Immobilier : faut-il plafonner les prix de vente des logements neufs pour résoudre la crise ?

Alors que la crise du logement neuf bat son plein, l'aménageur Maurice Sissoko, directeur général de Citallios, propose que les collectivités locales puissent plafonner le prix de vente des logements libres, intermédiaires et sociaux. Les promoteurs immobiliers sont prêts à faire des offres promotionnelles mais se méfient d'une telle vision « collectiviste ». Décryptage.
César Armand
(Crédits : DR)

« Il faut arrêter de subventionner la demande, il faut encadrer les prix de l'offre. Il est scandaleux que 40% des revenus des Français soient consacrés au logement ! » Le coup de gueule ne vient pas d'un responsable associatif, mais d'un professionnel de l'immobilier. Inspecteur général des Finances, Maurice Sissoko est directeur général de Citallios, un aménageur public dont les actionnaires sont les départements des Yvelines, de l'Essonne et des Hauts-de-Seine, la ville de Clichy-la-Garenne et le conseil régional d'Île-de-France.

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« Qu'on soit radical ! » exhorte Maurice Sissoko

Après le rapport du député Lagleize sur l'encadrement des prix du foncier en 2019, celui du dijonnais François Rebsamen sur la relance durable de la construction de logement en 2021 et les multiples propositions issues du Conseil national de la refondation (CNR) dédié au logement en 2023, sa religion est faite : il faut que les collectivités locales fixent un plafond du prix de vente des logements libres, intermédiaires et sociaux. C'est déjà le cas dans les deux derniers cas dont les prix sont plafonnés à 3.000 euros du mètre carré.

« Qu'on soit radical : qu'on encadre les prix de sortie des logements pendant une période ! » insiste Maurice Sissoko.

« Cela fonctionnera qu'à condition que l'Etat, les établissements publics et les collectivités territoriales limitent les prix de vente du foncier », poursuit-il.

Les promoteurs immobiliers prêts à faire des offres promotionnelles si...

Et pour cause, toutes sources confondues, le coût d'un terrain représente 15% du prix d'un logement neuf, suivi par le coût de construction à 50%, la TVA à 20% et les marges à 5%. Pour les 10% restants, il s'agit des coûts d'assurance dommages ouvrage, de bureaux de contrôle ou encore des honoraires liés aux architectes, à la gestion et à la vente :

« Nous sommes prêts à faire des offres promotionnelles, mais à long-terme et à part passer la TVA de 20 à 10%, je ne vois pas où sont nos marges de manœuvre. Il faudrait qu'il y ait une grande baisse des prix sur les coûts de construction », réagit le président de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI), Pascal Boulanger.

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Maurice Sissoko rétorque que la régulation par le prix de sortie a justement un « effet direct » sur les autres éléments que sont le terrain, les coûts de construction, les honoraires architectes et de gestion ou encore la marge promoteur. « En dix ans, les prix de l'immobilier neuf ont doublé. Autrement dit, le volume des marges a, lui, aussi doublé. Aujourd'hui, les prix sont trop chers. Une partie est passée dans la rémunération des professionnels », lâche-t-il encore.

Une vision collectiviste ?

Une affirmation qui fait bondir ses confrères. « On veut bien taper dans nos marges mais les banques ne nous suivent plus autant qu'avant », souligne l'un d'entre eux. « Nous ne sommes pas dans une économie administrée. Même dans le logement social, l'inflation dans la construction est telle qu'on ne peut plus délivrer », abonde un autre, alors que le congrès HLM vient de s'ouvrir à Nantes.

« J'entends les critiques fondées d'une vision collectiviste décalée dans une économie de marché, mais j'apporterai plusieurs objections », répond Maurice Sissoko. « Cela existe déjà et cela fonctionne, certaines mairies donnent des plafonds de prix de vente. L'effet est immédiat sur le prix des fonciers et la compétition de marché se fait sur la qualité des logements. L'encadrement des loyers, enfin, a déjà cet effet sur les prix de vente pour tous les investisseurs », poursuit-il.

