Aéroports : ce que fait ADP pour se donner des marges manœuvre en Inde et en Asie

Les promesses de l'Inde ne sont pas faciles à saisir. Avant de tirer les fruits de son investissement local dans GMR Airports, le groupe ADP devait d'abord trouver les moyens de débarrasser son partenaire indien de son endettement massif. Ce devrait être chose faite (en partie) avec l'introduction en bourse de GMR Airports en 2024, via une fusion avec une autre entité déjà cotée de la holding GMR.
Léo Barnier
L'aéroport de Delhi, opéré par GMR Airports, vise les 100 millions de passagers à court terme.
L'aéroport de Delhi, opéré par GMR Airports, vise les 100 millions de passagers à court terme. (Crédits : Delhi Airport)

Les groupes ADP (Aéroports de Paris) et GMR Airports Infrastructure (GIL) ont tranché. Après avoir étudié diverses options pour une entrée en Bourse de leur société commune GMR Airports (GAL), les deux partenaires ont opté pour la solution de la fusion plutôt qu'une cotation directe. Non pas entre ADP et GMR - ce qui constituerait un tremblement de terre dans le monde aéroportuaire - mais entre GMR Airports Infrastructure, déjà coté en Bourse, et sa filiale GMR Airports. Une solution qui permet au groupe français de conserver ses prérogatives sur la gouvernance du futur ensemble indien mais aussi ses prétentions sur les dividendes à venir.

Aujourd'hui, le capital de GMR Airports est réparti entre GMR Airports Infrastructure, majoritaire avec 51 %, et ADP qui en détient 49 %, achetés en 2020 pour un montant évalué à 1,2 milliard d'euros. La fusion de la maison-mère et de sa filiale va rebattre quelque peu les cartes et permettre de de supprimer un étage dans une structure assez complexe. GMR Airports Infrastructure étant déjà coté, cela permettra que cette nouvelle entité unique, baptisée « New GIL », le soit également. Cette dernière sera détenue à 33,7 % par GMR Group, la holding familiale du président fondateur Grandhi Mallikarjuna Rao qui était jusque-là actionnaire majoritaire de GMR Airports Infrastructure, et à 32,3 % par le groupe ADP. Le reste du capital, soit 34 %, constituera le flottant.

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Prise de risques limitée

Avec une participation qui passera de 49% aujourd'hui de GMR Airports à 32,3 % demain de New GIL, ADP pourrait apparaître perdant. Mais son directeur général exécutif, Edward Arkwright, assure que le poids du groupe français sera garanti. Outre des actions ordinaires, sa participation sera constituée d'actions préférentielles non-participatives convertibles (OCRPS). Celles-ci seront privées de droits de vote et sorties du capital social, mais elles donneront droit à des dividendes équivalents à ceux des actions ordinaires. Grâce à ce montage, ADP sera le premier bénéficiaire des performances économiques de la New GIL, avec un intérêt économique à hauteur de 45,7 % (dont 19,8 % issus des OCRPS), devant la holding GMR (27 %) et le flottant (27,3 %).

Interrogé sur le risque potentiel créé par cette différence entre une exposition économique forte et des droits de vote inférieurs par La Tribune, Philippe Pascal, directeur général adjoint chargé des finances, de l'administration et de la stratégie, assure qu'il est évité par plusieurs garde-fous. Il cite ainsi le pacte d'actionnaires, négocié lors du rachat de 2020, qui assure à ADP des droits de gouvernance élargis, se rapprochant d'une « co-gouvernance » avec un droit de véto sur les décisions stratégiques. « On peut tout bloquer », assure le directeur financier. Or, ce pacte d'actionnaires jusque-là conclu avec GMR Airports Infrastructure sera reconduit quasiment à l'identique avec la holding GMR.

L'autre moyen de protection, selon Philippe Pascal, vient directement du passage à une société cotée. Selon lui, le passage sous la régulation boursière va permettre de garantir une transparence financière, même si on assure du côté français que tout se passe en pleine confiance avec les Indiens, et va assurer la protection des intérêts des actionnaires minoritaires au premier rang desquels se trouve ADP.

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Plusieurs mois de travail encore à venir

Il reste encore des étapes à franchir avant d'arriver à la mise en place de la nouvelle structure, prévue d'ici au premier semestre 2024. Aujourd'hui, une première étape est passée avec la validation d'un accord-cadre, dont les contours avaient déjà été définis dès 2020 par le pacte d'actionnaires. La trajectoire retenue doit encore être validée par les créanciers et actionnaires de GMR Airports Infrastructure et GMR Airports, mais aussi par les autorités de régulation.

