Rouen : le sort de la papeterie Chapelle Darblay désormais suspendu à la recherche de fonds

Un an et demi après avoir racheté la papeterie rouennaise, Veolia s’apprête à en confier les clefs au fabricant de pâte à papier Fibre Excellence. Mais ce dernier doit encore trouver beaucoup d’argent pour relancer l’activité. À défaut, la France continuera d’envoyer hors de ses frontières les milliers de tonnes de vieux papiers que la Chapelle Darblay transformait avant sa fermeture en 2020.
En avril 2021, une manifestation pour la sauvegarde de la papeterie Chapelle Darblay, organisée par Greenpeace, s'était tenue devant Bercy.
En avril 2021, une manifestation pour la sauvegarde de la papeterie Chapelle Darblay, organisée par Greenpeace, s'était tenue devant Bercy. (Crédits : Ait Adjedjou Karim/Avenir Pictures/ABACA via Reuters Connect)

Un nouveau chapitre s'ouvre dans le roman (fleuve) de la plus célèbre des papeteries françaises, devenue pour beaucoup d'ONG un totem de l'économie circulaire. Vingt et un mois après avoir acquis la Chapelle Darblay auprès de la Métropole de Rouen qui l'avait préemptée, Veolia se prépare à en rendre les clefs. Le groupe en cédera la propriété dans quelques mois au fabricant de pâte à papier, Fibre Excellence, avec qui il avait monté le projet de reprise. À l'origine de ce passage de témoin inattendu, une obligation légale qui n'avait pas été prévue par le consortium. N'étant pas papetier de métier, Veolia ne peut en effet devenir titulaire du permis d'exploitation.

Bien qu'elle renonce à investir les 27 millions promis au moment du rachat, la multinationale ne quitte pas complètement le navire. Au terme d'un accord qualifié de « solide et stratégique » conclu juste avant la trêve des confiseurs avec son partenaire, elle s'engage à le fournir en « vieux » papiers et cartons « pendant une durée initiale de dix ans ». « La sécurisation des approvisionnements apporte des garanties essentielles pour obtenir les financements nécessaires », fait valoir Jean-François Nogrette, directeur général de Veolia dans le communiqué annonçant la nouvelle.

250 millions à trouver

Et des garanties, Fibre Excellence en aura besoin dans les mois qui viennent. L'industriel, qui se dit prêt à injecter 30 millions d'euros de fonds propres, doit encore rassembler 250 millions pour reconvertir les machines et permettre la relance de l'activité, arrêtée depuis la fermeture du site il y a quatre ans. Une coquette somme qui ne sera pas facile à trouver de l'aveu même de son président. « Cette recherche de financement représente un véritable défi dans le contexte actuel », admet Jean-François Guillot sans détour.

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À cet exercice, le groupe est assuré du soutien de la CGT. Bien qu'elle ait quitté l'alliance écologique et sociale qui avait œuvré au sauvetage du site, la nouvelle secrétaire générale de la centrale syndicale entend manifestement maintenir la pression sur ce dossier dans lequel son prédécesseur Philippe Martinez s'était beaucoup impliqué. « Le combat est loin d'être fini », alertait-elle lors d'une visite à Rouen il y a quelques semaines. Sophie Binet, qui chiffre à 70 millions les besoins de court terme, en appelle notamment à la BPI et l'Agence des Participations de l'Etat. Pour elle, « il faut que l'Etat rentre au capital et garantisse les prêts » que contractera le futur exploitant.

Du papier au carton

L'intéressé de son côté table sur une reprise de l'activité dans trois ans, moyennant l'embauche d'environ 200 salariés. Comme prévu dans le plan initial, l'usine, autrefois spécialisée dans le papier journal recyclé, devrait être reconvertie dans la production de PPO : ce Papier Pour Ondulé qui sert à la fabrication des emballages dont le e-commerce est si friand. « Les besoins et le marché sont en croissance structurelle », soulignent les deux groupes dans leur communiqué commun. Objectif : en fabriquer 400.000 tonnes chaque année à partir d'autant de matière première recyclée.

L'enjeu outrepasse largement les frontières du site. Si l'industriel n'arrive pas à ses fins, une bonne partie du contenu de nos poubelles jaunes continuera d'être exportée, notamment en Allemagne, avant de nous revenir sous la forme de produits finis. Et ce en contradiction avec tous les préceptes de l'économie circulaire dont Veolia comme Fibre Excellence se revendiquent.

La Chapelle Darblay sur grand écran

Si la papeterie rouennaise peut espérer renaître, c'est grâce au combat acharné mené pendant deux ans par trois délégués du personnel -deux syndicalistes CGT et un cadre sans étiquette- pour sauver leur usine. La saga de Cyril Briffault, Julien Sénécal et Arnaud Dauxerre est racontée dans un documentaire qui sort ce mercredi en salles sous le titre « L'usine, Le bon, La brute et Le truand ». Conseillée par l'économiste Thomas Coutrot, la réalisatrice Marianne Lère Laffite a suivi jour après jour ces trois hommes déterminés devenus malgré eux des « rôles modèles » d'un syndicalisme éclairé.

Il en résulte un long métrage militant touchant et instructif où alternent morceaux de bravoure et éclats de rire. Le film est aussi un portrait en creux d'un monde ouvrier chahuté qui gagne à être mis en lumière à l'heure de la réindustrialisation. Forte du bon accueil qui lui a été réservé lors des avant-premières, Marianne Lère Laffite cherche aujourd'hui à réunir des moyens pour réaliser un second opus... avec l'espoir qu'il se conclue sur un happy end.

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