
Le gouvernement a toutes les cartes en main depuis quatre mois et demi, mais rien ne bouge. Dès la mi-mars, les Inspections générales de l'Administration (IGA), de l'Environnement et du Développement durable (IGEDD) et des Finances (IGF) lui ont remis un rapport sur l'attrition des résidences principales dans les zones touristiques. Objectif : trouver des leviers pour maintenir un parc de logement accessible aux habitants, particulièrement sur les littoraux et en montagne. Un marché actuellement largement capté par les plateformes d'hébergements (Airbnb, Booking, Abritel...).
Accélérer « l'extinction définitive » des incitations fiscales
Dans un contexte de pénurie d'habitats partout en France, le diagnostic des hauts fonctionnaires est sans appel : les dispositifs d'évaluation, de mesure d'impact, avant et après leur mise en œuvre, sont « le plus souvent sous-optimaux » voire « partiellement inopérants ». C'est par exemple le cas de l'évaluation de la taxation des revenus issus des locations meublées. C'est pourquoi dans leur synthèse, les inspecteurs recommandent d'accélérer « l'extinction définitive » des incitations fiscales en faveur des meublés de tourisme.
« C'est la piste la plus crédible qui pourrait être retenue » avait confié, début avril, une source ministérielle à La Tribune.
En parallèle, juste avant le congrès des maires de novembre dernier, le gouvernement a monté un groupe de travail, composé d'élus des territoires concernés, de parlementaires et de professionnels, « afin de répondre à la [même problématique] » de raréfaction des résidences principales. Tant est si bien que le 23 mars, les ministres des Collectivités territoriales, du Logement, des PME, du Commerce, de l'Artisanat et du Tourisme ont fait savoir que 73 propositions avaient été présentées et venaient « s'ajouter » à celles du rapport des trois inspections.
Des réflexions sur la fiscalité des revenus locatifs...
Une annonce suivie d'effets. Lors d'une conférence de presse téléphonique ce 18 juillet, les cabinets des ministres concernés viennent de présenter quatorze propositions, parmi lesquelles « engager des réflexions sur la fiscalité des revenus locatifs et réinterroger le système meublé/non-meublé pour favoriser une offre locative de longue durée ». A ce sujet, leurs entourages ont également fait mention des déclarations, le 5 juin, de la Première ministre Elisabeth Borne en clôture du Conseil national de la refondation (CNR) dédié au logement.
« Aujourd'hui, la fiscalité locative est difficilement lisible, avec de nombreux régimes selon que le bien soit meublé ou non, selon le statut du bailleur. Or, la frontière entre les différents types de location est souvent ténue, et le système avantage les locations meublées de courte durée, tandis que certaines locations longues subissent une imposition à plus de 60% », avait souligné la cheffe de gouvernement.
Un message reçu cinq sur cinq par Bruno Le Maire. Sur BFMTV et RMC, le ministre de l'Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle s'était dit, le 9 juillet, « ouvert à une réforme de la fiscalité sur les Airbnb pour qu'elle soit équivalente à celle d'autres logements ». « Ce qui m'interroge, c'est que nous gardions une fiscalité favorable pour les Airbnb », avait-il insisté.
... pour la rentrée
D'autant qu'en parallèle, députés de la majorité comme des oppositions, ainsi qu'élus locaux, montent au front, régulièrement, tantôt à coup de rapport, tantôt à coup de propositions de loi transpartisane, pour alerter l'exécutif sur l'urgence de la situation. À date, le gouvernement temporise. « Cette réflexion sur la fiscalité mérite une approche d'ensemble pour être le plus efficace possible », justifie-t-on dans les ministères
« Cela fera l'objet de travaux à partir de la rentrée », poursuit-on, faisant, à peine, mention du projet de loi de finances 2024 qui sera présenté en Conseil des ministres puis examiné au Parlement fin septembre-début octobre.
Le 19 juillet, les députés Courson (Liot) et Labaronne (Renaissance) présenteront, en commission des Finances, les conclusions de leur mission d'information sur les dépenses fiscales et budgétaires en faveur du logement et de l'accession à la propriété. Le feuilleton n'est pas terminé...
Outre ce chantier, le gouvernement propose de mieux informer les collectivités locales concernées. Comment ? En diffusant aux 3.700 communes un guide de la réglementation des meublés touristiques, produit en janvier 2022 par le ministère du Logement, mais aussi en évaluant les mesures d'encadrement prises par exemple à Saint-Malo ou dans le Grand Annecy. Dix territoires-pilotes, identifiés par les préfets, se verront, aussi « accompagnés sur-mesure pour structurer leur action locale ». Les services d'Olivier Klein travaillent par ailleurs à adapter les outils d'urbanisme pour favoriser le développement de résidences principales dans des secteurs particuliers et [dans la durée, « sur le modèle du pourcentage de logements sociaux ». Une idée déjà poussée par les députés Le Meur et Rolland dans leur rapport visant à baisser les prix dans les zones tendues. Le ministre de la Ville et du Logement s'était d'ailleurs engagé, début mai, à étendre le nombre de communes autorisées à majorer la taxe d'habitation sur les résidences secondaires et à demander aux loueurs un numéro d'enregistrement ainsi qu'une déclaration de changement d'usage. « Le décret sera publié d'ici à la fin du mois de juillet » et concerna 2.300 nouvelles communes, assure ce 18 juillet son cabinet. De même que dès octobre dernier, Olivier Klein avait promis d'interdire sur les plateformes touristiques la location des passoires thermiques, ces logements qui consomment trop d'énergie et qui laissent entrer le froid en hiver et le chaud en été. Depuis le 1er janvier 2023, les pires habitats sont déjà exclus à la location traditionnelle, suivis des logements classés G, F et E en 2025, 2028 et 2034. « Le maire sera libre ou non d'appliquer cette règle selon le contexte, car il est le plus à même de trouver des bons équilibres », dit-on encore dans l'entourage du ministre de la Ville et du Logement. Sauf que cela ne nécessite pas un décret, comme initialement prévu, mais une modification législative. Laquelle ? Son équipe ne le précise pas...Les autres grands leviers à la main des élus locaux
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