La pression sur les prix secoue le marché du diabète

La croissance de Novo Nordisk, numéro un du marché, ralentit fortement et l'activité diabète de Sanofi est toujours dans le rouge. Aux Etats-Unis, les organismes payeurs déremboursent plusieurs traitements contre cette maladie chronique et boostent la concurrence entre les labos pharmaceutiques. Ces derniers sont forcés de baisser leurs prix.
Jean-Yves Paillé
Les Etats-Unis représentent 40% du marché mondial de l'insuline.

Le marché du diabète, particulièrement lucratif, figure parmi les trois principales aires thérapeutiques en termes de chiffre d'affaires pour les labos pharmaceutiques. Mais il connaît d'importantes secousses depuis quelques mois.

En témoignent les performances des trois géants spécialisés dans le domaine thérapeutique. Sanofi est dans le rouge depuis plus d'un an. Le revenu issu de son activité diabète a chuté de 6,6% tombant à 1,852 milliards d'euros au troisième trimestre. Novo Nordisk, dont la dynamique faisait pâlir d'envie ses concurrents avec une croissance de 22% en 2015 et un bénéfice net en progression de 32% à 4,67 milliards d'euros, tourne au ralenti. Le numéro un dans les ventes de traitements contre cette maladie chronique a réduit fin octobre ses prévisions 2016 pour la seconde fois de l'année. Il prévoit une croissance autour de 5-6%, au lieu de 5-7% précédemment. Son action a chuté de 43% entre le 4 janvier et le 21 novembre, passant de 393,9 à 227,3 (30 euros) couronnes danoises.

Eli Lily s'en sort un peu mieux, mais connait des fortunes diverses. Le chiffre d'affaires de son inusilne Humalog perdait 9% au 3e trimestre. Pour se rattraper, le laboratoire américain mise beaucoup sur le Basaglar, biosimilaire (copie de médicaments issus des biotechnologies) du Lantus de Sanofi.

Le diabète en ligne de mire des organismes payeurs

Pour comprendre cet essoufflement, il faut regarder du côté des Etats-Unis, pays leader dans les ventes de traitements contre le diabète (40% du marché mondial de l'insuline estimé à 22,35 milliards de dollars dans le monde en 2013). Les organismes payeurs étasuniens font pression pour réduire le coût des insulines. Une réaction à l'augmentation importante du prix ces traitements ces dernières années (ils ont souvent plus que doublé entre 2010 et 2015).

Ainsi, le groupe américain d'assurance santé et de pharmacie  CVS Caremark a décidé en août de dérembourser l'insuline Lantus, blockbuster de Sanofi, et le Toujeo, à partir de 2017, au profit du Basaglar d'Eli Lilly, un biosimilaire du Lantus.

Un autre géant du secteur, Express Scripts, a fait de même en décidant de ne plus rembourser le Victoza, un traitement contre le diabète distribué par Novo Nordisk.

 "Le Diabète est pris en exemple par un certain nombre de payeurs sur les déviances de dépenses de santé, comme cela fut le cas pour les maladies respiratoires, les années précédentes", avance Eric Le Berrigaud, partenaire chez Bryan Garnier & Co, une banque d'investissement.

Selon l'analyste, la stratégie des payeurs s'oriente vers une priorisation de certaines thérapeutiques. "En terme d'allocation de ressources, ils choisissent désormais de mettre de l'argent dans des innovations apportant un bénéfice de survie". Comme les nouveaux anticancéreux. Les dépenses en oncologie aux Etats-Unis, qui ont crû  de 72% sur les cinq dernières années, sont amenées à croître régulièrement dans les années à venir,estime IMS Health.

Seulement trois gros acteurs, mais une concurrence féroce

Si Novo Nordisk avait prévu un marché en baisse, le groupe pharmaceutique danois ne s'attendait pas à une réaction si vive de la part des organismes payeurs.

"Novo Nordisk dispose des meilleurs produits contre le diabète dans chaque catégorie. Fort de constat, le groupe pensait continuer à surfer sur une dynamique de hausse des prix. Mais ces innovations ont été jugées insuffisante par le payeur. Les insulines existent depuis plus de cent ans. A chaque demi-décennie, il y a eu des incréments, dans les innovations, des stylos plus petit, des aiguilles plus fines, des insulines améliorées."

Et d'ajouter: "Le payeur est désormais capable de proposer un contrat étroit avec l'un des trois principaux labos pharmaceutique spécialisé dans le diabète, en échange d'un important rabais."

En gagnant la confiance des organismes payeurs, en proposant un prix en baissepour son biosimilaire, Eli Lilly bouscule le marché et pousse ses concurrent à proposer des prix plus bas que prévu, y compris pour leurs nouveaux produits.

Cette concurrence est amenée à s'intensifier: le Xultophy de Novo Nordisk et le Soliqua de Sanofi (une association du Lantus et du GLP-1 Lyxuma qui a été approuvé par l'Agence américaine des produits alimentaires et des médicaments, lundi 21 novembre) arrivent sur le marché américain. Ces deux traitements sont une insuline de longue durée. Grâce à une molécule dénommée GLP-1, qui stimule la production d'insuline dans le pancréas "Il s'agit du traitement le plus efficace qu'on ait vu sur le diabète en une injection", assure Eric Le Berrigaud.

Et aucun des deux laboratoires pharmaceutiques ne va demander un prix plus élevé que celui des les traitements existants. Sanofi propose un prix comparable à un traitement similaire à un GLP-1.Novo Nordisk offre un rabais de 20% par rapport au prix combiné du Treisiba et du Victoza.

Sanofi prévoit pourtant un retour à la croissance dans le diabète

Sanofi tente pourtant de rassurer les investisseurs. Un responsable du groupe pharmaceutique français a expliqué à Reuters, mi-novembre, attendre un retour de la croissance dans le diabète vers 2020, misant sur le Toujeo et l'anticholestérol Praluent. Si l'objectif est atteint, une autre concurrence pourrait rebattre les cartes: celle des nouveaux dispositifs médicaux conçus par de nouveaux acteurs. Ils laissent entrevoir l'arrivée d'un système auto-générateur d'insuline dans quelques années, ce qui pourrer augmenter la concurrence entre les Sanodi et autres Novo Nordisk.

Jean-Yves Paillé

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