La gratuité des transports, miracle ou mirage ?

Montpellier sera la plus grande agglomération d’Europe à offrir les trajets de bus et de tramway aux habitants. Un pari politique et financier.
La ligne 1 du tramway de Montpellier.
La ligne 1 du tramway de Montpellier. (Crédits : © Henri Comte/Epicureans)

Cette année, le père Noël passe un peu plus tôt à Montpellier. Le 21 décembre, à 19 heures, l'agglomération prévoit un immense cadeau pour ses habitants : les transports publics deviennent gratuits. Une promesse de campagne du maire socialiste Michaël Delafosse, qui ajoutera ainsi le nom de sa ville à la quarantaine de collectivités françaises accordant déjà un accès libre aux bus et tramways. La cité languedocienne - un demi-million d'âmes avec sa banlieue - deviendra donc la plus grande ville d'Europe à offrir ce service public, devant Tallinn, la capitale de l'Estonie.

Une bénédiction pour les voyageurs ? Un pari politique et financier colossal, surtout. Jusqu'à une période récente, la gratuité semblait un petit plaisir réservé aux villes moyennes, où le réseau est géographiquement limité. Se passer des ventes de tickets et de cartes d'abonnement y est supportable : ces recettes couvrent environ 11 % de la facture des transports dans les communes de moins de 100 000 habitants, selon un rapport du Sénat de 2019. Leur disparition peut être absorbée en piochant dans d'autres budgets ou en augmentant la taxe spécifique sur les entreprises, jusqu'à un plafond.

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Un impact limité sur la circulation automobile

Depuis que Colomiers (Haute-Garonne) a entamé dès 1971 le bal de la gratuité en France, l'idée a donc séduit des maires désireux de simplifier la vie de leurs administrés et de leurs agents municipaux. Dans la période récente, elle s'est transformée en promesse de campagne sociale et écologique, cette fois-ci dans des agglomérations peuplées. À Dunkerque, Patrice Vergriete (ex-PS) remporte la mairie en 2014 en brandissant l'étendard de la gratuité, avec une mise en œuvre en 2018. Devenu ministre délégué au Logement l'été dernier, il savoure depuis son bureau parisien ce qu'il vit encore comme un état de grâce, sondages à l'appui. « Nous avons augmenté la fréquentation de 125 % en cinq ans, un record du monde ! C'est la mesure la plus connue et la plus appréciée de toute l'histoire de la ville. » Pour la financer, il a jeté au panier le projet d'Arena de son prédécesseur. Un geste populaire et « vert » qui dissuaderait de prendre sa voiture ? Pas si simple... Certes, les études ont montré une hausse de la fréquentation des transports en commun dans les agglomérations concernées, mais aussi un impact limité sur la circulation automobile. La faute aux habitudes, à l'éloignement du lieu de travail ou à l'inexistence d'une desserte... « Le report modal de la voiture vers les transports publics n'est que de 1 à 2 % ; en revanche, il est de 2 à 4 % des piétons et de 5 à 7 % des cyclistes », souligne l'urbaniste Frédéric Héran, cité dans le rapport du Sénat.

Pour les grandes métropoles, ce rêve semble toutefois inaccessible. Surtout lorsqu'elles font circuler des métros, plus coûteux que des bus. Un argument massue fourni par les élus écologistes eux-mêmes. Bruno Bernard, président de la métropole du Grand Lyon, a publié sur X un petit argumentaire avec des graphiques : « Un bus à haut niveau de service coûte environ 150 millions, un tramway 300 millions, un métro plus d'un milliard d'euros. Dans une situation comme la nôtre, l'impact de la gratuité reviendrait inévitablement à la baisse des investissements dans les nouveaux projets de transports en commun. » Or la majorité de gauche a promis troislignes de tramway, deux nouvelles stations de métro, des dizaines de rames neuves et des bus bas carbone... Impossible de se priver de 1,5 milliard d'euros sur le mandat.

Les grandes villes préfèrent donc offrir la gratuité à des moments particuliers, notamment les week-ends ou durant les pics de pollution, ou alors à des publics ciblés. Une option à laquelle s'est rangée Anne Hidalgo à Paris, en faveur des enfants de moins de 11 ans. « La gratuité, ce doit être un choix local, pas une politique nationale, argumente Clément Beaune, ministre délégué chargé des Transports. Elle peut marcher dans certaines métropoles pour doper le transport public. Ailleurs, cela a beaucoup moins de sens, par exemple en Île-de-France, vu la fréquentation touristique. Dans tous les cas, elle ne peut pas être un outil isolé : il faut renforcer l'offre de transport. » Le bus le moins cher est malheureusement celui qui n'existe pas...

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Commentaires 9
à écrit le 11/12/2023 à 10:08
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C’est simplement un transfert du financement du réseau de transports publics de l’utilisateur au contribuable….. Pourquoi pas, mais alors il faut que tout le monde paye sa quote part d’impôts directs et non plus les 45 % les plus riches de ce pays !!

le 11/12/2023 à 11:46
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Tous les Français paient la CSG et la TVA... quant à l'IR, je serais assez favorable à l'idée de toute mettre sur la table car on verrait alors ce que les assujettis à l'IR sont généralement les bénéficiaires des dépenses publiques les moins justifié...

à écrit le 11/12/2023 à 9:41
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Indispensable en cette dictature néolibérale qui anéanti les services publics en même temps qu'il anéanti le pouvoir d'achat, à un moment la classe productrice ne peut plus produire.

à écrit le 11/12/2023 à 0:48
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Talinn est aux dernières nouvelles la plus grande ville d'Europe à disposer de la gratuité des transports, il faut se renseigner... Mais félicitations à Montpellier 👏

à écrit le 10/12/2023 à 9:32
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L'UE détruit les services publics et le travail en europe via ses paradis fiscaux et ses esclaves salariés de l'est de l'europe, ceux qui produisent, ceux qui construisent vont y gagner et la France dans son ensemble c'est juste que notre oligarchie ...

à écrit le 10/12/2023 à 9:09
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La gratuité des transports est une monstrueuse idiotie démagogique. On peut offrir des tarifs accessibles aux plus démunis mais ne pas faire payer ceux qui on les moyens est imbécile ! comment les opérateurs entretiendront ils leurs équipements alor...

à écrit le 10/12/2023 à 8:00
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on est curieux de savoir si les employes de la regie travailleront gratuitement, et que edf fournira le courant gratuitement pour des rames alstom fournies gratuitement car construites par des ouvriers benevoles.....je pense qu'on peut financer tout ...

le 11/12/2023 à 11:51
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Vous proposez de taxer des métiers peinant déjà à recruter? Il n'y a bien qu'un retraité de droite proposer une telle idée...

à écrit le 10/12/2023 à 7:42
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Les socialistes sont une catastrophe partout où ils passent, celui là ne fait pas exception

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