Traité sur la pollution plastique : de nouvelles négociations décisives au Kenya

Du 13 au 19 novembre, les représentants de 175 pays se pencheront sur un projet de traité international destiné à contenir des dispositions contraignantes pour lutter contre la pollution plastique mondiale. En une semaine, ils devront en choisir les orientations majeures. DÉCRYPTAGE.
Giulietta Gamberini
Les défenseurs de l'environnement, ainsi qu'une soixantaine de pays, plaident pour une restriction de la production mondiale de plastiques à la source, ainsi que des mises sur le marché de plastiques à usage unique. Les industriels et les pays producteurs de pétrole ou de plastique militent pour une amélioration de la gestion des déchets et du recyclage.
Les défenseurs de l'environnement, ainsi qu'une soixantaine de pays, plaident pour une restriction de la production mondiale de plastiques à la source, ainsi que des mises sur le marché de plastiques à usage unique. Les industriels et les pays producteurs de pétrole ou de plastique militent pour une amélioration de la gestion des déchets et du recyclage. (Crédits : ADNAN ABIDI)

Ce n'est qu'une étape intermédiaire dans un processus déjà entamé et destiné à durer jusqu'à fin 2024, mais non moins cruciale pour autant. Les négociations d'un premier traité mondial luttant contre la pollution plastique rouvraient ce lundi 13 novembre au Kenya, pour un troisième round réunissant à Nairobi les représentants de 175 pays.

Les négociateurs devront notamment se pencher sur un projet de traité publié en septembre. Une version « zéro » (« zero draft ») qui met toutes les options sur la table, des plus timides aux plus drastiques, afin d'adresser ce fléau mondial.

Du plastique partout dans la biosphère

« La présence des plastiques est sans limites dans la biosphère, des sols à l'atmosphère, des rivières aux océans, des cellules végétales jusqu'au corps humain », rappelle Henri Bourgeois-Costa, directeur des affaires publiques à la Fondation Tara Ocean.

Et cette pollution devrait s'aggraver, puisque selon le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) et l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), si rien ne change, la production mondiale de plastique pourrait tripler d'ici à 2060. Plus encore, ces mêmes organisations estiment que la quantité de déchets plastiques atteignant les océans devrait être presque multipliée par trois encore plus vite : avant 2040, lorsqu'elle atteindrait 30 millions de tonnes.

L'impact du plastique sur le réchauffement climatique devient lui aussi de plus en plus clair et important. Alors qu'il représentait 3,4% des émissions mondiales en 2019, il pourrait peser pour 15% d'ici 2050.

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Tout le cycle de vie du plastique concerné par le traité

C'est bien ce bilan néfaste qui a poussé l'Assemblée pour l'environnement de l'Onu, en mars 2022, à adopter une motion créant un « comité intergouvernemental de négociation », chargé d'élaborer un premier traité mondial contre la pollution plastique avant fin 2024. Il a ainsi été convenu que tout le cycle de vie du plastique, de la production aux déchets, devra être couvert par les négociations. Ces dernières devront aboutir à des mesures contraignantes, assorties de moyens de financement et de contrôle.

Deux rounds de négociations ont déjà eu lieu avant la rédaction du « projet zéro ». Les dernières, qui se sont tenues à Paris en juin, ont été « marquées par une forte présence et une forte mobilisation des pays pétroliers et des producteurs de matières plastiques pour freiner les discussions », rappelle Henri Bourgeois-Costa.

Réduction ou recyclage?

Le zéro draft, qui sera discuté pour la première fois à Nairobi -siège du PNUE- jusqu'au 19 novembre, « présente toutes les options qui ont pu être portées à connaissance du comité du PNUE par les différents pays », explique le directeur des affaires publiques à la Fondation Tara Ocean.

« On peut se réjouir de la présence de l'ensemble des options, y compris les plus ambitieuses. Mais on peut regretter également une vraie disproportion de développement entre les solutions plus ambitieuses et celles qui réduisent la problématique à une simple question de déchets », estime-t-il.

Pour les défenseurs de l'environnement, la deuxième approche, réductive, est en effet le principal « écueil qu'il faut éviter dans cette négociation », note l'expert. Ils plaident pour une restriction de la production mondiale de plastiques à la source, ainsi que des mises sur le marché de plastiques à usage unique.

Les industriels militent quant à eux pour une amélioration de la gestion des déchets et du recyclage. Or, aujourd'hui, seulement 9% des plastiques sont recyclés et, selon le PNUE et l'OCDE, en 2060, en raison d'obstacles techniques comme économiques, les projections ne permettent pas d'imaginer une augmentation du taux de recyclage au-delà de 12%.

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La France favorable à une réduction de la production de plastiques

En amont des prochaines discussions, une soixantaine de pays ont appelé à « des dispositions contraignantes dans le traité pour restreindre et réduire la consommation et la production » de plastique. La France (au nom de laquelle les négociations sont toutefois portées par l'Union européenne) affiche aussi une ambition plutôt élevée :

« La ligne qui est la nôtre, c'est la réduction, et globalement, c'est la feuille de route que nous allons suivre. Introduire le recyclage trop tôt, c'est mettre un frein potentiel à l'objectif de réduction, et en particulier du plastique vierge », a affirmé -cité par l'Usine nouvelle- le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu, lundi 6 novembre, lors d'une réunion de l'ensemble des parties prenantes françaises.

À l'opposé, les pays producteurs de pétrole comme l'Arabie saoudite et des membres de l'Opep, et les pays producteurs de plastique, comme la Chine, ainsi que les Brics, se montrent réticents à une réduction de la production.

Un calendrier serré

À Nairobi, il s'agira de choisir les orientations majeures du prochain traité, et de déterminer le temps de travail qui sera consacré à chacune. Pour les défenseurs de l'environnement, l'enjeu sera aussi d'éviter « l'enlisement des discussions autour des mécanismes de vote (à la majorité absolue, à la majorité qualifiée ou à l'unanimité): l'outil qui va être le plus facilement mobilisé par ceux qui veulent avoir un traité peu ambitieux », ajoute Henri Bourgeois-Costa. Comme pour tous les traités internationaux, la difficulté sera de trouver un équilibre entre l'obtention du plus de signataires possibles et des contenus néanmoins ambitieux, note-t-il encore.

Deux autres sessions de négociations auront lieu ensuite: en avril 2024 au Canada, puis en Corée du Sud en fin d'année. Mais le calendrier est serré, et « il est important de le tenir puisque, au vu de la croissance très importante de la production de plastique, chaque année qui passe est un élément très défavorisant pour la solution de ces pollutions », estime Henri Bourgeois-Costa.

Or, « s'ils ne parviennent pas à progresser ici (à Nairobi, ndlr), 2024 sera très intense s'ils veulent parvenir à un traité significatif d'ici la fin » de l'année, souligne le responsable de la politique mondiale sur les plastiques au WWF, Eirik Lindebjerg, cité par l'AFP.

Giulietta Gamberini

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Commentaire 1
à écrit le 13/11/2023 à 10:50
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J'ai entendu plus de 2 millions de tonnes de plastique déversées chaque mois dans nos mers et océans générant au moins 6 nouveaux continents composés uniquement de plastiques. Qu'avons nous fait pour en arriver là ? Nietzsche nous avait prévenu seuls...

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