Le gouvernement va-t-il profiter du projet de loi de finances 2024, présenté en Conseil des ministres le 27 septembre, pour revoir la fiscalité sur les meublés touristiques comme il l'annonce depuis des mois ? C'est-à-dire sur les villas, appartements ou studios meublés, à l'usage exclusif du locataire, destinés à une clientèle de passage à la semaine ou au mois, avec une durée maximale de 90 jours consécutifs à la même personne.
Selon nos informations, Bercy a donné son accord aux députés Renaissance pour qu'ils déposent des amendements en ce sens dans le budget 2024.
Rien ne bouge depuis la mi-mars...
Et ce alors que depuis la mi-mars, l'exécutif a déjà toutes les cartes en main pour agir... Mais rien ne bouge. À l'époque, les Inspections générales de l'Administration (IGA), de l'Environnement et du Développement durable (IGEDD) et des Finances (IGF) lui ont, en effet, remis un rapport sur l'attrition des résidences principales dans les zones touristiques. Objectif : trouver des leviers pour maintenir un parc de logement accessible aux habitants, particulièrement sur les littoraux et en montagne. Un marché actuellement largement capté par les plateformes d'hébergement (Airbnb, Booking, Abritel...).
Dans un contexte de pénurie d'habitats partout en France, le diagnostic des hauts fonctionnaires est sans appel : les dispositifs d'évaluation, de mesure d'impact, avant et après leur mise en œuvre, sont « le plus souvent sous-optimaux » voire « partiellement inopérants ». C'est par exemple le cas de l'évaluation de la taxation des revenus issus des locations meublées. C'est pourquoi, dans leur synthèse, les inspecteurs recommandent d'accélérer « l'extinction définitive » des incitations fiscales en faveur des meublés de tourisme.
« C'est la piste la plus crédible qui pourrait être retenue » confiait alors à La Tribune Olivier Klein, ministre du Logement de juillet 2022 à juillet.
... alors que la Première ministre s'est emparée du sujet
En parallèle, juste avant le congrès des maires de novembre dernier, le gouvernement a monté un groupe de travail, composé d'élus des territoires concernés, de parlementaires et de professionnels, « afin de répondre à la [même problématique] » de raréfaction des résidences principales. Tant est si bien que le 23 mars, les ministres des Collectivités territoriales, du Logement, des PME, du Commerce, de l'Artisanat et du Tourisme ont fait savoir que 73 propositions avaient été présentées et venaient « s'ajouter » à celles du rapport des trois inspections.
Une annonce suivie d'effets. Lors d'une conférence de presse téléphonique le 18 juillet, les cabinets des ministres concernés ont présenté quatorze propositions, parmi lesquelles « engager des réflexions sur la fiscalité des revenus locatifs et réinterroger le système meublé/non-meublé pour favoriser une offre locative de longue durée ». Et ce en faisant mention des déclarations, le 5 juin, de la Première ministre Elisabeth Borne en clôture du Conseil national de la refondation (CNR) dédié au logement.
« Aujourd'hui, la fiscalité locative est difficilement lisible, avec de nombreux régimes selon que le bien soit meublé ou non, selon le statut du bailleur. Or, la frontière entre les différents types de location est souvent ténue, et le système avantage les locations meublées de courte durée, tandis que certaines locations longues subissent une imposition à plus de 60% », avait souligné la cheffe de gouvernement.
... ainsi que Bruno Le Maire
Un message reçu cinq sur cinq par Bruno Le Maire. Sur BFMTV et RMC, le ministre de l'Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle s'était dit, le 9 juillet, « ouvert à une réforme de la fiscalité sur les Airbnb pour qu'elle soit équivalente à celle d'autres logements ». « Ce qui m'interroge, c'est que nous gardions une fiscalité favorable pour les Airbnb », avait-il insisté.
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D'autant qu'en parallèle, députés de la majorité comme des oppositions, ainsi qu'élus locaux, montent au front, régulièrement, tantôt à coup de rapport, tantôt à coup de propositions de loi transpartisane, pour alerter l'exécutif sur l'urgence de la situation. Sauf qu'avant l'été, le gouvernement temporisait (encore).
« Cette réflexion sur la fiscalité mérite une approche d'ensemble pour être le plus efficace possible. Cela fera l'objet de travaux à partir de la rentrée », justifiait-on dans les ministères.
Une proposition de loi transpartisane déjà déposée
Déposer des amendements en ce sens dans le budget 2024 permettrait donc de graver ces déclarations dans le marbre. D'autant qu'une proposition de loi transpartisane visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif en zone tendue, déposée par le 28 avril à l'Assemblée nationale, et dont l'examen est prévu en décembre, y répond déjà.
L'article 3 de ce texte réorganise en effet la fiscalité de ces logements en réorientant le régime « particulièrement avantageux » des locations soumises à un abattement fiscal de 71% des revenus fonciers qui s'applique, sous condition de classement, aux meublés de tourisme et aux chambres d'hôtes.
« Pour les meublés de tourisme, l'article resserre ainsi le régime préférentiel à ceux qui sont situés dans une commune de montagne ou en zone détendue, afin notamment de contribuer à mieux protéger les gîtes ruraux », est-il ainsi décrit dans la proposition de loi.
Précisément, en zone détendue, c'est-à-dire où l'offre locative est supérieure à la demande, ou en station de montagne, les meublés de tourisme classés continueraient de bénéficier d'un abattement de 71 % et d'un plafond de chiffre d'affaires de 176.200 euros, tandis que les meublés de tourisme non classés bénéficieraient d'un régime à 50 % et 72.600 euros.
En revanche, en zone tendue, c'est-à-dire où la demande locative est supérieure à l'offre, les meublés de tourisme classés bénéficieraient d'un régime à 50 % et 30.000 euros. Quant aux meublés de tourisme non classés, ils passeraient à un régime à 30 % et 15.000 euros, par alignement avec le plafond du régime micro‑foncier pour les revenus locatifs.
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