Comment fonctionne une STEP ?
Une STEP permet à la fois de produire de l'électricité grâce à l'énergie hydraulique, mais aussi de stocker cette énergie. Elle repose systématiquement sur deux bassins, avec une retenue d'eau supérieure et une retenue d'eau inférieure. Lors des pics de consommation, le matin et en fin de journée vers 19 heures, l'eau descend du bassin supérieur vers le bassin inférieur où se trouve la centrale hydraulique. Par exemple, au barrage de Grand' Maison situé en Isère, le deuxième le plus puissant d'Europe, l'eau parcourt 7 kilomètres à travers des galeries creusées dans la montagne, puis chute de 1.000 mètres pour venir frapper à 400 km/h les turbines de la centrale, lesquelles permettent d'actionner un rotor qui transforme l'énergie mécanique en énergie électrique. Le dispositif permet alors d'apporter sur le réseau une puissance de 1.800 mégawatts (MW), soit l'équivalent de deux réacteurs nucléaires d'ancienne génération, en l'espace de 15 minutes seulement.
A l'inverse, lorsqu'il y a trop d'électricité sur le réseau, en raison par exemple d'une importante production des parcs solaires et éoliens et d'une consommation relativement faible (ce qui arrive notamment la nuit et le week-end), la centrale hydraulique fait remonter l'eau vers le bassin supérieur. Cette action consomme beaucoup d'électricité, ce qui permet d'absorber les électrons en surplus sur le réseau, tout en constituant un stock d'eau qui pourra être utilisé ultérieurement pour produire de l'électricité lors d'une future pointe de consommation. Au barrage de Grand'Maison, la capacité de stockage peut osciller entre quelques mégawatts et 1.300 MW, selon les besoins du réseau. Les STEP sont ainsi souvent comparées à d'immenses batteries. Hormis un petit pourcentage de débit réglementaire restitué au cours d'eau sur lequel est installée la centrale hydraulique, l'eau circule en permanence en boucle. Plusieurs cycles de turbinage et de pompage peuvent ainsi se succéder au cours d'une même journée.
Combien existe-t-il de STEP aujourd'hui en France ?
Aujourd'hui, l'Hexagone compte six barrages hydrauliques dotés de STEP. Ces derniers sont en concession et tous sont exploités par EDF. Ils représentent 5 gigawatts (GW) de capacités installées : Grand'Maison (1800 MW) en Isère, Montézic (910 MW) dans l'Aveyron, Sup
er-Bissorte (730 MW) en Haute-Savoie, Revin (720 MW) dans les Ardennes, Cheylas (460 MW) en Isère, La Coche (380 MW) en Savoie.
Pourquoi les STEP sont-elles amenées à jouer un rôle de plus en plus important dans le futur ?
Selon le rapport Futurs Énergétiques du gestionnaire du réseau de transport d'électricité RTE, le solaire et l'éolien (terrestre et en mer) pourraient représenter un peu plus de la moitié du mix électrique à l'horizon 2050 dans l'hypothèse où 14 nouveaux réacteurs EPR de deuxième génération seraient construits (scénario N2). Hypothèse reprise par Emmanuel Macron lors de son discours de Belfort en février 2022.
Or, ces sources d'énergie sont intermittentes. Cela signifie qu'elles ne produisent de l'électricité que lorsque qu'il y a de la luminosité et du vent. Ainsi, lorsque ces facteurs ne sont pas présents, elles ne produisent pas d'électrons. Elles peuvent ainsi produire beaucoup lorsque la consommation est faible, le week-end, par exemple. Ou, au contraire, ne pas produire lorsque la demande électrique est très forte. On dit qu'elles ne sont pas pilotables, à la différence du nucléaire ou encore des centrales à charbon et à gaz (toutes deux très émettrices de CO2 en revanche), qui peuvent s'ajuster aux besoins de consommation. Or, pour assurer le bon fonctionnement du réseau électrique et éviter un black-out, il faut qu'à chaque instant la production d'électricité corresponde à la consommation d'électricité.
Le réseau électrique va donc avoir besoin de plus en plus d'outil de flexibilité pour assurer cet épineux équilibre, d'où l'importance des STEP, qui permettent d'absorber le surplus d'électricité et de la réinjecter au moment voulu. RTE estime ainsi que 8 GW de STEP seront nécessaires à l'horizon 2050, soit 3 GW de plus que les capacités actuelles. La feuille de route énergétique actuelle prévoit, quant à elle, 1,5 GW de STEP supplémentaire à l'horizon 2030-2035.
Qu'est ce qui bloque ?
Aujourd'hui, EDF estime être en mesure de développer ces 3 GW supplémentaires après 2035. Toutefois, « en l'absence de visibilité sur l'avenir du régime juridique sur les concessions hydrauliques en France, EDF ne peut réaliser d'investissements pour développer son parc hydraulique », explique le groupe, qui plaide pour que lui soit rétrocédée la propriété des barrages aujourd'hui en concession.
En effet, depuis 2015 Paris est en litige avec Bruxelles, qui exige d'ouvrir à la concurrence les concessions d'exploitation des barrages échus. Depuis, un statu quo s'est installé : la France n'ouvre pas les concessions à la concurrence, mais ne réalise pas non plus de nouveaux investissements dans ces installations... Ce qui a largement freiné le développement de l'hydroélectricité ces dernières années, alors qu'elle représente 11% du mix électrique tricolore.
Pour l'heure, l'électricien se contente de réaliser de petites améliorations. Par exemple, au barrage de Grand'Maison dont la concession court encore jusqu'à 2060, quatre groupes de la centrale hydraulique ont été rénovés leur permettant de gagner 14 MW supplémentaire chacun. « Notre objectif est d'améliorer le matériel afin que celui-ci exige moins de maintenance pour augmenter le taux d'utilisation », explique Maxime Pradel, coordinateur d'exploitation du barrage.
EDF a un projet beaucoup plus gros dans les cartons : doper les capacités de la STEP de Montézic, en y greffant une nouvelle centrale de 460 MW, soit un investissement potentiel de plus de 500 millions d'euros. Quand cet immense chantier pourra-t-il voir le jour ? La réponse est évidemment compliquée. Car, outre le litige avec Bruxelles, EDF fait face à un mur d'investissements. Cette semaine son PDG, Luc Rémont, a estimé qu'il faudrait plus que doubler le montant des investissements annuels à 25 milliards d'euros, alors que la dette du groupe culmine à 65 milliards d'euros...
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