Diabète : les Sanofi et autres Novo Nordisk vont-ils se faire ubériser ?

Avec l'arrivée de nouveaux dispositifs médicaux conçus par de nouveaux acteurs, les personnes diabétiques pourraient voir le suivi de leur taux de glucose et la prise d'insuline de plus en plus automatisés, avec l'espoir de l’arrivée d'un système auto-générateur d'insuline. Les grands labos pharmaceutiques tardent à accrocher le train de l'innovation. Et pourraient se faire distancer par de nouveaux entrants.
Jean-Yves Paillé
Le diabète touche plus de 400 millions de personnes dans le monde.

A l'occasion de la journée mondiale du diabète, lundi 14 novembre, une question économique se pose: les laboratoires pharmaceutiques détiendront-ils la plus grosse part du marché du diabète dans vingt ans ? La commercialisation annoncée de nouveaux dispositifs médicaux, censés faciliter le suivi du diabète de type 1 et d'une partie du diabète de type 2, pourrait bouleverser la prise en charge de la maladie chronique.

Aujourd'hui, la plupart des malades traités utilisent un système de pompe à insuline et ont recours au suivi manuel de leur taux de glucose avec la glycémie capillaire. Avec ce système, le taux de sucre est mesuré en prélevant une goutte de sang au niveau du doigt, puis en l'analysant avec un glucomètre. Au mieux, le patient dispose d'un capteur de glucose en continu au mieux, qui automatise la mesure.

Mais des innovations arrivent avec la promesse de révolutionner la prise en charge de la maladie. La FDA vient d'autoriser la commercialisation d'un "pancréas artificiel" conçu par Medtronic. Il pourrait arriver en France en 2019. Ce dispositif médical mesure le niveau de glucose en temps réel pour connaître la quantité adaptée d'insuline à injecter dans le corps. Néanmoins, ce système n'est pas totalement automatisé, puisque le nombre de doses à injecter doit être programmé par le patient.

400 millions de malades dans le monde

Ce "pancréas artificiel" qu'on pourrait qualifier de 2e génération de pompe à insuline pourrait être concurrencé dans les années à venir par une nouvelle génération d'appareils. C'est-à-dire des dispositifs médicaux qui délivreraient la dose d'insuline adéquate en temps réel. Ainsi, des chercheurs ont conçu un patch cutané, capable de réguler et de maintenir la glycémie avec un système rechargeable, injectant les doses régulièrement  mesurant la température, l'humidité, le pH et le taux de glucose. Ou encore, l'américain Intarcia Therapeutics développe l'exenatide, une substance dont les effets s'apparentent à l'insuline. Elle peut être injectée en continu avec l'ITCA 650, un dispositif médical également conçu par la société, implanté sous la peau. Cette solution pourrait arriver aux Etats-Unis, marché numéro 1 du médicament, courant 2017.

Les innovations dans le suivi de la maladie chronique qui touche plus de 400 millions de personnes dans le monde pourraient aller plus loin "avec pourquoi pas l'apparition d'un système auto-générateur de l'équivalent d'une insuline, avance à La Tribune Vincent Genet, directeur associé du cabinet de conseil Alcimed. Des projets susceptibles d'ici 10-15 ans de révolutionner le traitement du diabète".

"Cela pourrait constituer une menace pour les acteurs majeurs qui ont peu d'intérêt à faire challenger leur leadership sur le traitement du diabète. Les cartes risquent d'être redistribuées avec l'arrivée de ces nouveaux systèmes," ajoute-t-il.

Dit autrement, le modèle économique traditionnel des laboratoires pharmaceutiques dans cette ère thérapeutique pourrait être remis en cause.

Où en sont les labos pharmaceutiques ?

