A quoi ressemblera l'aviation en 2050 ?

PARIS AIR FORUM- A quoi ressemblera l'aviation en 2050, année pour laquelle le secteur aérien mondial maintient l'ambitieux objectif d'atteindre l'objectif de zéro émission nette de gaz à effets de serre ? La question a animé le débat du Paris Air Forum consacré à ce thème en présence d'Aurélie Jean, Docteure en science numérique et directrice générale de In Silico Veritas, Nicolas Bouzou, économiste et fondateur et directeur général du cabinet Asterès, Maxime Teulon, directeur d'investissement aéronautique chez Tikehau Capital, et Jacques-Alexis Verrecchia, chef de produit chez Beyond Aerospace. Ces experts et entrepreneurs du secteur ont ainsi partagé leurs idées et leur vision de l'avenir de l'aéronautique.
(Crédits : DR)

Techniquement, la piste de l'avion à hydrogène semble toujours la plus solide pour relever le défi de décarboner l'aviation d'ici à 2050 avec un nombre de passagers qui est censé doubler d'ici là.

« Nous voulons rendre possible le premier avion d'affaires à hydrogène avec pour objectif d'entrer sur le marché d'ici la fin de la décennie », affirme Jacques-Alexis Verrecchia, chef de produit chez Beyond Aéro, entreprise française venant de remporter un financement de la Banque publique d'investissement (BPI) pour la production en France d'aéronefs bas carbone.

Après un drone, puis une chaîne propulsive d'une puissance de 80 kilowatts pour un ULM, la société française créée en 2020 dévoilera, lundi 19 juin à l'ouverture du salon du Bourget, un avion à hydrogène destiné aux courts voyages d'affaires.

« Sachant que l'avion à hydrogène n'existe pas encore, nous avons choisi de nous attaquer d'abord au segment affaires, qui accepte mieux les ruptures innovantes mais aussi des coûts de billets plus importants », indique Jacques-Alexis Verrecchia, évoquant une machine de moins de 8,6 tonnes et d'une autonomie de 1.500 km. « Paris-New York en hydrogène ce ne sera pas pour tout de suite, mais il faut bien commencer quelque part », poursuit-il. Pour rappel, Airbus prévoit aussi de lancer un avion à hydrogène pour 2035.

Des marchés européens trop frileux ?


Plus globalement, si aucune solution miracle n'est évoquée, toutes les initiatives récentes en matière de biocarburants, propulsions à hydrogène, allègements des matériaux ou batteries électriques pour les vols courts sont de l'avis général bonnes à prendre pour arriver à l'objectif de 2050. « Il y a de plus en plus de solutions technologiques, on ne compte plus les projets d'avions bas carbone et c'est pour cela que je défends l'avion pour plus tard ! », veut croire Nicolas Bouzou, économiste et directeur général du cabinet Asterès.
« On voit vraiment que l'on va dans la bonne direction et que notre capacité de décarbonation est importante, mais tout ceci demande des investissements ainsi qu'un marché dynamique pour financer sa transition », poursuit-il. Pour l'économiste, les entreprises européennes du secteur ne manquent pas d'argent public, mais il note en Europe l'absence d'un marché financier sur lequel « lorsqu'on arrive à la fin de la R&D et que l'on passe à l'industrialisation, on soit capable de lever beaucoup, beaucoup d'argent ».

« Aux Etats-Unis, il n'est pas rare que des sociétés innovantes arrivent à lever 1 milliard de dollars. Nous manquons d'un marché financier qui s'occupe plus d'innovations que d'amorçage et de capital risque », regrette Nicolas Bouzou.

« Oui, on a les moyens de faire techniquement, mais cela demande encore pas mal d'efforts pour passer des jeunes pousses innovantes aux sociétés bien établies », confirme Maxime Teulon, directeur d'investissement aéronautique chez Tikehau Capital. « Pour le secteur, 2030 c'est demain, 2050 c'est après-demain, et il faut faire émerger les innovations de rupture dès aujourd'hui ! », estime-t-il aussi.

L'avion sans pilote

Au-delà des aspects purement techniques, la prise de pouvoir des intelligences artificielles revient aussi sur toutes les lèvres. « Pour la recherche de matériaux, de meilleures trajectoires de vols, améliorer l'embarquement et les bagages, aider les contrôleurs aériens, diminuer la consommation, assister à la maintenance ou au service client... Toute la chaîne de l'aéronautique

profitera de plus en plus des modèles algorithmiques », assure Aurélie Jean, docteure en sciences, entrepreneure et spécialiste en sciences algorithmiques.
De là à imaginer une population en 2050 prête à entrer dans un avion avec un seul, voire pas de pilote ? « Il faut faire l'analogie avec la voiture autonome », répond Aurélie Jean. « Et on se rend compte que même si on ne mettait que des voitures autonomes sur les autoroutes et que le nombre d'accidents et de morts sur les routes de France était réduit à néant, les êtres humains auraient toujours du mal à les accepter. Pour l'avion c'est la même chose : l'erreur par la machine est toujours plus difficilement acceptée que l'erreur qui vient d'un humain », poursuit-elle.

« Nécessité fait loi »

Plus globalement, l'ensemble des intervenants se rejoignent sur leur optimisme quant à l'avenir de l'aviation. « Nécessité fait loi : quand l'humain est face à une contrainte extrêmement difficile, il arrive à la surmonter. Il y a tout un écosystème qui fait des recherches, avance, essaie d'améliorer l'avenir, et, parfois, ça marche ! », résume Nicolas Bouzou.

Ceci sans se priver un petit clin d'œil à Jean-Marc Jancovici et sa proposition -jugée « clownesque »- de vouloir limiter le nombre de vols à quatre dans une vie. « Les stratégies de décroissance par l'interdiction sont extrêmement nocives et créent des clivages », argue Nicolas Bouzou, déconstruisant cette idée point par point. « Ce n'est pas parce que l'on veut faire peur et que l'on dit les choses méchamment qu'elles sont justes », conclut l'économiste.

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