Comment les "petits" e-commerçants français cherchent la croissance hors de l’Hexagone

Les PME de l’e-commerce français figurent parmi les plus actives à l’export parmi les pays les plus industrialisés. Leurs passeports? Les places de marché en ligne et des sites de plus en plus “mobiles”. Mais des freins semblent toujours à l'oeuvre.
Marina Torre
Plus de 6 e-commerçants français sur 10 vendent des produits hors de l'Hexagone et ils sont autant à projeter de le faire.

L'e-commerce "Made in France" champion de l'export?  Des indicateurs récents tendent à le laisser penser. Parmi les 1.200 cybermarchands (de PME) américains, britanniques,  allemands, italiens et espagnols  interrogés par Ipsos pour Paypal, 64% des françaises déclarent opérer des ventes hors de leurs frontières. Dans le détail, la proportion de ces cybermarchands "exportateurs" est de 59% en Allemagne et 56% au Royaume-Uni. Deux marchés pourtant plus "matures" dans ce secteur.

Un sur dix vend uniquement à l'étranger

"Cela m'a beaucoup surprise. En un an et demi, les choses ont beaucoup évolué, les e-commerçants ont compris quelles opportunités ils pouvaient saisir", commente Sophie Ancely, directrice des échanges internationaux pour l'Europe Centrale, le Moyen-Orient et l'Afrique pour l'entreprise spécialisée dans le de paiement en ligne qui a publié ces résultats le 15 avril.

En outre, un commerçant français sur dix réalise exclusivement leurs ventes hors de l'Hexagone.

"Ce sont aussi les commerçants domestiques français qui ont la plus grande ambition pour l'international, puisque 65 % prévoient de se lancer dans les 12 prochains mois", précise même cette enquête.

L'opérateur de paiement en ligne qui fait partie des leaders du secteur en France n'est pas le seul à constater une percée des offres transfrontalières de la part de vendeurs français, même de taille relativement modeste. Dans le panel interrogé pour la Fédération e-commerce et vente à distance, ils étaient ainsi 60% d'e-commerçants français à déclarer réaliser des ventes à l'étranger. Des résultats qui correspondent également avec ceux avancés par la Commission européenne dans un rapport de mars 2016.

30% de chiffre d'affaires supplémentaires

Objectif: chercher des leviers de croissance bien sûr. C'est même la première motivation des distributeurs concernés. Au total, les commerçants interrogés pour l'enquête de PayPal ont généré 33,86 millions de dollars à l'étranger l'an dernier, soit 30% de chiffre d'affaires supplémentaire par rapport à leurs volumes d'affaires dans leur pays d'origine.

Vient ensuite la volonté de répondre à une demande et d'accroître le fameux "taux de conversion", c'est-à-dire la proportion de visites débouchant sur des achats. "De nombreux commerçants prennent conscience qu'il y a une demande lorsqu'ils observent que des sources de trafic proviennent de pays étrangers" où ils n'ont pourtant pas organisé de circuits de distribution spécifique, souligne Sophie Ancely.

Il faut dire que l'intérêt pour les produits étrangers grandi dans la population. En 2015, près de trois consommateurs européens sur dix ont acheté un produit dans un autre pays selon Eurostat. Trois ans plus tôt, ils étaient un quart à le faire.

eurostat ecommerce transfrontalier

Traduits et adaptés aux smartphones

A cela s'ajoute le fait que les moyens d'accès aux consommateurs étrangers se développent. Les commerçants français qui investissent en ligne tendent à traduire leurs sites, même s'ils sont encore plus nombreux à le faire en Italie et en Espagne (dans sept cas sur dix). Ensuite, l'adaptation de leurs sites aux formats mobiles décolle, ce qui répond à l'explosion du "m-commerce" un peu partout dans le monde.

La quasi-totalité des e-commerçants français qui vendent hors de France interrogés par Ipsos ont ainsi développé une application ou un site adaptés aux smartphones. Ils sont toutefois moins nombreux (42%) à l'avoir fait spécifiquement pour les tablettes tactiles, alors que ce sont des supports particulièrement prisés dans les marchés étudiés notent les responsables de l'enquête.

Un bon plan pour Amazon

Surtout, pour vendre à l'étranger, les e-commerçants français choisissent dans près de la moitié des cas la solution des "places de marché". Le but étant de tirer parti du trafic existant déjà sur les plateformes déjà connues dans les pays ciblés pour faire connaître leur marque.

Le grand gagnant, une fois de plus, est Amazon, l'un des premiers acteurs de l'e-commerce européen qui serait déjà choisi par 6 e-commerçants français sur 10 pour vendre hors de France. Mais le géant de Seattle n'est pas le seul à attirer des vendeurs français désireux de s'exporter: eBay, l'ancienne maison-mère de PayPal, resterait attractive, tout comme CDiscount, filiale du français Casino, ou encore la Fnac, et Tmall (Alibaba) ainsi que son rival JD.com.

