C'est une politique publique qui, en théorie, a le mérite de la clarté : les pires passoires thermiques, c'est-à-dire les logements laissant passer le froid l'hiver et la chaleur l'été, sont progressivement interdites à la location depuis le 1er janvier 2023. Ils sont classés G+. Suivront l'ensemble des habitats classés G en 2025, F en 2028 et E en 2034.
A une nuance près : la location saisonnière, ce que l'on appelle les meublés de tourisme n'est pas concernée par cette interdiction. C'est-à-dire les villas, appartements ou studios meublés, à l'usage exclusif du locataire, offerts à la location à une clientèle de passage à la semaine ou au mois, avec une durée maximale de 90 jours consécutifs à la même personne.
Autrement dit, les propriétaires qui souhaitent continuer à louer sur Airbnb, Abritel, Booking... ne sont pas soumis à cette réglementation.
Incompréhension des élus locaux et des parlementaires concernés
Ce qui suscite l'incompréhension des élus locaux concernés par la multiplication des ces logements, mais aussi des parlementaires qui les représentent à l'Assemblée ou au Sénat.
Quatre mois après la promulgation de la loi « Climat et résilience », le 21 décembre 2021, le député apparenté LR de Jean-Luc Bourgeaux, député (LR) de la 7ème circonscription d'Ille-et-Vilaine - celle de Saint-Malo - a ainsi posé une question écrite au ministère du Logement.
Faisant référence au projet de loi sur l'évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Elan) de 2018, le Breton relève que le diagnostic de performance énergétique (DPE) n'est pas exigé si le propriétaire loue moins de quatre mois - le plafond français de la location saisonnière -.
« Je demande donc si la loi Elan connaît une évolution réglementaire immédiate pour que s'applique la loi Climat et Résilience à tous les propriétaires de logements locatifs (quels que soient le temps d'occupation du logement à l'année) », interroge le député Bourgeaux.
Publiée sur le site du Palais-Bourbon le 19 avril 2022 - dans l'entre-deux-tours de l'élection présidentielle - la réponse du ministère de Logement confirme que « le niveau de performance minimal pour caractériser la décence d'un logement ne s'applique effectivement que pour les logements constituant la résidence principale du locataire ».
« Les meublés touristiques ne sont donc pas soumis à cette obligation. Ces logements sont loués de manière ponctuelle et ne mettent pas leurs locataires en situation de précarité énergétique. Le gouvernement n'envisage donc pas de revoir les obligations de performance minimale fixées pour le parc locatif », poursuit le ministère du Logement.
Une loi transpartisane donne plus de pouvoir aux maires
Virage à 180° six mois plus tard avec le nouveau ministre du Logement. Invité sur BFM Business le 25 octobre 2022, Olivier Klein fait savoir qu'il est « hors de question que les propriétaires de passoires thermiques se réfugient [sur Airbnb et consorts, Ndlr] ».
« Cela sera les mêmes règles pour les meublés et les non-meublés. On se donnera les moyens pour mettre les garde-fous nécessaires », annonce alors le ministre, promettant la publication d'un décret.
Sauf que près d'un an plus tard, la question n'est pas encore résolue. En mai dernier, alors que plusieurs parlementaires de gauche, de droite et de la majorité présidentielle, montaient au front sur la crise du logement, Olivier Klein faisait savoir que la mesure avait été intégrée à une proposition de loi transpartisane visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif en zone tendue, déposée le 28 avril, à la suite d'un rapport en ce sens.
L'article 1er de ce texte soumet en effet la mise en location d'un meublé de tourisme à la réalisation préalable d'un diagnostic de performance énergétique (DPE). Autrement dit, « cela entraîne sa subordination aux mêmes obligations de performance énergétique que les logements », est-il écrit dans l'exposé des motifs.
Il sera toutefois possible d'y échapper selon les communes. « Le conseil municipal a la faculté de déroger à l'obligation si une telle dérogation est justifiée par l'existence de circonstances locales particulières », est-il précisé dans la proposition de loi.
Par exemple, dans les stations de ski, les passoires thermiques sont surreprésentées dans le parc locatif, mais ces logements sont indispensables pour la survie économique de ces territoires de montagne.
En l'absence de dérogation, l'obligation entrera en vigueur de la même manière que pour les habitats classiques. Dès lors, le conseil municipal pourra soumettre la mise en location des logements sur Airbnb, Abritel, Booking... à un régime d'autorisation préalable fondé sur la présentation du DPE.
Dernière subtilité, dans le cas où ce régime ne serait pas mis en place, le maire pourra « toujours mettre en demeure un bailleur de lui transmettre un diagnostic de performance énergétique attestant de la performance du meublé, et sanctionner les manquements d'une amende administrative ».
... sauf que le texte n'a toujours pas examiné au Parlement
Près d'un semestre plus tard après son dépôt, cette proposition de loi n'a toujours pas été examinée. « Reportée sine die, elle va revenir dans le projet de loi de finances 2024 [présenté en Conseil des ministres le 27 septembre] sous forme d'amendements sur l'équilibre tourisme/résidentiel », déclare à La Tribune une fédération professionnelle qui requiert l'anonymat.
A l'Assemblée, l'équipe d'Annaïg Le Meur, co-autrice du rapport sur les moyens de faire baisser les prix du logement en zones tendues et co-rapporteure du texte qui en découle, affirme, à La Tribune, qu'« à ce stade, rien n'est décidé ».
« Mais le ministre du Logement souhaite s'appuyer sur la proposition de loi pour traiter le sujet en décembre d'où son soutien à l'inscription de celle-ci à l'ordre du jour », ajoute-t-on aussitôt chez la députée Renaissance de la 1ère circonscription du Finistère.
Du côté de chez Patrice Vergriete, ministre du Logement depuis le 20 juillet, « normalement, ce sera dans la proposition de loi Le Meur », dit-on dans son cabinet. Affaire à suivre...
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