Mégots : le gouvernement déçu par les propositions des industriels

Appelés par l'exécutif à formuler des propositions d'engagements afin de lutter contre la pollution des déchets de cigarettes, les industriels se sont limités à suggérer des mesures d'information. Ils n'ont présenté aucun objectif de réduction ou de financement, déplore le gouvernement, qui les menace de contraintes.
Giulietta Gamberini
Manifestement, les industriels considèrent que la lutte contre la pollution par les mégots de cigarettes passe par la seule éducation des consommateurs et leur sanction. Or, il est temps que l'industrie du tabac (...) repose sur une double responsabilité, (...) aussi celle du producteur, souligne le ministère de la Transition écologique et solidaire.
"Manifestement, les industriels considèrent que la lutte contre la pollution par les mégots de cigarettes passe par la seule éducation des consommateurs et leur sanction. Or, il est temps que l'industrie du tabac (...) repose sur une double responsabilité, (...) aussi celle du producteur", souligne le ministère de la Transition écologique et solidaire. (Crédits : Reuters)

La méthode du "nudge" du gouvernement, consistant à inciter les entreprises à un changement spontané de modèle plutôt qu'à les y contraindre, largement suivie dans le cadre de la feuille de route de l'économie circulaire, affiche une première fissure. Appelés par l'exécutif à formuler des propositions d'engagements afin de lutter contre la pollution des mégots de cigarettes, les industriels du tabac ne se sont pas montrés à la hauteur de l'enjeu, regrette haut et fort le ministère de la Transition écologique et solidaire, qui jeudi 4 octobre a même publié un communiqué pour s'en plaindre.

"Les propositions transmises au ministère restent centrées sur des mesures d'information. Elles renoncent à tout engagement chiffré, en matière de financements mobilisables par les industriels pour la lutte contre leurs déchets, ou d'objectifs de réduction des mégots présents dans l'environnement. Rien non plus en matière d'une meilleure écoconception de leur produit", déplore notamment le ministère.

Plus d'exception pour la filière du tabac

C'est la première fois que le ministère de la Transition écologique et solidaire affiche si ouvertement sa déception. En juillet, lors de la présentation des engagements d'une cinquantaine d'entreprises et fédérations professionnelles à incorporer davantage de plastique recyclé dans leur produit, la secrétaire d'État Brune Poirson s'était limitée à rappeler l'insuffisance des efforts par rapport aux enjeux, ainsi qu'à promettre des formes de contrôle et de suivi, en laissant planer la menace d'une intervention législative seulement en dernier ressort. Globalement, les industriels avaient été félicités pour cette "première étape".

Les mots sont aujourd'hui bien plus durs :

"Manifestement, les industriels considèrent que la lutte contre la pollution par les mégots de cigarettes passe par la seule éducation des consommateurs et leur sanction. Or, il est temps que l'industrie du tabac fonctionne comme l'ensemble des filières de gestion des déchets en France, et qu'elle repose sur une double responsabilité, celle du consommateur mais aussi celle du producteur", ajoute le communiqué.

Un ultimatum en vue d'un rendez-vous demain

Le ministère, qui maintient toutefois un rendez-vous déjà prévu vendredi 5 octobre avec des mastodontes tels que Philip Morris (Marlboro, Chesterfield), British American Tobacco (Lucky Strike, Pall Mall), Japan Tobacco International (Camel, Winston), Seita (Gitanes, Gauloises) ainsi que l'Association des fournisseurs de tabac à fumer, leur pose toutefois un ultimatum :

"À défaut de réels engagements chiffrés demain, Brune Poirson rappelle que la création d'une filière à responsabilité élargie des producteurs, telles qu'elles existent pour de nombreux objets du quotidien (emballages, papiers, pneumatiques, textiles et chaussures, piles, etc.) est la voie que le gouvernement privilégie dans le cadre de la future loi économie circulaire en 2019.

Ces filières dites "Rep" visent à mettre en oeuvre le principe du "pollueur-payeur", en obligeant les metteurs sur le marché à prendre en charge financièrement la fin de vie de leurs produits. Quelque 30 milliards de mégots sont jetés en France chaque année, dont plus de 40% le seraient dans la nature, selon le ministère, qui avait pointé en juin les "importants coûts de collecte et de tri à la charge des contribuables".

Une collecte dédiée "pas réaliste" selon les cigarettiers

Les industriels du tabac ont rapidement réagi, en se disant "extrêmement surpris" par les propos de la secrétaire d'État selon l'AFP, qui cite un porte-parole de British American Tobacco (BAT). Les propositions en matière de prévention et sensibilisation, visant à réduire "en amont" la pollution liée aux mégots, ne seraient qu'une première étape. les cigarettiers considèrent néanmoins que l'institution d'une collecte dédiée aux mégots ne serait "pas réaliste", en raison du faible tonnage représenté par ces déchets.

Les 10 propositions jusqu'à présent présentées incluent le financement d'une étude sur "les comportements d'incivilité", des campagnes de sensibilisation aux gestes éco-responsables, la distribution de cendriers de poche dans les stations de ski ou sur les plages, un guide des bonnes pratiques à destination des collectivités locales voire des messages de sensibilisation sur les paquets ou encore le renforcement de l'application des sanctions envers les fumeurs qui jettent leur mégot par terre.

Giulietta Gamberini

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Commentaires 4
à écrit le 05/10/2018 à 10:57
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Mieux que ça il faudrait une consigne pour ramener ces mégots que les fabricants recyclent oui ça semble logique. Mais bon le principe pollueur payeur ayant été éradiqué par les actionnaires milliardaires via leurs politiciens il va être difficil...

à écrit le 04/10/2018 à 20:18
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Ce que les industriels proposent, c'est comme pour les plastiques, que les consommateurs soient parfaits, trient tout dans les bons conteneurs, sinon soient amendé sévèrement, mais rien concernant le fait de produire et mettre en vente. L'idéal étant...

à écrit le 04/10/2018 à 16:52
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Incivilité de fumeurs ? Parfois quand un paquet est vide, il termine rapidement au sol, devenu inutile, un déchet vulgaire, même si une poubelle se trouve à 2m. Éducation à refaire ? Le bout d'une cigarette, filtre ou pas, c'est pas intéressant, stér...

le 04/10/2018 à 20:08
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Excellente idée ... je regrette de ne pas l'avoir eu moi-même !!!

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