Il faut dire que l'usage d'une plateforme de vente en ligne, même si elles implique de devoir reverser des commissions plus ou moins élevées, peut présenter l'avantage de faciliter des aspects "pratiques" comme la gestion de la logistique, en particulier celle des retours. Ce qui explique que certains grands acteurs internationaux placent le développement de services de logistique au coeur de leurs stratégies. En la matière, "Amazon est un vrai rouleau compresseur", confie ainsi un acteur du transport de marchandises.

>> Amazon investit dans la logistique, atout stratégique pour dominer le e-commerce

Frais de ports et "geo-blocking"

Or, il s'il y a bien un "frein" à l'export en ligne qui ressort régulièrement dans la bouche des e-commerçants, c'est bien celui des frais d'expédition.

La problématique des frais de port, obstacle depuis de nombreuses années, reste donc une préoccupation majeure. Si elle n'empêche visiblement pas un nombre croissant d'e-commerçants de se lancer dans l'aventure, elle reste citée comme le premier sujet de préoccupation. Et pour cause: l'aspect logistique de la question se révèle d'autant plus crucial que pour espérer être choisi plutôt qu'un autre e-commerçant, il devient nécessaire de pratiquer des frais de livraison particulièrement attractifs pour les clients. Ce qui se traduit souvent par la gratuité de ces derniers ou bien l'extension de ses horaires. Des pratiques devenues incontournables sur certains marchés très compétitifs comme le Royaume-Uni.

Sujet de tractations à Bruxelles

Ces limites expliquent en partie que l'Europe reste dans une très large majorité des cas (9 fois sur 10 selon l'enquête Ipsos), la principale destination des produits commercialisés par les cybermarchands français. Sur le podium: l'Allemagne puis la Grande-Bretagne et la Suisse. Pour ceux qui projettent de vendre leurs produits à l'étranger, la nouvelle destination la plus prisée est plutôt l'Espagne, même si la Suisse et l'Allemagne gardent encore la cote, toujours selon l'enquête d'Ipsos pour Paypal.

L'intensification des transactions transfrontalières font l'objet de tractations à Bruxelles, qui concernent d'épineuses questions d'harmonisation. Cela a d'abord été le cas concernant la TVA ou encore le traitement des données.

Mais d'autres sujets sont à l'étude. La Commission a ainsi lancé une enquête en septembre 2015 sur ce qu'elle considère comme des freins au développement de l'e-commerce transfrontalier. Des travaux publiés en mars 2016 mettent en évidence des pratiques de "géo-blocking" qui visent à limiter l'accès à des offres en fonction du positionnement géographique de l'utilisateur. Celles-ci étant surtout répandues dans des secteurs "dématérialisés" comme la distribution de films ou de musique en ligne, mais pas seulement. Ainsi "plus d'un tiers des distributeurs en ligne" de biens de consommation sondés pour l'occasion "collectent des informations sur les utilisateurs à des fins de géo-blocking".

HaItao, ou le coup de pouce chinois à l'e-commerce de luxe

Cela dit, l'explosion des ventes en ligne ne concerne évidemment pas que l'Europe. Et la recherche de débouchés en dehors du continent tend aussi à s'intensifier. Pour l'heure, les transactions hors union européenne ne représentent que 10% du total pour les Français. Ces derniers privilégient alors l'Amérique du Nord, l'Amérique latine et l'Asie. La Chine en particulier a fait figure "d'eldorado" ces dernières années. En dépit de l'atterrissage de son économie, l'expansion de sa classe moyenne fait encore rêver, en particulier pour les produits hauts de gamme. Sans compter que les grandes plateformes comme celles d'Alibaba ou son concurrent JD.com se font fort de courtiser les marques françaises pour remplir leurs boutiques virtuelles.

>> Alibaba prend ses marques (européennes) en France

>> Pourquoi le e-commerce transfrontalier avec la Chine est prometteur mais difficile

Pour l'heure, les volumes distribués restent très minoritaires en Asie. Ainsi un tiers de cybermarchands français qui distribuent leurs produits à l'étranger se seraient déjà risqués en Asie. Mais les exportations n'y représentent encore "que" 7% de leurs ventes. Cependant les catégories hauts-de-gamme se font une place, notamment en Chine. Si c'est auprès d'e-vendeurs australiens que les Chinois dépensent encore le plus par transaction, les Français arrivent en deuxième position selon des données publiées en août par l'agence de presse chinoise Xinhua et Visa.Une situation qui s'explique notamment par la propension des consommateurs du pays qui achètent à l'étranger à rechercher en ligne "l'authenticité" des produits (c'est l'une des facettes d'un "marché" baptisé "Haitao")

Marina Torre

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Commentaires 2
à écrit le 27/04/2016 à 13:39
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Parlons des frais de port: certains sites internet ne font pas appel à la Poste mais à des transporteurs privés qui emploient des livreurs qui vont apporter les colis au domicile de ceux qui les ont commandés mais ne se trouvent pas à leur domicile d...

à écrit le 25/04/2016 à 18:07
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Merci pour ce recap. Attention à certains marchés comme la Chine et en effet le haïtao qui suppose un suivi en temps réel des pratiques, lois, tolérances ... le coup de grisou du 7 avril dernier aprés 3 ans d'ouverture est significatif : https://ww...

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