Surtourisme : la régulation mise en place à Bréhat peut-elle faire des émules ?

Du 14 juillet au 25 août, l’île de Bréhat impose un quota quotidien de touristes afin de mieux réguler les flux de visiteurs et protéger ses sites naturels. Cette expérimentation sera-t-elle, demain, suivie par d’autres îles ou villes à forte affluence ? En Bretagne, le tourisme durable implique de pouvoir orienter les vacanciers vers d’autres types de vacances et d’expériences, offrant aménagement et services.
Dimanche 16 juillet au matin, une large banderole a été déroulée en haut des remparts de la vieille ville de Saint-Malo (Ille-et-Vilaine) pour dénoncer le surtourisme. (@SoLeNoenLess)
Dimanche 16 juillet au matin, une large banderole a été déroulée en haut des remparts de la vieille ville de Saint-Malo (Ille-et-Vilaine) pour dénoncer le surtourisme. (@SoLeNoenLess) (Crédits : Twitter)

Le tourisme peut-il être durable ? Le risque de surpopulation touristique et de dégradation des sites naturels dans certains lieux prisés par les visiteurs, nécessite-t-il l'expérimentation d'un nouveau type de mesure ? C'est en tout cas l'argument invoqué par la mairie de la petite Île de Bréhat, en Côtes d'Armor, qui abrite un peu plus de 400 habitants à l'année sur une superficie de 3,4 km2.

Afin « d'améliorer l'accueil d'environ 400.000 visiteurs par an et assurer au territoire et à ses habitants un avenir plus durable », le maire Olivier Carré a pris un arrêté limitant la fréquentation à 4.700 personnes, entre 8h30 et 14h30, du 14 juillet au 25 août inclus.

Des pics jusqu'à 6.000 personnes par jour

Concrètement, les compagnies maritimes desservant Bréhat disposent de quotas de places pour la traversée, qui lorsqu'ils seront atteints bloqueront toute réservation. En revanche, rien n'empêche les propriétaires de bateaux privés d'accoster sur un coin de plage.

« Cette mesure vise aussi à inciter les visiteurs à découvrir l'île autrement, en avant et arrière-saison ou sur des jours plus calmes, dans de bien meilleures conditions » explique le maire, qui rappelle que les pics de fréquentation de l'île enregistrés en 2021 et 2022 se situaient entre 5.600 et 6.000 personnes par jour.

Rendue possible par l'article l. 360-1 du code de l'environnement modifié en février dernier par la loi Climat et Résilience, cette expérimentation est conduite en concertation avec les compagnies maritimes, la Région Bretagne, le département et les offices de tourisme. « Le conseil municipal a pris cette décision pour offrir aux visiteurs une expérience de meilleure qualité mais aussi pour limiter les dégradations des espaces sensibles protégés et la saturation des infrastructures publiques : chemins, cales ou collecteurs de déchets » ajoute la commune.

L'été, ses sentiers de randonnées sont surchargés et ses restaurants quotidiennement saturés. Or depuis 2020, l'île de Bréhat est accompagnée par la Région Bretagne dans le cadre du dispositif « site d'exception naturel et culturel ».

La commune s'est en effet engagée dans un tourisme plus durable avec comme leitmotiv, « pas plus mais mieux », et la mise en œuvre d'actions concrètes : aménagement des cheminements les plus pratiqués et nouvelle signalétique visant à répartir les flux et à multiplier les points d'attraction.

Expérimenter fait partie de la boîte à outils

Alors que le concept de tourisme durable prend davantage de sens dans une région qui en 2022 a comptabilisé 109 millions de nuitées touristiques dont 22 millions l'été dernier (+ 7,2%), nul doute que cette expérimentation, une première en France, sera très observée par d'autres communes fortement visitées l'été. Notamment dans les îles comme l'île-aux-Moines dans le Golfe du Morbihan qui passe de 630 habitants à l'année à un afflux de 6.000 visiteurs par jour lors des pics estivaux. Au-delà de la préservation de l'environnement, ces communes peinent aussi à assurer le traitement des déchets voire leur approvisionnement en eau. Ce fut le cas à Groix lors de la sécheresse de 2022.

« Pour influer sur la régulation des flux et adapter la stratégie territoriale, il faut passer par ce type d'expérimentation, cela fait partie de la boîte à outils », confirmait Stéphane Cevoz, responsable de Ti Hub de la Région Bretagne, un accélérateur des transitions touristiques, fin juin lors d'un webinaire organisé par MapInfo, média digital breton spécialisé dans les actions à impact.

