
Dans un peu plus de deux ans, EDF sera débarrassé de l'un de ses plus gros boulets : l'Arenh (pour l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique), un mécanisme qui contraint l'électricien historique à vendre aux fournisseurs concurrents des électrons à prix cassé. Ce « poison », comme le qualifiait l'ancien PDG d'EDF Jean-Bernard Lévy, a largement contribué à la dégradation de la santé financière de l'entreprise, dont la dette culminait à plus de 65 milliards d'euros en 2022. L'Arenh prendra fin le 31 décembre 2025.
Mais par quoi le remplacer ? Ce jeudi, l'entreprise, désormais détenue à 100% par l'Etat, a révélé travailler sur une « solution innovante », qui serait compatible avec « l'équilibre du groupe », tout en offrant aux acteurs professionnels davantage de visibilité sur les prix de l'électricité et de stabilité.
« Nous sommes satisfaits de constater que la fin de l'Arenh approche ouvrant l'opportunité d'un environnement différent », a commenté, en préambule, Marc Benayoun, directeur exécutif du Groupe EDF en charge du pôle clients, services et territoires.
Faire émerger un marché de moyen terme
Concrètement, il s'agit de permettre aux fournisseurs alternatifs essentiellement, mais aussi aux traders et aux grosses entreprises, d'acheter dès la mi-septembre des mégawatts pour chaque heure de l'année 2027 et 2028, via un outil dénommé « ruban » dans le jargon. Cette action n'est actuellement pas possible sur le marché de gros (qui n'est pas accessible aux particuliers et aux entreprises classiques), où la très grande majorité des contrats se négocie pour 2026 au plus tard. Autrement dit, l'objectif est de faire émerger un marché de moyen terme, qui n'existe pas aujourd'hui, et de créer de la liquidité sur ce marché.
Objectif affiché, faire apparaître des prix plus stables, défend l'électricien. « Les prix pour l'année prochaine sont volatiles aux conditions géopolitiques et climatiques, mais à plus long terme les prix sont stabilisés », souligne Karine Revcolevschi, directrice de la direction optimisation, amont, aval, trading d'EDF. Ainsi, sur le marché de gros, les prix pour 2026 sont actuellement inférieurs à ceux pour 2025, qui sont eux-mêmes inférieurs à ceux pour 2024.
Cinq mégawatts mis aux enchères quotidiennement
Il ne s'agira pas de contrats noués de gré à gré entre EDF et un fournisseur alternatif ou un autre client en particulier. Dans le détail, il passera par un système d'enchères organisé par l'électricien historique. Dans cette optique, ce dernier a défini un prix de réserve (prix en dessous duquel une enchère ne sera pas acceptée), resté confidentiel.
En pratique, à partir du 18 septembre, EDF mettra aux enchères jusqu'à cinq mégawatts (MW) par jour. Le volume minimum d'achat sera d'un mégawatt. « Ce qui permet à tous les fournisseurs de se positionner », même les plus petits, a assuré Marc Benayoun.
« Il n'y a aucune volonté d'évincer certains types de fournisseurs », a-t-il ajouté.
In fine, ce dispositif doit permettre aux fournisseurs alternatifs d'accéder à des volumes d'électricité dans de meilleures conditions et de les répercuter sur le marché de détails pour les clients finaux, c'est-à-dire les ménages et les entreprises classiques. « Globalement, on peut avoir pour le client final des prix plus compétitifs », avance Nelly Recrosio, directrice du marché d'affaires d'EDF.
Une expérimentation
Pour l'heure, il s'agit d'une expérimentation. Dans un premier temps, EDF entend en effet écouler 100 MW pour l'année 2027 et 100 MW pour l'année 2028. Si la demande est bien au rendez-vous, des volumes plus importants seront proposés aux enchères. « Il faut que la demande émerge. Ceux qui vont acheter nos produits doivent savoir à qui ils vont vendre cette électricité ensuite », explique Nelly Recrosio.
« Il faut faire émerger suffisamment de volume d'activité pour que ces prix soient représentatifs et puissent permettre de former des prix de détail », complète Marc Benayoun, qui espère, à terme, être en mesure de proposer des offres à des horizons encore plus lointains.
Cette annonce intervient alors que les fournisseurs alternatifs semblent quelque peu désabusés à la veille d'une rencontre avec Agnès Pannier-Runacher, la ministre de la Transition énergétique. Plusieurs d'entre eux déplorent le manque de visibilité sur l'ère post-Arenh et craignaient de repartir de cette réunion sans élément de réponse. Ils disposent désormais d'une base de discussions.
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