Les réacteurs des centrales nucléaires doivent être refroidis en permanence. Celles qui pompent de l'eau dans les cours d'eau (ou les mers) pour leur refroidissement rejettent de l'eau réchauffée. Ces "rejets thermiques" sont soumis par la réglementation à des limites de température afin de préserver la biodiversité, notamment pour ne pas nuire à la reproduction des poissons et éviter la prolifération des algues.
Et dans le cas des centrales refroidies par l'eau de rivière, en cas de canicule et/ou de pluviométrie trop faible (si le fleuve sert à l'irrigation, cela accélère la baisse du débit et donc le réchauffement de l'eau), EDF procède à une réduction de la production. C'est ce qu'il s'est passé hier lundi 6 juin sur l'un des réacteurs nucléaires de la centrale nucléaire de Saint-Alban (Isère), a déclaré l'énergéticien français. L'opérateur a motivé sa décision par l'insuffisance du débit du Rhône dans un contexte où la sécheresse menace la France.
Ce genre d'incident est régulier: le 22 mai dernier, EDF avait indiqué avoir dû très légèrement baisser la production sur l'un des réacteurs nucléaires de sa centrale du Blayais (Gironde) en raison d'une hausse des températures en France à ce moment-là. Dans le cas du Blayais, EDF a pâti d'un effet de seuil, avait fait valoir l'énergéticien. Car avant la mi-mai, c'est la norme hivernale qui s'applique, avec un niveau maximal autorisé de 30°C de la Gironde, contre 36,5°C en été.
Production ajustée à l'évolution des températures
Dans le détail, hier, à Saint-Alban, EDF a réduit la puissance d'un des deux réacteurs de 1.300 MW de la centrale (le numéro 1) à 260 MW "durant cinq heures" samedi et "des baisses ponctuelles (...) ont également été réalisées pendant quelques heures" dimanche et lundi, a indiqué le service de presse de l'entreprise à l'AFP. Cela afin de "respecter la réglementation relative aux rejets thermiques en raison du débit du Rhône".
Après un hiver 2021-2022 qui se classe parmi les plus doux et secs depuis plus de 60 ans à l'échelle du pays, et un printemps particulièrement chaud et sec, l'Hexagone est menacé par une grave sécheresse, alors que Météo France prévoit un été probablement chaud et sec.
En avril, la dernière synthèse de la situation sur le bassin hydrologique Rhône Méditerranée du service d'information Eau France relevait que "le déficit de précipitation enregistré ces derniers mois entraîne des écoulements globaux déficitaires sur l'ensemble du bassin".
"Aucune conséquence sur la sûreté des installations"
Si donc il arrive à EDF de réduire la puissance de ses réacteurs - voire de les arrêter - pour préserver la température des cours d'eau, ces mesures sont habituellement prises lors des épisodes de canicule estivale et non si tôt dans l'année.
Pour rappel, les centrales nucléaires exposées à cette situation sont la centrale du Bugey de 1,8 gigawatt (GW), la centrale de Saint-Alban de 2,6 GW et la centrale du Tricastin de 3,6 GW sur le Rhône au sud-est, ainsi que la centrale du Blayais de 3,6 GW sur la Gironde dans le sud ouest.
Mais l'opérateur historique se veut rassurant:
"Ces manœuvres sont réalisées en accord avec le gestionnaire du réseau national d'électricité et n'ont aucune conséquence sur la sûreté des installations", a souligné EDF, précisant que le réacteur n°2 de la centrale a continué à pleine puissance.
Hausses des températures : des pertes de production très faibles (0,3%)
EDF en relativise la portée, soulignant qu'en France, les pertes de production pour cause de températures élevées de cours d'eau ont représenté 0,3% de la production nucléaire annuelle depuis 2000.
Mais à l'heure où le président Emmanuel Macron entend relancer la filière, ces événements ont été pointés par les adversaires du nucléaire, à l'instar de Jean-Luc Mélenchon, qui y a vu la remise en cause de l'argument selon lequel l'énergie nucléaire serait plus régulière que les renouvelables.
Pour rappel, l'approvisionnement nucléaire français s'élevait mercredi 25 mai à 50% de la capacité disponible, une multitude de réacteurs ayant été mis hors service ces derniers mois en raison de problèmes de corrosion rencontrés dans le soudage des circuits de sécurité des réacteurs.
(avec AFP et Reuters)
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