Opposé à l'encadrement des loyers, le vice-président (UDI) de la région Île-de-France chargé du Logement et, à ce titre, président de l'établissement public foncier d'IDF (EPFIF) et de Grand Paris Aménagement (GPA) pousse, lui, à l'interdiction des enchères sur le foncier public. « Des entreprises de l'Etat et des collectivités vendent parfois à 3 à 4 fois la valeur réelle de leurs biens pour ''surmarger'', tant est si bien que les prix de sortie ne sont pas accessibles pour les vrais gens », pointe Jean-Philippe Dugoin-Clément.

« Commençons déjà par interdire les enchères sur le foncier public », appuie Éric Groven, président de Sogeprom. « Ce n'est pas facile, mais le gouvernement peut y arriver, soit par voie réglementaire, soit en adressant une circulaire aux établissements publics fonciers en leur demandant de ne plus en faire », enchaîne-t-il.

Cela ne coûte rien à l'Etat...

Dans ce domaine, Maurice Sissoko considère que le plafonnement des prix du foncier public doit être la norme sur la base d'une valeur déterminée par les Domaines (Bercy) et actualisée annuellement. Et ce à condition de l'assortir d'une capacité juridique et financière des établissements publics financiers de préempter les fonciers privés. « L'administration des Domaines a une marge d'appréciation et des éléments de fixation des valeurs prix. Utilisons-les », soutient l'élu Jean-Philippe Dugoin-Clément.

« Les prix de l'immobilier neuf s'ajustent déjà à la baisse entre -5 et -15%. Plutôt que de les vendre mes logements en bloc à -25% à CDC Habitat et d'abandonner ma marge, je préfère baisser mes prix », confie un promoteur.

Quoiqu'il en soit, plafonner les prix de vente des logements neufs a au moins un avantage : cela ne coûte rien à l'Etat. Et ce alors que les chiffres officiels de la construction de logements du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires se détériorent mois après mois. Publiées le 28 septembre, les dernières statistiques font état de 379.000 permis de construire délivrés entre septembre 2022 et août 2023, soit une chute libre de 27,9% comparés aux douze mois précédents.

César Armand

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Commentaires 7
à écrit le 04/10/2023 à 14:47
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N'importe quoi , l'encadrement des prix par l'état conduira tout simplement à encore plus de pénurie de logements. Le prix du logement est fixé par la loi de l'offre et de la demande, ceux qui ne peuvent pas acheter restent locataires c'est basique.

à écrit le 04/10/2023 à 10:24
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Dispositif inutile qui ouvrirait la voie à de multiples procédures et recours en justice des promoteurs ou vendeurs sans rien résoudre , laissons pour une fois faire le marché acheteurs, vendeurs , intermédiaires, financeurs ..

le 05/10/2023 à 13:42
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@Idx. Nous sommes d'accord

à écrit le 04/10/2023 à 8:36
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"il faut encadrer les prix de l'offre. Il est scandaleux que 40% des revenus des Français soient consacrés au logement ! " Non c'est pas scandaleux, faut arrêter d'en faire des caisses, puisque ça fait des décennies que les productifs sont tenus en o...

à écrit le 03/10/2023 à 20:53
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Il croit quoi le gus (qui prêche pour sa paroisse car c'est un acheteur) ? Que les promoteurs/entreprises du bâtiment et compagnie vont vendre à perte. Leur marge est déjà ridicule. On leur rajoute des contraintes de tout les côtés (surface, coût du ...

à écrit le 03/10/2023 à 20:53
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Le titre est hallucinant de bienveillance !!! Ils ont fait ça sur les pdrs de grande consommation au Venezuela, depuis les magasins sont vides! On veut plafonner les loyers et les prix de vente mais les impôts et les charges par contre, pas de plaf...

à écrit le 03/10/2023 à 20:17
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Non il faut simplement arreter de taxer a outrance les gens en capaciter de ce porter sur ce marcher et de faire une vrai politique d'amelioration de lhabitat ancien accecible au plus modeste donc ne pas confier le dossier a des ecolos de gauche

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