La TRIBUNE DIMANCHE- Quels étaient les atouts du site de Chartres ?
LARS FRUERGAARD- Dans l'industrie pharmaceutique, lorsque la décision d'investir s'impose, elle sous-entend que vous avez déjà pris du retard. Car vous disposez de données cliniques enthousiasmantes et des patients attendent votre innovation. Or se développer là où on est déjà implanté permet de gagner du temps. En France, les compétences existent, nos collaborateurs actuels en témoignent. Nos relations avec les autorités locales sont excellentes. Autre point déterminant, l'accès à une énergie décarbonée comme le nucléaire. Il est essentiel pour une entreprise comme la nôtre, très engagée dans la transition énergétique. Ainsi que l'engagement européen de la France. Cet écosystème très favorable justifie l'extension de notre site de Chartres.
Le Wegovy, l'un des deux médicaments de Novo Nordisk pour lutter contre l'obésité, sera-t-il de ce fait bientôt disponible en France ?
Je l'espère, puisque l'Ozempic l'est déjà. Un programme d'essais cliniques précoce est en cours en France, avec près de 10 000 patients. Pour obtenir un remboursement étendu, nous devons soumettre des données supplémentaires. Prouver qu'il ne s'agit pas seulement de poids, mais d'améliorer la santé plus globalement. Ce que l'étude « Select », que nous avons récemment publiée, met en lumière. Ces données prouvent une incidence sur la réduction du risque cardio-vasculaire de 20 %. Au lieu de traiter uniquement certaines des maladies qui découlent de l'obésité, il devient possible - en traitant sa cause sous-jacente - de prévenir certaines des comorbidités, bien plus coûteuses à traiter. C'est bénéfique, tant pour les patients que pour le système de santé.
La demande explose pour vos deux médicaments. Combien de temps faudra-t-il pour développer encore davantage vos capacités de production ?
Nous avons annoncé il y a quelques semaines un investissement de 5,6 milliards d'euros au Danemark. Pendant nos cent premières années d'existence, nous ne disposions que d'un seul site de production de principes actifs pharmaceutiques. Le deuxième est achevé. Nous construisons le troisième et le quatrième. Mais la demande du marché restera très soutenue. Nous allons accroître progressivement notre capacité, pour servir plus de patients que nous n'en servons aujourd'hui, soit 4 millions de nouveaux patients chaque année. Notre objectif consiste à vaincre les maladies chroniques graves.
Dans quels domaines ?
Outre le diabète, les pathologies cardio-vasculaires et les maladies rénales. Parmi les maladies rares, nous nous concentrons particulièrement sur les troubles sanguins comme l'hémophilie et la drépanocytose.
Vous avez critiqué la réforme européenne sur la législation pharmaceutique. Pourquoi ?
Je préside l'association européenne des fabricants de produits pharmaceutiques. À ce titre, le contenu de cette réforme me préoccupe beaucoup. Pour notre industrie, mais aussi pour l'Union européenne, qui agit sans avoir de mandat, puisque la politique de santé relève des États. Vouloir réglementer les politiques industrielles, c'est prendre le risque de les rendre moins attractives, au point de freiner l'innovation et de la voir se réaliser hors de l'Europe, aux États-Unis par exemple. L'usine française où nous investissons produit une innovation centenaire, alors que ce sont les innovations actuelles qui créeront les emplois des prochaines décennies. L'Europe ne doit pas devenir un musée.
Sujets les + commentés