Energie : les STEP, ces batteries gigantesques qui vont devenir cruciales pour le système électrique

La France compte aujourd'hui six barrages hydrauliques dotés de stations de transfert d'énergie par pompage, ou STEP. Ces ouvrages sont non seulement capables d'injecter très rapidement de très grosses puissances pour répondre aux pics de consommation, mais aussi d'absorber de l'électricité lorsqu'elle est trop abondante sur le réseau. Un enjeu clé à l'heure où la pénétration des énergies renouvelables intermittentes dans le mix électrique va significativement augmenter. Quatre questions pour tout comprendre à ces défis cruciaux pour le système électrique.
La STEP de Grand’Maison, en Isère
La STEP de Grand’Maison, en Isère (Crédits : Juliette Raynal pour La Tribune)

Comment fonctionne une STEP ?

Une STEP permet à la fois de produire de l'électricité grâce à l'énergie hydraulique, mais aussi de stocker cette énergie. Elle repose systématiquement sur deux bassins, avec une retenue d'eau supérieure et une retenue d'eau inférieure. Lors des pics de consommation, le matin et en fin de journée vers 19 heures, l'eau descend du bassin supérieur vers le bassin inférieur où se trouve la centrale hydraulique. Par exemple, au barrage de Grand' Maison situé en Isère, le deuxième le plus puissant d'Europe, l'eau parcourt 7 kilomètres à travers des galeries creusées dans la montagne, puis chute de 1.000 mètres pour venir frapper à 400 km/h les turbines de la centrale, lesquelles permettent d'actionner un rotor qui transforme l'énergie mécanique en énergie électrique. Le dispositif permet alors d'apporter sur le réseau une puissance de 1.800 mégawatts (MW), soit l'équivalent de deux réacteurs nucléaires d'ancienne génération, en l'espace de 15 minutes seulement.

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A l'inverse, lorsqu'il y a trop d'électricité sur le réseau, en raison par exemple d'une importante production des parcs solaires et éoliens et d'une consommation relativement faible (ce qui arrive notamment la nuit et le week-end), la centrale hydraulique fait remonter l'eau vers le bassin supérieur. Cette action consomme beaucoup d'électricité, ce qui permet d'absorber les électrons en surplus sur le réseau, tout en constituant un stock d'eau qui pourra être utilisé ultérieurement pour produire de l'électricité lors d'une future pointe de consommation. Au barrage de Grand'Maison, la capacité de stockage peut osciller entre quelques mégawatts et 1.300 MW, selon les besoins du réseau. Les STEP sont ainsi souvent comparées à d'immenses batteries. Hormis un petit pourcentage de débit réglementaire restitué au cours d'eau sur lequel est installée la centrale hydraulique, l'eau circule en permanence en boucle. Plusieurs cycles de turbinage et de pompage peuvent ainsi se succéder au cours d'une même journée.

Combien existe-t-il de STEP aujourd'hui en France ?

Aujourd'hui, l'Hexagone compte six barrages hydrauliques dotés de STEP. Ces derniers sont en concession et tous sont exploités par EDF. Ils représentent 5 gigawatts (GW) de capacités installées : Grand'Maison (1800 MW) en Isère, Montézic (910 MW) dans l'Aveyron, Sup

er-Bissorte (730 MW) en Haute-Savoie, Revin (720 MW) dans les Ardennes, Cheylas (460 MW) en Isère, La Coche (380 MW) en Savoie.

Pourquoi les STEP sont-elles amenées à jouer un rôle de plus en plus important dans le futur ?

Selon le rapport Futurs Énergétiques du gestionnaire du réseau de transport d'électricité RTE, le solaire et l'éolien (terrestre et en mer) pourraient représenter un peu plus de la moitié du mix électrique à l'horizon 2050 dans l'hypothèse où 14 nouveaux réacteurs EPR de deuxième génération seraient construits (scénario N2). Hypothèse reprise par Emmanuel Macron lors de son discours de Belfort en février 2022.

Or, ces  sources d'énergie sont intermittentes. Cela signifie qu'elles ne produisent de l'électricité que lorsque qu'il y a de la luminosité et du vent. Ainsi, lorsque ces facteurs ne sont pas présents, elles ne produisent pas d'électrons. Elles peuvent ainsi produire beaucoup lorsque la consommation est faible, le week-end, par exemple. Ou, au contraire, ne pas produire lorsque la demande électrique est très forte. On dit qu'elles ne sont pas pilotables, à la différence du nucléaire ou encore des centrales à charbon et à gaz (toutes deux très émettrices de CO2 en revanche), qui peuvent s'ajuster aux besoins de consommation. Or, pour assurer le bon fonctionnement du réseau électrique et éviter un black-out, il faut qu'à chaque instant la production d'électricité corresponde à la consommation d'électricité.

Le réseau électrique va donc avoir besoin de plus en plus d'outil de flexibilité pour assurer cet épineux équilibre, d'où l'importance des STEP, qui permettent d'absorber le surplus d'électricité et de la réinjecter au moment voulu. RTE estime ainsi que 8 GW de STEP seront nécessaires à l'horizon 2050, soit 3 GW de plus que les capacités actuelles. La feuille de route énergétique actuelle prévoit, quant à elle, 1,5 GW de STEP supplémentaire à l'horizon 2030-2035.

