« Quête de sens, équilibre de vie... les ETI sont les plus à même d’attirer les talents » Caroline Hilliet Le Branchu, présidente du Club ETI Bretagne

ENTRETIEN. Créé en mars 2022, le Club ETI Bretagne veut sortir les entreprises de plus de 250 salariés de leur invisibilité. Réunissant déjà 25 entreprises, il se fixe l’objectif d’en compter 50 à la fin 2023. Transmission, transformation digitale et gouvernance sont au menu de sa feuille de route 2023. Mais plus que l'inflation et les prix de l'énergie, la question prioritaire porte sur l’attractivité et le recrutement. Ou dit autrement, pour faire face aux difficultés conjoncturelles présentes et à venir, c'est la qualité des équipes qui prime. Explications avec Caroline Hilliet Le Branchu, présidente du Club ETI Bretagne et présidente de la conserverie La Belle-Iloise.
Présidé par la cheffe d'entreprise Caroline Hilliet-Le Branchu (photo), le Club ETI Bretagne a réussi à rassembler depuis sa création en mars 2022 quelque 25 ETI régionales. Avec l'objectif d'en rassembler 50 d'ici à la fin de 2023. Le collectif souhaite défendre ses intérêts communs et participer aux décisions économiques du territoire.
Présidé par la cheffe d'entreprise Caroline Hilliet-Le Branchu (photo), le Club ETI Bretagne a réussi à rassembler depuis sa création en mars 2022 quelque 25 ETI régionales. Avec l'objectif d'en rassembler 50 d'ici à la fin de 2023. Le collectif souhaite défendre ses intérêts communs et participer aux décisions économiques du territoire. (Crédits : La Belle-Îloise)

LA TRIBUNE - Le Club ETI Bretagne a été fondé le 24 mars 2022 ? À quels besoins répond-il ?

CAROLINE HILLIET LE BRANCHU - Ce Club entend devenir un relais du mouvement national des ETI [*]. Nos entreprises ne se connaissent pas toutes, certaines sont très impliquées dans des réseaux professionnels et locaux, mais pas dans un collectif hors métiers.

Or, pour gagner du temps, les dirigeants comme les collaborateurs (DAF, DSI, DRH) ont besoin d'échanges, de partage des bonnes pratiques, de retours d'expériences.

Notre ambition est de porter une voix collective, d'être représenté ensemble. La Bretagne compte 193 entreprises de taille intermédiaire. Elles représentent 94.000 emplois et génèrent autour de 32 milliards de chiffre d'affaires. Beaucoup d'actions sont mises en place pour les TPE et PME, mais dont les ETI sont oubliées car souvent considérées comme des groupes. Nous souhaitons défendre nos intérêts communs et participer aux décisions économiques du territoire.

Combien d'adhérents comptez-vous et qui sont-ils ?

Après seulement neuf mois d'existence, notre collectif compte déjà 25 entreprises. Avec Émilie Aubry, notre déléguée générale, nous avons dressé la feuille de route qui sera mise progressivement en place cette année. L'un de nos objectifs est de rassembler 50 membres à la fin de 2023.

Nos premiers adhérents représentent des activités variées, qu'il s'agisse de Verlingue (assurances), Quéguigner Matériaux, Piriou (chantiers navals), Legendre (BTP-immobilier), Olmix (spécialiste des algues) ou encore Ouest-France (presse). Ces structures se distinguent aussi par leur diversité de taille. La Belle-Îloise est une jeune ETI, mais certains groupes autour de 600 millions de chiffres d'affaires sont plus importants. Autres particularité, 60% à 65% des ETI bretonnes sont des entreprises familiales (Giboire, Legendre, Verlingue...), porteuses de valeurs fortes et au sein desquelles arrive une nouvelle génération de dirigeants. D'autres ont été reprises par une direction managériale (Piriou, Kersia).

Une des trois thématiques de votre feuille de route 2023 porte d'ailleurs sur la transmission. C'est un sujet sensible ?

