du parc français (résidences principales, résidences secondaires et logements vacants), le nombre de passoires énergétiques au 1er janvier 2023 est estimé à 6,6 millions (17,8% du parc) contre 7,1 millions (19,5%) en 2022, soit une baisse de 7% », indique, de son côté, une publication de l'Observatoire national de la rénovation énergétique mise en ligne le 20 novembre.

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Faut-il rendre les DPE collectifs opposables aux DPE individuels ?

Le parlementaire (LR) de Meurthe-et-Moselle prévoit ainsi que l'adoption d'un plan pluriannuel de travaux (PPT) par une copropriété permettant des économies d'énergie d'une performance suffisante entraîne la suspension de l'indécence énergétique d'un logement individuel (qui l'interdit à la location) situé dans l'immeuble pendant la durée du PPT (10 ans).

« Ainsi serait suspendue l'interdiction de location à l'échelle du logement individuel, tout en garantissant le lancement d'un plan de travaux ambitieux, aisément contrôlable via le DPE collectif de l'immeuble », justifie Thibault Bazin.

L'association Plurience, qui représente les grandes entreprises de la gestion et de la transaction immobilières, propose, elle, de rendre le diagnostic de performance énergétique (DPE) collectif opposable aux DPE individuels.

« Il est important d'informer l'occupant avec le DPE individuel, mais il y a des disparités énormes entre un appartement au 1er étage plein Nord et un autre au milieu de la copro plein Sud », illustre Pierre Hautus, son délégué général.

Avec son texte, « les copropriétaires seraient donc incités à enclencher un vaste plan de rénovation de leur immeuble et une telle mesure permettrait de faciliter la solidarité au sein des immeubles et le vote de travaux collectifs », veut encore croire le député Bazin.

D'autant que le chantier gouvernemental de février dernier sur « la simplification de la gouvernance » est au point mort selon les parties prenantes.

« Aujourd'hui, les votes à l'unanimité des emprunts collectifs ne fonctionnent jamais », regrette ainsi Laurence Battle, président de Foncia Administration de biens, leader du marché, qui propose que les plans de travaux et que les plans de financement soient votés en même temps à majorité qualifiée.

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Ou reporter le début du calendrier d'interdiction au 1er janvier 2030 ?

Quoi qu'il arrive, le temps de la décision reste incompressible. Quand une « copro » s'engage dans des travaux, cela prend en effet au moins 3 à 4 ans entre les explications du syndic sur les copropriétaires, la présentation des devis, le vote du plan pluriannuel des travaux, sans parler de la durée du chantier... Ce qui fait dire à la Fédération nationale de l'immobilier (FNAIM) qu'il faut revoir le calendrier d'interdiction.

Un avis partagé par le parlementaire (LR) de Meurthe-et-Moselle qui pousse au report du 1er janvier 2025 au 1er janvier 2030.

« Ce report apparaît d'autant plus nécessaire que de fortes pénuries de matériaux et de main d'œuvre renforcent les difficultés financières et que les objectifs en nombre de rénovations globales portés par le PLF 2024 ne permettront pas de rénover à temps toutes les passoires thermiques. En extrapolant l'hypothèse budgétaire pour 2024, il faudra plusieurs années rien que pour les logements classés G. L'adoption de cette mesure permettrait également d'éviter l'aggravation de la pénurie de logements », soutient Thibault Bazin.

Ou confier les rénovations globales aux intercommunalités ?

Invité le 23 novembre au congrès des maires sur une table-ronde « Logement : les maires en première ligne face à la crise », le ministre du Logement a justement estimé que pour les rénovations globales, « il [falllait] aller chez les gens et les accompagner dans les dossiers administratifs ».

« L'Etat ne sait pas le faire », a aussitôt admis Patrice Vergriete, resté président (Divers gauche) de l'intercommunalité dunkerquoise.

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 Un rôle qu'entendent bien jouer les élus de l'association Intercommunalités de France, qui représente les communautés de communes, d'agglomération et les métropoles.

