Coup de tonnerre dans le monde du retail ce 5 décembre 2016 : Amazon ouvre au pied de son QG de Seattle sa première supérette entièrement automatisée, Amazon Go. Un test, d'abord réservé à ses employés, étendu au consommateur lambda le 22 janvier 2018. Les possesseurs de l'appli Amazon reliée à un moyen de paiement peuvent désormais attraper leurs achats sur les étagères et ressortir sans autre forme de procès. Les nombreuses caméras fixées au plafond et les capteurs placés sur les étagères enregistrent les caractéristiques des produits qui sont débités directement sur le compte du shopper. Une facture détaillée est ensuite envoyée sur sa boîte mail. « Le passage en caisse est l'irritant suprême pour le consommateur. Les supprimer élimine ce problème et allège nettement les coûts d'exploitation », rappelle Philippe Moati, fondateur de l'ObSoCo. Après Seattle, dix autres supérettes sans caissières ont ouvert à San Francisco, Chicago et New York. L'e-commerçant a néanmoins dû modifier son système de paiement et accepter les espèces suite à des accusations de discrimination à l'égard des consommateurs pauvres non bancarisés.
Ce qui n'empêche pas Jeff Bezos de voir grand : selon Bloomberg, il pourrait ouvrir pas moins de 3.000 Amazon Go aux États-Unis d'ici à 2021, principalement dans les centres urbains où vit sa clientèle de jeunes gens pressés dotés d'un fort pouvoir d'achat. Un chiffre qui ferait d'Amazon une des principales enseignes américaines de convenient stores (magasins de proximité). Une stratégie onéreuse : Bloomberg évoque un million de dollars par magasin, soit 3 milliards pour les 3 000 à venir. Mais avec une valorisation de près de 1000 milliards de dollars, un chiffre d'affaires 2018 de 232,9 milliards de dollars (+ 31 %) et un bénéfice net de 10,1 milliards, Amazon n'a pas de souci d'argent. Walmart, numéro un mondial de la distribution, a répliqué avec son propre concept. Présenté le 25 avril dernier, l'Intelligent Retail Lab (clin d'oeil à l'acronyme IRL, « in real life » soit « dans la vie réelle » par opposition au tout digital d'Amazon) est situé à Levittown dans l'État de New York.
Ce supermarché de 4.650 mètres carrés qui propose 30.000 produits est équipé de caméras boostées à l'intelligence artificielle et d'écrans interactifs, le tout connecté à un énorme data center derrière des baies vitrées, visible par les clients. Mais, contrairement aux supérettes robotisées, le magasin emploie une centaine de salariés. Car Walmart ne veut pas copier le modèle d'Amazon mais intégrer des innovations technologiques pour augmenter la qualité du service rendu au consommateur. Par exemple, surveiller le niveau des stocks pour mieux réapprovisionner les rayons et proposer des produits toujours frais.
4.000 robots pour Walmart
Pour Mike Hanrahan, le CEO d'IRL, les magasins 100 % automatisés d'Amazon « sont irréalistes à grande échelle et, à long terme, probablement pas bénéfiques pour le consommateur ». Une réticence à l'automatisation toute relative puisque le leader mondial du retail va s'équiper de 1.500 robots nettoyeurs de sol Auto-C, de 300 automates pour scanner les rayons et faciliter le réassort, de 1.200 tapis roulants intelligents pour dispatcher les colis dès leur sortie du camion et de 900 Pick-Up Towers, des machines dans lesquelles on vient récupérer ses commandes achetées en ligne. « Ces appareils permettent à nos associés [les employés, en jargon Walmart, ndlr] de se concentrer sur la vente et le service au client, qui sont selon eux les tâches les plus intéressantes quand on travaille dans la distribution », explique John Crecelius, senior vice president of central operations de Walmart États-Unis.
En France, les tunnels de self-checking (on pose les produits sur le tapis, les codes-barres sont lus et il ne reste plus qu'à payer) sont en test depuis des décennies sans qu'aucun distributeur ne se résigne à installer ces appareils qui signifieraient un licenciement massif d'hôtesses de caisse. Néanmoins, toutes les enseignes testent des concepts de magasins plus ou moins automatisés. Casino a récemment ouvert le « 4 », supérette de 400 mètres carrés ouverte 7 jours sur 7 sur les Champs Elysées. Passé 22 heures, quand les 20 employés sont partis, les clients peuvent acheter et payer via leur application mobile Casino Max. Auchan a installé un Auchan Minute, conteneur de 18 mètres carrés totalement automatisé, sur le parking du siège du groupe à Villeneuve d'Ascq (Nord).
Un concept inspiré par la Chine, pays où ces petits magasins robots se multiplient. C'est à Shanghai que la première Auchan Box a d'ailleurs été installée en juillet 2017. Suivant l'exemple d'Amazon, il s'agit d'un test réservé aux employés du groupe. De son côté, Carrefour prépare l'ouverture à Massy (Essonne) d'une petite surface de 56 mètres carrés équipée de caméras, avec validation des achats par reconnaissance faciale, une pratique testée en Chine avec Tencent. Comme pour Auchan, ce magasin automatisé sera d'abord réservé aux salariés. Toutes ces initiatives servent de laboratoires aux distributeurs français, qui ne veulent pas se laisser distancer par les géants du Net et du e-commerce dans la course à l'automatisation permise par le progrès de l'IA et du big data.
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