Bond des redevances de navigation aérienne : les compagnies arrachent quelques concessions à la DGAC

Il n'y pas de petit profit pour les compagnies aériennes, surtout en ce moment. C'est donc une belle victoire obtenue par le Scara qui, entraînant les autres associations à sa suite, a su convaincre la DGAC d'abaisser de quelques pourcents la hausse des redevances de navigation aérienne pour l'an prochain. La compétitivité française face à l'Allemagne et le Royaume-Uni devrait tout de même en prendre un coup.
Léo Barnier
La DGAC a accepté de limiter la hausse de ses redevances de navigation aérienne à 20 % en 2022.

La crise n'aura épargné personne. Avec l'effondrement du trafic, les revenus des compagnies aériennes et des aéroports se sont écroulés. Ceux de la Direction générale de l'aviation civile (DGAC) aussi. A l'heure où le transport aérien tente de se projeter vers la reprise - dont l'incertitude est illustrée à merveille par les événements de ces derniers jours - chacun tente de reconstituer ses capacités financières tant bien que mal. Ce qui n'est pas sans susciter des tensions : les aéroports et la DGAC augmentant taxes et redevances, là où les compagnies aériennes qui les payent demandent de la modération pour ne pas tuer la reprise dans l'œuf. Des compromis parviennent tout de même à être trouvés. C'est le cas avec la DGAC qui a accepté de modérer la hausse de ses redevances de navigation aérienne sous la pression des compagnies. L'augmentation reste tout de même très conséquente en comparaison de ses voisins européens.

Le Syndicat des compagnies aériennes autonomes (Scara) savoure sa victoire : deux semaines après avoir dénoncé l'imposante hausse des redevances de navigation aérienne proposées par la DGAC, il a réussi à convaincre l'administration publique de revoir ses prétentions à la baisse concernant les hausses de redevances l'an prochain. Alors qu'elle proposait une hausse globale de 26 % des taux unitaires, elle a accepté de revenir à « seulement » 20 %. Cela devrait représenter une économie d'une centaine de millions d'euros l'an prochain pour les compagnies aériennes opérant en France ou la survolant.

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La "Cocoéco" a parlé

Ce revirement s'est opéré la réunion des différents acteurs du secteur en commission consultative économique (Cocoéco) pour discuter du futur budget annexe « contrôle et exploitation aériens » (Bacea) qui oriente les activités de la DGAC. Il doit désormais être confirmé lors du vote du budget 2022 par le Parlement.

A en croire Jean-François Dominiak, président du Scara, son syndicat a réussi à rallier les autres associations représentant les compagnies aériennes à sa cause - Iata, Fnam, BAR France... - avant de convaincre les représentants de la DGAC. Il a notamment obtenu de baser les calculs sur une hypothèse de trafic quelque peu plus optimiste que celle prévue originellement, jugée extrêmement pessimiste. Si les prévisions s'avèrent réalistes, cela devrait permettre à la DGAC d'encaisser environ 1,25 milliard d'euros de redevances l'an prochain.

Dans le détail, la redevance de route va augmenter de 24 %, contre 30,6 % proposé initialement. Principale source de revenus de la DGAC, représentant près des deux tiers de ses recettes d'exploitation, elle devrait rapporter près d'un milliard d'euros. Le solde sera apporté par les redevances pour services terminaux de circulation aérienne (RSTCA), dont la hausse a été ramenée de 15,2 % à une douzaine de pourcents.

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Une compétitivité en berne

Si Jean-François Dominiak se félicite de cette avancée, il prévient tout de même que la France va perdre fortement en compétitivité avec cette hausse, notamment face au Royaume-Uni - qui est avec la France, la principale porte d'entrée pour le survol de l'Europe - et l'Allemagne. Avec 24 % de hausse, le tarif de redevance de route par unité de services (UDS) français va passer de 58,87 à 73,02 euros. Il va ainsi dépasser le taux unitaire britannique qui passera de 62,27 à 68,03 euros (+9 %) comme le taux allemand, qui va même descendre de 7 % à 62,35 euros.

La France était pourtant bien placée en la matière, grâce à une politique de diminution puis de stabilisation du taux unitaire de cette redevance menée depuis plusieurs années. Selon le rapport du sénateur Vincent Capo-Canellas (Union centriste) pour le projet de loi de finances pour 2021 (PLF 2021), la DGAC avait réussi à faire passer le tarif par UDS de 70 euros en 2015 à moins de 69 euros cette année. Six ans d'efforts budgétaires qui s'envoleront en fumée l'an prochain.

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La DGAC au bord de la banqueroute

Il faut préciser que la DGAC n'a pas trop le choix si elle veut renflouer quelque peu ses caisses. Bien qu'étant une administration publique, elle dispose de l'un des derniers budgets annexes de l'Etat : le Bacea. Dissocié du budget général de l'Etat, il se doit d'être autonome et est donc financé par les redevances perçues sur l'activité aérienne. Avec l'effondrement du trafic en 2020, la DGAC a perdu 63 % de ses recettes d'exploitation par rapport à 2019. Elles sont ainsi passées de 2,2 milliards à 821 millions d'euros, mettant ainsi fin à sept années consécutives de croissance.

Pour compenser, l'administration a dû s'endetter fortement, comme le rappelle Vincent Capo-Canellas dans son rapport pour le PLF 2022. De 667 millions d'euros en 2019, le niveau de créances est passé à 1,8 milliard en 2020, et à 2,8 milliards cette année. Il devrait atteindre 3,3 milliards d'euros l'an prochain et continuer de croître jusqu'en 2024. L'endettement de la DGAC n'avait jamais dépassé 1,3 milliard d'euros jusque-là, en 2014, conséquence des crises financières répétées de 2008 et 2011. Et il lui avait fallu dix ans pour retrouver son niveau de 2008.

La situation budgétaire de la DGAC est donc quasiment intenable, sauf à faire exploser le tarif des redevances et risquer de tuer la reprise du trafic en France. L'autre solution pourrait être une intégration au budget général, ou au moins la reprise d'une partie de la dette, mais cela ne semble pas d'actualité pour le moment.

Léo Barnier

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Commentaires 3
à écrit le 02/12/2021 à 16:04
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Redevances abusives d'A.D.P sur les boutiques ( 1ère recette ) et sur l'aéroportuaire. Belgique,bien Moins cher et facile d'accès.

à écrit le 02/12/2021 à 8:53
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Hémorragie chez Cathay Pacific ! La compagnie aérienne hongkongaise connaît ces dernières semaines une vague de démissions de pilotes sans précédent. Les pilotes sont lassés par les mesures de quarantaine draconiennes en vigueur dans le territoire. H...

à écrit le 02/12/2021 à 7:57
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La taxation sans protectionnisme n'est que de la destruction et ça fait longtemps maintenant que notre classe dirigeante s'en prend à notre pays.

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