Gastronomie française : Bercy derrière les chefs

La ministre Olivia Grégoire a dévoilé un plan stratégique pour soutenir la compétitivité de la cuisine française dans le monde entier.
Charlotte Langrand
Le multi-étoilé Alain Ducasse
Le multi-étoilé Alain Ducasse (Crédits : © LTD / TASOS KATOPODIS/Getty via AFP)

La gastronomie ne trouve pas uniquement son origine dans les cuisines, elle se concocte aussi dans les ministères. « Ce n'est pas parce qu'on a une réputation qu'il faut s'endormir dessus, car une réputation, ça s'éteint », a prévenu Olivia Grégoire, la ministre déléguée chargée des Entreprises, du Tourisme et de la Consommation, en évoquant vendredi la « haute gastronomie » française, qui se voit voler la vedette depuis quelques années dans les classements culinaires internationaux. Alors qu'elle annonçait le lancement d'une « stratégie gastronomie France » dans le but de « faire rayonner » à l'étranger l'excellence de la haute cuisine tricolore, Olivia Grégoire a montré qu'elle et le président Emmanuel Macron avaient entendu la requête de grands chefs étoilés, Alain Ducasse en tête, qui demandent depuis des années que les toques françaises soient soutenues par l'État, afin que notre gastronomie retrouve son aura mondiale, comme au XXe siècle.

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D'autres pays ont compris depuis longtemps que casseroles et politiques faisaient bon ménage, surtout pour la santé économique du secteur et l'attractivité touristique du territoire. Les chefs espagnols, puis nordiques et maintenant péruviens, soutenus par les stratégies économiques nationales, figurent en tête de classements comme le World's 50 Best Restaurants : aujourd'hui, le Central à Lima en occupe la première place, suivi par plusieurs chefs espagnols et un danois. Le premier établissement français est à la 10e place (Table, de Bruno Verjus) et seulement trois autres figurent dans la liste (Septime est 24e, Plénitude, 36e, et la Grenouillère, 48e). Et en 2023, la France n'arrivait qu'en 5e position des Bocuse d'or... Trop d'humiliations pour la patrie d'Antonin Carême et d'Auguste Escoffier. La ministre a donc sifflé la fin des vexations : « Notre héritage culinaire est inégalé. Tout le monde associe la France à la gastronomie. Être le meilleur, c'est bien, le rester, c'est encore mieux, et c'est pourquoi je pense qu'il est temps de l'emmener plus loin. »

Bercy derrière les chefs

 Le chef multi-étoilé Mauro Colagreco (crédits : Clément Mahoudeau/guidemichelin via AFP)

La stratégie du gouvernement repose donc sur plusieurs axes. Pour trouver les « Mauro Colagreco de demain » (le Mirazur, du chef de Menton, a été élu premier du World's 50 Best en 2019), il faudra déjà « repérer et accompagner les talents » au moyen de la création d'un Centre national de la gastronomie près de Lyon, à l'image de... Clairefontaine pour le football. Il proposera des « parcours d'entraînement » aux compétitions internationales pour des « équipes de France des métiers de la gastronomie », avec même la constitution d'équipes de France « espoirs ». Par ailleurs, il est aussi prévu de renforcer la présence française dans les salons et les événements internationaux, comme le Madrid Fusion Food from Spain.

"En voyageant, j'ai vu à quel point le rôle de l'État est important" Mauro Colagreco

Afin de soutenir les chefs français qui voudraient s'installer à l'étranger et exporter notre savoir-faire, le plan prévoit d'accompagner une promotion de dix jeunes cuisiniers, qui seront départagés par un jury (constitué entre autres du chef Alain Ducasse, du consultant Nicolas Chatenier ou de Gérard Bertrand, président de la marque de vins qui porte son nom). Les chefs peuvent se porter candidats jusqu'au 3 mai mais devront cibler leur installation sur cinq marchés prédéfinis : Arabie saoudite, Corée du Sud, Émirats arabes unis, Hong Kong et Macao. Côté formation, l'État envisage aussi de mettre en place une sorte d'« Erasmus des écoles de cuisine », un réseau international qui permettrait de mieux les référencer auprès des ambassades.

Enfin, la gastronomie devrait apparaître plus souvent dans les événements publics en tout genre, Olivia Grégoire espérant même la rapprocher des fashion weeks du secteur de la mode française, au rayonnement mondial. Enfin, l'opération Goût de/Good France, lancée en 2015 par Alain Ducasse et le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius, sera réactivée ; des événements « sports et gastronomie » seront organisés pendant les JO et 22 initiatives régionales seront soutenues financièrement. « Je me réjouis de ces initiatives car, si on ne se remet pas en question, on perd de la vitesse sur les autres », estime le chef Mauro Colagreco.

En voyageant, j'ai vu à quel point le rôle de l'État est important : certains organisent de grands congrès auxquels ils convient des journalistes du monde entier. Ils ont tout compris, et nous, nous sommes en retard. Mais il faut faire attention à ne pas se disperser... » Et il faut aussi pouvoir allouer le budget nécessaire à cette promotion. Celui de la stratégie annoncée est de... 1,5 million d'euros. « Ce n'est pas très généreux, déplore le chef. Mais c'est déjà un début, vu le contexte économique global... » À suivre.

Charlotte Langrand

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Commentaire 1
à écrit le 14/04/2024 à 12:39
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Pourquoi illustrer ce sujet avec une photo d'Alain Ducasse. Cet individu n'est jamais plus derrière ses fourneaux mais sillonne la planète en représentation ! Il y a d'autres chefs plus respectables comme Régis Marcon, Michel Bras, Troisgros, Roellin...

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