
Il est largement admis que la France possède les tarifs de péages ferroviaires parmi les plus élevés des grands pays européens, si ce n'est les plus élevés. Un poids qui pèse forcément sur le prix des billets, et qui fait donc grincer des dents après un été où les critiques à l'égard de la cherté du train se sont multipliées. D'où la volonté gouvernementale, désormais officielle, de s'attaquer à cette question, avec le lancement d'une enquête conjointe par les équipes de Bercy et du ministère des Transports pour étudier les possibilités de réduction des tarifs. L'équation est pourtant loin d'être simple au moment où l'Etat cherche des moyens pour financer son plan de 100 milliards d'euros supplémentaires pour régénérer et moderniser un réseau ferré qui en a urgemment besoin.
Si on fait parfois mine de minimiser l'écart avec nos voisins européens du côté du ministère des Transports, on reconnaît tout de même « un écart très élevé » par rapport à l'Allemagne par exemple. Dans un rapport déposé en mai dernier, les députés Emmanuel Maquet (groupe Les Républicains) et David Valence (apparenté au groupe Renaissance) estimaient que « le niveau des péages français représente 40 % du prix d'un billet, contre 30 % du prix du billet en Allemagne et 15 % en Suède ». Sans compter que les tarifs devraient augmenter de 8 % sur la période 2024-2026 pour couvrir les effets de l'inflation.
Rendre le ferroviaire plus attractif
De quoi attirer depuis quelques temps déjà l'œil du gouvernement, qui s'est finalement décidé à agir non sans quelques négociations interministérielles. Cette semaine, Bruno Le Maire, ministre de l'Economie et des Finances, et Clément Beaune, ministre délégué chargé des Transports ont validé chacun leur tour le lancement d'une mission d'évaluation technique, politique et économique sur la tarification des péages ferroviaires. Elle sera conduite par l'inspection générale des finances (IGF) et l'inspection générale de l'environnement et du développement durable (IGEDD).
Les deux services devront établir une étude de marché actualisée par rapport aux autres pays comparables en Europe, mais aussi évaluer la possibilité de mettre en place un système de péage plus élaboré et possiblement plus incitatif. Leurs conclusions sont attendues fin décembre. Contactée, la SNCF n'a pas souhaité faire de commentaires sur ce travail ministériel.
En baissant les péages, l'objectif est clair : pouvoir mettre plus de trains en circulation, renforcer l'offre ferroviaire et faire baisser les prix. Cela pourrait notamment dynamiser la venue d'acteurs étrangers sur les lignes à grande vitesse, encore très limitée aujourd'hui. En effet, seules Trenitalia et Renfe sont venues se positionnées face aux TGV de la SNCF, et encore seulement sur les lignes les plus rentables. « Il est possible d'avoir un effet d'offre si on baisse les péages », affirme-t-on ainsi du côté de l'Hôtel de Roquelaure.
La difficile équation
Mais, avant de se lancer dans une telle réforme, le gouvernement - et plus particulièrement Bercy - veut s'assurer que la diminution des tarifs unitaires sera bel et bien compensée par une hausse des volumes et donc un maintien des recettes. « Nous n'allons pas enlever une recette SNCF réseau par le péage sans vérifier qu'il y a une compensation au moins équivalente qui rentrera dans le système. Il ne faut pas sacrifier le volume d'argent issu des péages », affirme-t-on du côté des Transports.
Les calculs devront être précis car la marge de manœuvre est faible. Ces péages sont les principales ressources de SNCF Réseau, filiale du groupe SNCF chargée de mettre en œuvre, entretenir et moderniser les infrastructures ferroviaires. Selon un rapport publié l'an dernier par les sénateurs Hervé Maurey (Union centriste) et Stéphane Sautarel (Les Républicains), ces « redevances d'infrastructures » représentaient 86 % de son chiffre d'affaires en 2021. Ce qui entraîne une fragilité dans le financement de SNCF Réseau selon eux. Une fragilité d'autant plus forte que, selon eux, le contrat de performances de SNCF Réseau 2021-2030 fait porter le financement de la régénération et la modernisation du réseau sur les seuls péages.
Depuis, le gouvernement a lancé son fameux plan à 100 milliards d'euros pour renforcer la régénération et la modernisation du réseau, qui doit être financé par lui-même, mais aussi la SNCF et les Régions. Cette mission sur les péages est également destinée à rassurer ces dernières, fortement demandeuses sur la question au vu de ce qu'elles payent pour leurs TER, et qu'il vaut mieux brosser dans le sens du poil au moment de leur demander de mettre la main à la poche à travers des contrats de plan État-Région (CPER). D'où l'importance d'un lancement avant le Congrès des régions de France qui se tiendra à la fin du mois.
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