Pourtant, ces derniers ne sont pas inactifs en termes d'innovation, d'autant plus que cette ère thérapeutique figure parmi les plus lucratives pour l'industrie pharmaceutique (62 milliards de dollars de chiffre d'affaires en 2014, dont un marché de l'insuline à 24 milliards de dollars en 2014). Les poids lourds du marché (Novo Nordisk, Sanofi, Merck & Co, Eli Lilly,...) misent notamment sur le développement de nouvelles insulines. Sanofi, qui tente de relancer son activité diabète dans le rouge depuis plus d'un an, s'intéresse à "l'insuline intelligente", une substance capable de bloquer ou d'activer automatiquement la production d'insuline afin de réguler la glycémie. Une administration journalière unique suffirait. Le laboratoire français s'est associé à l'organisme de recherche JDRF pour développer ce produit thérapeutique. Merck planche également sur un projet similaire.

Les laboratoires pharmaceutiques s'intéressent également aux dispositifs médicaux. Sanofi s'est associé à Google en 2015 pour créer Onduo, un joint-venture ayant pour objectif de développer des appareils connectés et des logiciels pour améliorer le suivi des patients atteints de diabète. Novartis s'est également associé à Google pour développer des lentilles intelligentes capables de mesurer précisément le taux de glycémie. Le laboratoire suisse espère commercialiser le produit d'ici à 2019.

Eli Lilly semble être la "big pharma" la plus avancée en termes d'innovations. Elle espère comme Medtronic pouvoir développer et commercialiser un "pancréas artificiel". Pour ce faire, le laboratoire américain a investi 100 millions de dollars dans la startup Beta Bionics et l'iLet, son "pancréas artificiel". Des essais cliniques sont prévus en 2017 .

Une bataille difficile s'annonce pour les big pharmas

Mais pour les labos pharmaceutiques, il sera difficile de ne pas être à la traine des nouveaux acteurs de la prise en charge du diabète, car son modèle traditionnel de est focalisé sur la recherche et le développement de médicaments. "Ces deux industries (pharmaceutiques et dispositifs médicaux) ont un cycle de vie différent : 10 à 12 ans pour les médicaments, alors que pour les dispositifs médicaux, c'est 2 à 3 ans," estime  Vincent Genet. Or, "les réglementations diffèrent, les compétences sont différentes" pour ces deux types de produits.

Par ailleurs, si aujourd'hui le secteur est très concurrentiel, les nouveaux concurrents des "big pharmas" pourraient truster le marché avec des dispositifs particulièrement innovants dont la diffusion pourrait être encouragée par les autorités de santé. Ces dernières cherchent à faire des économies dans les dépenses santé. La pression des payeurs s'est accrue sur ces produits pharmaceutiques, dont les prix ont triplé entre 2002 et 2013 aux Etats-Unis.

Des nouveaux acteurs pourraient détenir un monopole sur des pompes à insuline nouvelle généralisation et pousser les laboratoires à se livrer une concurrence féroce pour obtenir l'insuline la moins chère possible. Pire, la naissance d'un système auto-générateur d'insuline remettrait totalement en cause le modèle économique de certains laboratoires pharmaceutiques, dont les revenus dépendent fortement de ces produits. Pour Sanofi, par exemple,  les ventes d'insulines représentent plus de 15% de son chiffre d'affaires.

Jean-Yves Paillé

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Commentaires 4
à écrit le 28/07/2022 à 22:08
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pourquoi l(insuline coute si cher??

à écrit le 01/06/2017 à 22:49
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Heureusement que le modèle économique est remis en cause !!! Aucune innovation proposée par les acteurs historiques pour continuer à se remplir les poches avec des solutions dépassées et inadaptées. Le "marché" dont on parle est la vie de centaine de...

à écrit le 15/11/2016 à 9:28
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Ben si les laboratoires continuent de ne plus innover il est évident qu'ils vont finir par avoir de gros problèmes de fonctionnement. On ne passe pas d'une entreprise à une société financière aussi facilement surtout dans une activité liée à la s...

à écrit le 15/11/2016 à 8:54
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Il existe ,aussi , une pilule d'insuline fabriqué par le laboratoire Oramed à ...Tel-Aviv .

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