L'exécutif cherche par tous les moyens à conférer le plus de visibilité possible aux entreprises tricolores, même celles de taille intermédiaire, sur la question des prix de l'électricité. Objectif : préserver leur compétitivité et leur permettre de réaliser les investissements nécessaires à la transition écologique. Dans cette optique, le gouvernement encourage EDF à nouer des contrats de fourniture de long terme (10 à 15 ans) avec les grands industriels et les entreprises qui consomment de manière intensive des électrons. En parallèle, pour les entreprises de taille plus modeste, la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher travaille au déploiement de contrats de moyen terme d'une durée de cinq ans environ. Jusqu'à présent, ces entreprises disposaient de contrats de fourniture d'une durée de deux ans environ, qui les exposent davantage à la forte volatilité des prix sur le marché de gros.
Ces nouveaux contrats de moyen terme ne concerneraient pas les très petites entreprises, qui pourront bénéficier des tarifs réglementés de vente de l'électricité tout comme les particuliers, mais le « ventre mou », c'est-à-dire « les entreprises de taille moyenne qui ne sont pas assez sophistiquées, qui ne peuvent pas s'engager sur 10 ou 15 ans, ni partager le risque de production d'électricité », a expliqué l'entourage de la ministre lors d'un échange organisé par l'association des journalistes de l'énergie. Agnès Pannier-Runacher a ainsi demandé à l'organisation patronale France Industrie, à l'Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM) ainsi qu'à EDF de « faire des propositions pour voir si effectivement des contrats de cinq ans, peut-être un peu plus, peuvent fonctionner et s'ils sont équilibrés du point de vue du consommateur et du point de vue du producteur », ont précisé les membres de son cabinet.
Engie et TotalEnergies concernés
Ces contrats de moyen terme pourraient aussi être proposés par d'autres fournisseurs que l'électricien national, comme Engie et TotalEnergies par exemple. « Il n'est pas déterminé qu'il s'agisse uniquement de contrats avec EDF », dit-on ainsi dans l'entourage de la ministre, qui rappelle que même si « EDF est un acteur de marché prédominant sur l'électricité en France », il n'est pas le seul.
Concrètement, les deux grands fournisseurs alternatifs achèteraient une partie de la production nucléaire d'EDF à un prix préférentiel pour le revendre à des entreprises qu'ils ont en portefeuille. Cette intermédiation permettrait à la France de ne pas se faire retoquer par Bruxelles, qui pourrait reprocher à EDF d'utiliser de manière abusive sa position dominante. La ministre doit d'ailleurs réunir l'ensemble des fournisseurs la semaine prochaine.
Fin du bras de fer entre EDF et le gouvernement ?
Cette piste de travail reprend, en partie, les recommandations du rapport de l'ancien président d'ArcelorMittal France Philippe Darmayan, lequel préconisait de systématiser les contrats d'approvisionnement entre fournisseurs et consommateurs. L'ancien dirigeant plaidait notamment pour la mise en place de différents groupements homogènes d'industriels qui achèteraient en commun l'électricité nucléaire via ce type de contrat. Objectif affiché : permettre à toutes les entreprises, mêmes les moins structurées et les moins vaillantes, de bénéficier de ce type d'outil. Un point sur lequel EDF n'avait pas hésité à afficher sa grande frilosité, l'électricien préférant privilégier des contrats de gré à gré afin d'éviter que les prix ne soient trop tirés vers le bas.
La fin du bras de fer entre le gouvernement et EDF pourrait donc prendre fin grâce à une boîte à outils dans laquelle se trouve à la fois des contrats de gré à gré sur des durées de 10/15 ans pour les grands industriels, des contrats de moyen terme, sans partage de risque sur la production, pour les entreprises de taille moyenne, et des tarifs réglementés de vente pour les tout petits acteurs économiques et les particuliers.
Négociations européennes
Avant toute chose cependant, la France devra parvenir à un accord avec les autres États membres de l'Union européenne pour obtenir un cadre de marché permettant de déployer ces nouveaux contrats. Un conseil européen de l'énergie est prévu le 17 octobre prochain. Le temps presse car pour les entreprises grandes consommatrices d'électricité, les contrats de fourniture pour 2026 se négocient dès 2024. Ce calendrier concorde, par ailleurs, avec la fin de l'Arenh (le mécanisme qui permet aux fournisseurs concurrents d'EDF de lui acheter des électrons à prix cassés) programmée le 31 décembre 2025. « Nous prendrons nos responsabilités » pour assurer cette visibilité et « nous le ferons au niveau national si au niveau européen ça se décale un peu », a précisé l'entourage de la ministre. Autrement dit, les règles du jeu pourraient, dans un premier temps, être définies dans la Loi de programmation énergie climat (LPEC), dont l'étude au Parlement pourrait débuter d'ici la fin du mois, avant d'être clairement établie par les Vingt-Sept.
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