Comment faire pour qu'une compagnie aérienne européenne soit rentable de manière pérenne ? Qu'elle puisse non seulement croiser le fer avec des concurrents toujours plus nombreux et toujours plus solides, et encaisser, sans se mettre en danger, des chocs externes aussi violents que des actes terroristes, des crises sanitaires ou une nouvelle flambée du prix du pétrole ? Qu'elle puisse résister aux déséquilibres de compétitivité qu'entrainent les différences salariales et fiscales entre les pays, ainsi que les aides publiques de certains Etats? Autrement dit comment faire pour que les compagnies européennes ne soient pas mortelles?
La question vaut certes pour tous les secteurs d'activité, mais elle prend une acuité particulière dans le transport aérien, l'un des secteurs les plus concurrentiels de la planète qui, pris dans sa globalité, a toujours détruit de la valeur à l'exception de 2015. Et notamment en Europe, où les compagnies sont en pleine restructuration, en France en particulier, où elles sont très fragiles.
Profits
Certes, aujourd'hui, avec la chute du prix du baril, les compagnies qui avaient dû se dimensionner pour vivre avec un baril à plus de 100 dollars, affichent des rentabilités record. Mais cette accalmie ne fait que repousser la problématique. Etre rentable de manière pérenne pose la question de la compétitivité des compagnies aériennes et par conséquent celle du rôle des différentes parties prenantes (Etats, aéroports, navigation aériennes) pour baisser les charges du secteur mais aussi négocier les conditions de concurrence dites équitables avec certains pays tiers. Mais, elle pose aussi inévitablement la question de compétitivité intrinsèque des compagnies qui ont la main sur un grand nombre de leviers comme l'innovation, la flotte, les coûts du personnel...
Baisse des coûts
Avec la tendance à la baisse structurelle des prix des billets, une baisse des coûts significative est indispensable. Toutes les compagnies les plus rentables disposent d'une structure de coûts légère et d'une productivité du personnel élevée que permettent leurs accords d'entreprise. Soit parce qu'elles les ont remis à plat, soit, dans le cas des low-cost, leur jeunesse leur a permis de partir d'une feuille blanche et d'éviter d'appliquer des règles d'un autre âge inadaptées au monde d'aujourd'hui.
Chapitre XI
Repartir à zéro est quasi impossible pour une compagnie historique. Aux Etats-Unis, c'est l'efficacité du chapitre XI sur la loi américaine sur les faillites qui l'a rendu possible. Quasiment toutes les compagnies s'y sont placées entre 2002 et 2013. Elles sont aujourd'hui les plus rentables du monde et les salariés sont régulièrement augmentés. En Europe, un régime aussi favorable pour redécoller n'existe pas.
Surtout, le retour aux bénéfices des compagnies rend de facto impossible tout placement en redressement judiciaire. Aussi, est-il extrêmement difficile d'obtenir en Europe les mêmes restructurations, sauf à gagner son bras de fer social avec les syndicats. Pour l'heure, IAG y est parvenu avec ses filiales Iberia et British Airways. Lufthansa aussi avec Swiss et Austrian. Mais Air France-KLM s'y est cassé les dents avec Air France.
Austrian, Iberia, quand les restructurations d'hier permettent la croissance d'aujourd'hui
Repartir d'une feuille blanche
De nouveaux montages sont en train d'éclore au sein de certaines compagnies classiques européennes avec la création d'une filiale présentée comme low-cost partant d'une feuille sur le plan social. C'est ce que fait Lufthansa avec Eurowings, mais aussi le groupe Dubreuil avec French Blue, sa nouvelle compagnie à côté d'Air Caraïbes. Reste à voir si elles resteront des cas isolés ou si elles feront des émules, notamment chez les compagnies où toute réforme interne semble impossible.
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