La pérennité des entreprises se pose dans toutes les structures. Qu'elle soit familiale ou managériale, la transmission d'une entreprise est une problématique qu'il faut adresser tôt. Cela fera l'objet d'une partie des réunions de 2023. Au cours de webinars, de plénières ou de sessions afterwork, nous avons aussi prévu d'aborder les sujets de la transition numérique (e-commerce, cybersécurité, fraude au président, mails frauduleux...) et de la gouvernance, comme enjeu de croissance et d'efficacité.

Le fil rouge de votre année sera toutefois la question du recrutement, de l'attractivité et de la fidélisation des talents. C'est plus crucial que la problématique de l'inflation ou de la crise énergétique ?

Nos sujets de préoccupation communs sont bien identifiés. Les questions de la hausse des coûts et de l'énergie seront débattues, mais elles relèvent de l'opérationnel : nos entreprises sont obligées de s'adapter. En revanche, la pénurie structurelle des recrutements, la gestion des compétences et des talents sont un frein supplémentaire. L'embauche de certains profils issus d'autres régions n'est pas évidente. Il faut être attractif et innovant, mettre en place des actions avec Pôle emploi, travailler avec les collectivités pour apporter en parallèle des solutions de formation, de logement, d'infrastructures et de numérique.

La crise sanitaire a amplifié les changements liés au rapport au travail et à la distance prise par les collaborateurs et la nouvelle génération avec le monde de l'entreprise. On le vit au jour le jour dans nos groupes.

Les ETI sont pourtant les plus à même de répondre à cette quête de sens et d'équilibre de vie.

Quelles sont les spécificités des ETI que vous souhaitez mettre en avant ?

Elles sont peu visibles, mais ont pourtant l'avantage de n'être ni trop petites - comme une startup ou une jeune PME - ni trop grandes, de posséder une histoire, de maintenir un centre de décision sur le territoire. Les ETI sont attractives et conquérantes, elles offrent aussi des perspectives de carrière et d'évolution. Notre première commission, « attractivité et gestion des talents », lancée fin 2022, a pour but de mener des actions collectives en matière de recrutement et de formation.

Dirigeants et DRH (directions des ressources humaines) vont ainsi s'inspirer de ce qui existe déjà pour trouver des solutions ensemble autour de quatre grands thèmes : l'emploi et la gestion des talents, l'infrastructure et le cadre de vie, la responsabilité sociétale des entreprises (RSE), et enfin, la transmission.

De quels exemples cette commission RH pourrait-elle s'inspirer ?

Des ETI de fabrication et maintenance industrielle se sont par exemple alliées pour créer des formations ad hoc. Quéguiner Matériaux et Cadiou Industrie (portails, clôtures), deux entreprises œuvrant dans des secteurs proches, ont ainsi déployé un cursus commun pour former des techniciens de maintenance. On peut aussi envisager des évolutions de carrière au sein de différentes ETI et mutualiser nos besoins pour prendre en compte l'emploi des conjoints.

Selon le Mouvement des entreprises de taille intermédiaire (METI), la crise de l'énergie risque d'avoir des effets « destructeurs » pour 27% des 5.500 entreprises de taille intermédiaire françaises.  Qu'en est-il en Bretagne ?

Nous subissons tous cette hausse du prix de l'énergie. Dans mon entreprise, la facture 2023 de gaz a quintuplé, celle de l'électricité a triplé. Je ne dispose pas de remontée d'information sur des fermetures de sites. En revanche, certaines entreprises s'organisent différemment et aménagent parfois leurs horaires en passant au travail de nuit. En tant que dirigeante garante de la qualité de vie de mes collaborateurs et parce que La Belle-Iloise travaille du poisson frais, je n'y tiens pas. Pour nous, l'option est de baisser notre marge et d'être extrêmement bon gestionnaire sur les années 2023-2024.

Propos recueillis par Pascale Paoli-Lebailly

(*) ETI : entreprises de taille intermédiaire de 250 à 4.999 salariés, réalisant moins de 1,5 milliards d'euros de chiffre d'affaires annuel.

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Lire aussiInflation, pénuries, manque de main-d'œuvre : « le stress monte » chez les entreprises de taille intermédiaire

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