Veolia retrouve l'ensemble de ses droits d'actionnaire au sein de Suez

Les droits de Veolia avaient jusqu'à présent été gelés par le juge des référés tant qu'une consultation des instances du personnel de Suez n'avait pas eu lieu. Une décision du tribunal judiciaire de Nanterre vient d'exclure l'existence "à ce stade" de leur droit à être consultées. Suez rappelle toutefois que les droits de vote de Veolia restent suspendus sur le fondement du droit de la concurrence.
Giulietta Gamberini
L'enjeu est crucial en vue de la prochaine assemblée ordinaire de Suez, où les actionnaires se prononceront probablement sur le projet de fusion, prévue en mai.
L'enjeu est crucial en vue de la prochaine assemblée ordinaire de Suez, où les actionnaires se prononceront probablement sur le projet de fusion, prévue en mai. (Crédits : STEPHANE MAHE)

Article modifié à 16:28, puis à 18:16

Après plusieurs échecs judiciaires, Veolia vient enfin de gagner une importante bataille dans la guerre juridique qui l'oppose depuis des mois à Suez. Dans un jugement rendu le 2 février, que La Tribune a pu consulter, le tribunal judiciaire de Nanterre, se prononçant sur le fond, exclut en effet l'existence "à ce stade" d'un droit des institutions représentatives du personnel de Suez d'être consultées sur le projet de fusion de Veolia avec son concurrent, contrairement à ce qu'avait jusqu'à présent retenu le juge des référés.

« Les droits d'actionnaires de Véolia dans Suez ont été suspendus dans l'attente de cette consultation. Or cette consultation n'est pas jugée obligatoire. Il découle de cette décision que Veolia retrouve de fait l'ensemble de ses droits d'actionnaire au sein de Suez », poursuit le tribunal.

Plusieurs mois de gel des droits

Le 9 octobre, quelques jours après l'achat par Veolia à Engie de 29,9% des parts de Suez, le tribunal judiciaire de Paris, se prononçant en référé, avait considéré que les instances représentatives de Suez avaient le droit d'être consultées sur le projet de fusion de Veolia, et avait suspendu les droits d'actionnaires ainsi acquis par Veolia tant que leur information et consultation n'avait pas eu lieu.

Ce jugement avait été confirmé  le 19 novembre par la Cour d'appel de Paris. Veolia avait ensuite essayé de faire modifier ces décisions par le juge des référés à deux reprises, sans succès. Il s'était alors aussi adressé au juge du fond, qui vient de lui donner raison.

"La décision du Tribunal judiciaire de Nanterre de ce jour rend caduques toutes les décisions précédentes relatives à l'information-consultation des salariés de Suez. Elle confirme que Veolia n'a manqué à aucune obligation à l'égard des salariés de Suez", a d'ailleurs réagi Veolia dans un communiqué.

Les CSE feront appel

L'enjeu est crucial, puisque la prochaine assemblée ordinaire de Suez, où les actionnaires se prononceront probablement sur le projet de fusion, est prévue en mai. Or, selon un accord de méthode souscrit entre les syndicats et la direction de Suez, la consultation des instances représentatives du personnel devait durer jusqu'au 31 mai 2021.

Le comité d'entreprise européen de Suez interjètera appel de la décision du tribunal de Nanterre, en demandant une procédure d'urgence "avec une date à très bref délai", a déclaré à La Tribune son avocat, Claude Vaillant.

"Les CSE font immédiatement appel de cette décision auprès du Tribunal", confirment-ils dans un communiqué. "En se basant sur la non détention de 0,1% du capital de SUEZ par Véolia, le tribunal justifie la non prise en compte de l'avis des salariés dans un projet global d'OPA pourtant clairement affirmé par Véolia", regrette l'intersyndicale de Suez.

Maître Vaillant compte également demander la suspension de l'exécution de la décision du tribunal judiciaire de Nanterre, dans laquelle il croit déceler plusieurs contradictions. L'existence en parallèle d'un pourvoi en cassation exercé par Veolia contre l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 19 novembre, pour lequel une décision est attendue le 24 mars, pourrait convaincre le juge à accorder cette suspension.

Lire aussi: Suez/Veolia: les enjeux du contentieux social devant la cour d'appel de Paris

La promesse d'une OPA "amicale"

Entretemps, Veolia affirme toutefois rester "disponible pour échanger avec les salariés de Suez sur son projet de rapprochement". Des auditions par les comités d'entreprise de Suez d'Antoine Frérot et d'autres membres de la direction de Veolia ont d'ailleurs récemment commencé et devaient se poursuivre. Les mêmes comités d'entreprises ont aussi annoncé avoir contacté et rencontrer prochainement les fonds d'investissement Ardian et GIP, qui le 17 janvier  se sont engagés à soutenir Suez dans la recherche d'une solution amicale avec Veolia.

Suez souligne pour sa part que "les droits de vote de Veolia restent suspendus sur le fondement du droit de la concurrence". Veolia peut toutefois demander une dérogation à la Commission européenne pour défendre ses droit patrimoniaux. Suez rappelle également que "Veolia, dans sa communication au moment de la cession intervenue le 5 octobre 2020, a conditionné le lancement de l'OPA à l'accord favorable préalable du conseil d'administration de SUEZ sur cette proposition d'offre", et que le tribunal judiciaire de Nanterre a fondé son jugement sur cette promesse.

Une réunion entre les syndicats et Bercy

Or, depuis l'annonce par Suez d'une "lettre d'intention d'Ardian et de GIP (Global Infrastructure Partners), visant à permettre une solution amicale et rapide à la situation créée par l'intention d'offre de Veolia"les positions des deux groupes semblent rester diverges et leurs échanges toujours tendues. Dans un communiqué du 2 février, Veolia a répété son "refus de céder ou d'échanger, directement ou indirectement, les 29,9% que Veolia possède au capital de Suez", ainsi que sa "détermination à mener à son terme" son projet de rapprochement. Le 26 janvier, Veolia avait aussi rappelé son intention de s'opposer "à toute cession d'actifs stratégiques de Suez contraire à son projet industriel".

Or mardi, devant la commission des affaires économiques du Sénat, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a estimé qu'une solution amiable serait "à portée de main" pour le projet de rachat de Suez par Veolia, pour peu que les acteurs fassent preuve de "bonne volonté". L'intersyndicale de Suez est invitée au Ministère de l'Economie, des Finances et de la Relance le 9 février. Elle compte "interpeller le pouvoir exécutif sur son rôle dans la gestion des services essentiels et sur la vigilance nécessaire qu'il doit porter à la préservation de l'emploi dans une période sanitaire et économique critique".

Giulietta Gamberini

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Commentaires 2
à écrit le 04/02/2021 à 8:57
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Véolia: Deux années de suite à consommer moins d'eau et deux années de suite avec une facture qui augmente, il n'y a rien à ajouter de plus quant au potentiel d'avenir de ce truc... Si c'était pour en faire ça, rendez nous notre eau !!!

à écrit le 03/02/2021 à 17:56
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Un stand bye est sans doute prévue pendant la commission d'enquête qui aura lieu au Parlement sur: les multinationales et l'exploitation de l'eau!

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