Du côté indien, GMR Airports Infrastructure a déjà « rangé les pots de confiture », comme le dit Edward Arkwright, en se débarrassant de la plupart de ses actifs non-aéroportuaires début 2022 en préparation de cette opération. Il doit néanmoins encore se débarrasser des passifs résiduels afin de renforcer son bilan. Pour ce faire, ADP va souscrire pour environ 331 millions d'euros d'obligations en devises étrangères convertibles (FCCB) émises par GMR Airports Infrastructure dans les prochaines semaines. Cette somme « sera utilisée par GIL pour apurer son bilan par un remboursement de la dette de l'entreprise et le règlement d'une grande partie de son passif », selon le communiqué annonçant la fusion. Elles seront par la suite remboursées à ADP, ou à défaut, converties en action à hauteur de 5 à 8 % du capital.

ADP devra également débourser environ 62 millions d'euros, déjà provisionné, pour régler les clauses de compléments de prix, dont une prime d'émission pour les actionnaires de GMR Airports Infrastructure. Enfin, l'intégration des actifs venus de ce dernier et d'autres éléments inhérents à la fusion pèseront aussi négativement sur le résultat opérationnel courant du groupe français à hauteur de 100 millions d'euros.

Le groupe ADP va donc devoir puiser dans sa trésorerie pour assurer la faisabilité de cette opération. Mais cela semblait nécessaire au vu de la situation actuelle. GMR Airports fait face à un endettement massif avec un pic d'investissement sur les dernières années. Il a ainsi investi 1,2 milliard d'euros pour l'extension de l'aéroport de Delhi, 700 millions pour celles d'Hyderabad et 400 millions pour le nouvel aéroport de Goa. Dans le même temps, il a fait face à une baisse sensible de revenus avec la crise du Covid. Cet endettement se retrouve au niveau des aéroports, de la holding GMR Airports, mais aussi de GMR Airports Infrastructure. La dette consolidée s'approche aujourd'hui des 3 milliards d'euros, alors que les aéroports ne devraient générer qu'entre 700 et 800 millions d'euros de chiffre d'affaires pour l'année financière qui s'achève fin mars.

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La plateforme asiatique d'ADP

En dépit de ce passif, Edward Arkwright assure qu'une fois la fusion réalisée et la cotation établie, le groupe aéroportuaire disposera d'une « plateforme de développement agile », tant en Inde qu'en Asie du Sud-Est.

Le portefeuille du groupe indien apparaît pour l'instant encore limité en nombre d'aéroports, avec quatre plateformes opérationnelles et trois en cours de développement. Mais parmi ces aéroports déjà en service, Dehli (détenu à hauteur de 64 % jusqu'en 2066) représente déjà un potentiel de 70 millions de passagers annuels, avec une extension pour arriver à 100 millions d'ici 2 à 3 ans et un objectif final de 120 millions. Hyderabad est en train de tripler sa capacité pour atteindre 34, voire 40 millions de passagers. D'ici 2027-2028, une nouvelle extension doit être planifiée pour atteindre 80 à 100 millions de passagers.

Les possibilités de croissance externe sont aussi importantes, avec de premières échéances qui pourraient arriver très rapidement. Des réflexions sont actuellement menées par le gouvernement indien pour la privatisation de 25 aéroports supplémentaires, dont 13 pourraient être mis en vente d'ici un an. Même s'il ne s'agit pas de grosses prises, six plateformes régionales avec 3 à 4 millions de passagers par an sont en jeu. New GIL sera aussi le véhicule privilégié pour adresser le marché asiatique comme ce fut le cas l'an dernier pour l'aéroport indonésien de Medan.

Léo Barnier

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Commentaires 3
à écrit le 20/03/2023 à 19:26
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Les patrons d'ADP sont nuls en investissements. Ils ont revendu leur participation dans les aéroports de Pékin à la veille de l'ouverture de l'aéroport géant de Daxin qui avec la levée des mesures anti-covid va accueillir des millions de passagers et...

le 21/03/2023 à 6:46
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Bonjour, Ils semblerait que les dernières investissements de ADP n'est pas etait toujours judicieux.... Esperons que cette histoire en inde ne soit pas porteur de nouvelle catastrophe..

le 21/03/2023 à 13:37
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et aussi se désengager de vatry pour aller tripoter des magouilles fiscale avec l'aeroport de liege en belgique et transiter par la route le fret de paris quand nos elites prefere la magouille a la france

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