De même pour désengorger les aires littorales, qui ont le vent en poupe comme Carnac (Morbihan), la côte de granit rose (Côtes d'Armor) ou Saint-Malo (Ille-et-Vilaine), la Région Bretagne ne communique plus en période estivale sur les territoires ultra fréquentés. Tourisme en Bretagne s'emploie à imaginer des modèles de tourisme plus vertueux pour attirer les visiteurs, bretons ou extérieurs, hors des sentiers battus. Y compris vers le Centre Bretagne et les voies navigables, de la forêt de Huelgat dans le Finistère au canal d'Ille-et-Rance.

Structurer les territoires et proposer de nouvelles expériences

Le comité régional du tourisme surfe sur la nouvelle photographie du secteur qui montre un engouement croissant pour les séjours courts, l'excursionnisme et les balades à la journée. Selon son étude Reflet, dévoilée en mai, les activités de pleine nature telles que la randonnée pédestre, le vélo, les séjours en itinérance et la découverte du patrimoine régional (visites culturelles, découverte de villes et de villages) sont en nette progression.

« L'enjeu majeur est de savoir comment gérer des flux sur le littoral » précise Stéphane Cevoz. « Pour parler de tourisme durable, il faut pouvoir déployer une logique de durabilité et attirer les visiteurs vers des territoires équipés pour les recevoir. Cela induit une stratégie de structuration territoriale et d'aménagement. »

La répartition des flux rime donc avec organisation de filières, comme autour des canaux ou des véloroutes, développement d'équipements et proposition d'expériences nouvelles ou insolites. Des sites naturels comme celui du Cap Fréhel ou de la pointe du Grouin, près de Cancale, ont aussi été réaménagés pour préserver l'environnement des effets de la surfréquentation.

« L'idée n'est pas de faire plus de tourisme mais de faire mieux et sans ce que cela soit réservé à une élite. Un système de régulation ne doit pas s'opposer à un libre accès à la nature par tous », ajoute Stéphane Cevoz.

Saint-Malo n'est pas Disney

De nombreuses pistes sont encore à tester ou à concrétiser, dans un contexte de répartition des flux, d'évolution de l'offre (transitions environnementales, digitales, sociétales) et de désaisonnalisation.

La mesure imaginée pour l'île de Bréhat va forcément amener certains visiteurs à changer leurs plans ou leurs destinations de balades. Vers d'autres hauts lieux de Bretagne également pris d'assaut ? Dimanche 16 juillet au matin, une large banderole a été déroulée en haut des remparts de la vieille ville de Saint-Malo (Ille-et-Vilaine) pour dénoncer ce surtourisme. « Stop au surtourisme, Saint-Malo n'est pas Disney Malo » pouvait-on lire au-dessus de la porte Saint-Vincent qui ouvre l'accès à l'Intra, ville close en voie de « Mont-Saint-Michelisation ».

Alors que la mairie de Saint-Malo, confrontée à une forte hausse des prix des logements, a instauré depuis 2021 des quotas stricts pour limiter l'usage des locations saisonnières de type Airbnb, la Cité corsaire fait partie des destinations à fort pics de fréquentation qui, demain, devront peut-être aussi se pencher sur une meilleure régulation des flux de touristes.

Pour cela, il faut des données précisément chiffrées. Un observatoire des sites touristiques majeurs sera mis à disposition au premier semestre 2024, a promis Olivia Grégoire, ministre déléguée aux PME et au tourisme, lors d'une visite en juin à Saint-Malo.

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Commentaires 4
à écrit le 21/07/2023 à 9:53
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Bah, il suffirait d'afficher "parisiens, go home" ou quelque chose comme cela et de doubler les prix pour les touristes, comme on fait déjà en Corse et nombre de destinations du sud de la France, et les choses rentreront rapidement dans l'ordre. Comm...

à écrit le 20/07/2023 à 14:00
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Bonjour, Ben sur croix de vie, st hilaire de riez, le nombre de touristes pose peu de problèmes. , 10 km de plages! Mais limiter le nombre de bicyclettes serait cool , ces malpolis qui se croient au vélodrome, largement au delà de 15 km/h, sans u...

à écrit le 20/07/2023 à 9:34
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Des quotas contre le sur-tourisme ? Ce serait aussi intelligent que d'établir des quotas de provinciaux pour visiter la Tour Eiffel, faire un tour en bateau mouche sur la Seine ou aller prendre l'avion à Roissy-Charles de Gaulle. Et pour les Cités, o...

à écrit le 20/07/2023 à 7:31
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Le problème majeur étant nos élus locaux qui ont tous hérités de la pensée unique des trente glorieuses et de faire rentrer du fric d'abord et avant tout sans se demander si dans les faits cela ne devient pas plus improductif qu'autre chose car non h...

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