« Nous avons déjà des plateformes de rénovation énergétique de logement. S'il n'y a pas de décentralisation de Ma Prime Rénov', ce ne sera pas la peine de se mettre autour de la table. C'est Ma Prime Rénov' ou rien ! », confie, à La Tribune, Sébastien Martin, président (ex-LR) d'Intercommunalités de France.

Sur son territoire du Grand Chalon (Saône-et-Loire), un « Espace Habitat Conseil » reçoit déjà le public et l'aide au montage des dossiers. De la pratique sur le terrain à son inscription dans la loi, il faudra cette fois attendre non pas une proposition de loi d'un énième député, mais le projet de loi gouvernemental de décentralisation des politiques du logement, prévu pour le printemps 2024.

Quelques autres dispositions des lois Echaniz-Le Meur et Bazin

L'article 3 initial de la loi transpartisane Echaniz (PS)-Le Meur (Renaissance) prévoyait également de réorganiser la fiscalité des logements meublés. Un amendement le réécrit totalement afin de de rééquilibrer le marché locatif en harmonisant à un taux de 40% les abattements fiscaux relatifs aux meublés touristiques sur ceux de la location longue durée. Un amendement déjà poussé dans le budget 2024 et soutenu par le ministre Vergriete, mais retoqué.

Un autre amendement prévoit aussi de généraliser aussi le changement d'usage, pour éviter par exemple que les locaux commerciaux en rez-de-chaussée ne deviennent des logements saisonniers, et le changement de numéro d'enregistrement pour « passer du curatif au préventif » (Iñaki Echaniz). Surtout il inscrit dans la loi les quotas, tel que celui de Saint-Malo, modèle du ministre du Logement aujourd'hui attaqué en justice. Enfin, il renforce le pouvoir des assemblées générales (AG) de copropriété qui pourront accepter ou non ces meublés touristiques.

Dans un autre esprit, la proposition de loi du député (LR) Bazin entend, elle, permettre aux contribuables de bénéficier d'un crédit d'impôt sur le revenu au titre des dépenses effectivement supportées pour la contribution à la rénovation énergétique de leurs logements. Ou encore à créer un crédit d'impôt pour financer l'amortissement des emprunts contractés en vue de l'acquisition d'un logement neuf répondant aux normes environnementales RE2020, synonyme d'« endettement supplémentaire ».

Son article 12 rétablit, enfin, le dispositif d'aide personnalisée au logement (APL) « accession » remise en cause par la loi de finances pour 2018 et qui permettait à des ménages modestes d'accéder à la propriété. L'APL accession représentait ainsi 2% du budget consacré au logement par l'État et permettait à près de 35.000 foyers d'accéder à la propriété« Celui-ci peut être voté par tout le monde, sauf par Renaissance », assure, à La Tribune, le parlementaire de Meurthe-et-Moselle.

César Armand

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Commentaires 6
à écrit le 28/11/2023 à 11:31
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je voulais acheter un appartement et bien avec ces DPE et ces interdictions débiles j'ai changé d'avis. L'Europe est malade, la France est malade. Parce que le temps passe vite et les politicos-écolos-enquiquineurs même si il décalent la mise en plac...

à écrit le 28/11/2023 à 8:26
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boh c'est ce que j'ecris regulierement!!!!!!! a partir du moment ou tu comprends ce qu'il se passe, et a partir du moment ou l'etat stratege car de gauche comprend quil va payer les pots casses, on touille bien la soupe pour que plus personne ne comp...

à écrit le 27/11/2023 à 22:01
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Ils sont fous !?

le 28/11/2023 à 11:54
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Oui.

le 28/11/2023 à 16:40
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Non. La sobriété énergétique est un objectif incontournable, et il n'est pas admissible que certains propriétaires, sous prétexte de location d'un meublé touristique, ne soient pas soumis aux mêmes règles que les autres. Quant au calendrier d'applica...

à écrit le 27/11/2023 à 20:48
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Pour être rapidement efficace pour retrouver un parc locatif adapté aux besoins des habitants permanents, en lieu et place du DPE, pourquoi ne pas réduire à 30 jours par année civile la location très courte, voire la sous-location ? Le DPE pourrait ...

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