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Qu'est ce qui bloque ?

Aujourd'hui, EDF estime être en mesure de développer ces 3 GW supplémentaires après 2035. Toutefois, « en l'absence de visibilité sur l'avenir du régime juridique sur les concessions hydrauliques en France, EDF ne peut réaliser d'investissements pour développer son parc hydraulique », explique le groupe, qui plaide pour que lui soit rétrocédée la propriété des barrages aujourd'hui en concession.

En effet, depuis 2015 Paris est en litige avec Bruxelles, qui exige d'ouvrir à la concurrence les concessions d'exploitation des barrages échus. Depuis, un statu quo s'est installé : la France n'ouvre pas les concessions à la concurrence, mais ne réalise pas non plus de nouveaux investissements dans ces installations... Ce qui a largement freiné le développement de l'hydroélectricité ces dernières années, alors qu'elle représente 11% du mix électrique tricolore.

Pour l'heure, l'électricien se contente de réaliser de petites améliorations. Par exemple, au barrage de Grand'Maison dont la concession court encore jusqu'à 2060, quatre groupes de la centrale hydraulique ont été rénovés leur permettant de gagner 14 MW supplémentaire chacun. « Notre objectif est d'améliorer le matériel afin que celui-ci exige moins de maintenance pour augmenter le taux d'utilisation », explique Maxime Pradel, coordinateur d'exploitation du barrage.

EDF a un projet beaucoup plus gros dans les cartons : doper les capacités de la STEP de Montézic, en y greffant une nouvelle centrale de 460 MW, soit un investissement potentiel de plus de 500 millions d'euros. Quand cet immense chantier pourra-t-il voir le jour ? La réponse est évidemment compliquée. Car, outre le litige avec Bruxelles, EDF fait face à un mur d'investissements. Cette semaine son PDG, Luc Rémont, a estimé qu'il faudrait plus que doubler le montant des investissements annuels à 25 milliards d'euros, alors que la dette du groupe culmine à 65 milliards d'euros...

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Commentaires 13
à écrit le 22/07/2023 à 14:51
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Super Bissorte et en Savoie, M. le journaliste ! Le barrage de la coche date des années 70 et c'est le pionnier de ce système. Concernant sa puissance, les chiffres sont ils récents ou sont-ils d'avant les nouveaux groupes et modernisation des infr...

à écrit le 22/07/2023 à 13:38
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Bonjour, Avant toute chose , ils faudra3que EDF reste propriétaire des grand barrages hydraulique... Car malheureusement ils y a actuelle une demarche de cessation des actif de grande entreprise publique...

à écrit le 22/07/2023 à 12:28
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Génial, il n'y a qu'en Europe que le climat change, Dans quelques années, l'eau sera une denrée chère car il y en aura de moins en moins.

à écrit le 22/07/2023 à 12:16
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"Partout où quelque chose ne va pas quelque chose est trop gros" Kohr

à écrit le 22/07/2023 à 11:13
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Ouah quelle nouvelle cela existe depuis un bon moment cela s'appelle turbiner et pomper déjà en place sur le site de grand maison 1200 MW installés . Pour multiplier ce magnifique outil il faudra se frotter aux écolos bobos de tout bord mais on le...

à écrit le 22/07/2023 à 10:41
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Si Sarkozy aurait prolongé toutes les concessions de 100 ans avant l'entrée en vigueur des lois européennes, ce ne serait pas le bazar aujourd'hui.

le 22/07/2023 à 14:53
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Si seulement il avait pu ne jamais être élu

à écrit le 22/07/2023 à 10:37
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Tomas Padron un ingénieur espagnol est à l'origine des steps, Il imagina en 1980 les plans d'un barrage avec deux lacs artificiels sur l'île de El Hierro 300km2 Cette construction verra le jour en 2014 elle sera la première station marine de pompage-...

le 23/07/2023 à 9:19
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Ce n'est pas tout à fait exact regardez mon commentaire la seule innovation est d'utiliser une énergie alternative pour réaliser du pompage .en fin de compte ce n'est qu'économique entre les tarifs d'heures creuses et tarifs à la pointe Engie le ...

à écrit le 22/07/2023 à 10:25
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La France a utilisé ses barrages existants pour faire ses step's mais : il y a relativement peu de barrages, tous installés sur un lit de cours d'eau, donc en altitude moyenne. Il n'y a pas de rivière au sommet des montagnes. L'Allemagne et l'Anglete...

à écrit le 22/07/2023 à 10:01
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Si l Europe devient un problème faut songer à sortir des sujets du cadre européen - immigration , énergie, imports de denrées agricoles aux pesticides ou engrais interdit sur son sol …-qui posent problèmes comme l ´Allemagne de manière unilatérale . ...

à écrit le 22/07/2023 à 9:19
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"lesquelles permettent d'actionner un rotor qui transforme l'énergie mécanique en énergie électrique." un rotor est associé à un stator, sinon il tourne pour rien, l'ensemble constituant un alternateur (qui fournit des électrons alternatifs en tripha...

le 24/07/2023 à 9:49
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Ce que vous appelez une "dynamo" ou machine à courant continu est en fait bel et bien... une machine électrique alternative: eh oui, la loi de Lenz étant ce qu'elle est (E = -d(Phi)/dt), une machine électrique ne peut fonctionner (= produire une fém)...

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