La République du Congo vole au secours de Corsair

Et si Corsair arrivait enfin à boucler sa recapitalisation grâce à la République du Congo. Fort du soutien d'une partie de ses actionnaires depuis plusieurs mois déjà, la compagnie a peut-être trouvé le dernier maillon pour assurer une levée de 30 millions d'euros indispensable à sa survie. Mais encore faut-il que Paris appuie ce mouvement en reprenant une partie de la dette de la compagnie sans provoquer l'ire de Bruxelles.
Léo Barnier
Corsair pourrait voir la République du Congo débarquer à son capital.
Corsair pourrait voir la République du Congo débarquer à son capital. (Crédits : Charles Platiau)

Voilà désormais un an que Corsair cherche à boucler un nouveau tour de table pour se recapitaliser. Apparemment proche d'aboutir à plusieurs reprises au cours de l'année qui s'achève, cette opération n'est toujours pas bouclée. Or, comme l'a dévoilé Le Monde, la compagnie française est sur le point de lever 30 millions d'euros auprès de plusieurs parties, dont un particulièrement inattendu, à savoir la République du Congo. Corsair l'a confirmé aujourd'hui.

Selon ses termes, la compagnie « confirme avoir reçu une lettre d'offre ferme pour un apport de fonds propres de 30 millions d'euros ». Une somme qui correspond à celle espérée depuis plusieurs mois, comme l'indiquait une source interne à La Tribune en octobre. C'était d'ailleurs déjà le montant qui était proche d'être bouclé en début d'année avant que ne s'ouvre la parenthèse du mariage raté avec Air France. De quoi « répondre aux besoins de financement de la compagnie et d'assurer son développement », qui poursuit sa restructuration opérationnelle depuis la précédente recapitalisation de fin 2020.

Une somme d'autant plus indispensable que Corsair n'est toujours pas revenue à l'équilibre et encore moins aux bénéfices à l'issue de son exercice 2022-2023, achevé au 30 septembre. En dépit d'un chiffre d'affaires record de 643 millions d'euros, ses pertes pourraient encore dépasser la dizaine de millions d'euros, ce qui alarme certains observateurs après une année 2023 qui a conjugué forte demande et prix élevés.

Lire aussiLe plan B de Corsair après son mariage raté avec Air France-KLM cet été

OMRP, la Guadeloupe et le Congo

Corsair indique que cette somme proviendra « de la part de certains de ses actionnaires existants, du département de la Guadeloupe et de la République du Congo ». Pour les premiers, là encore, aucune surprise. Pascal de Izaguirre, PDG de la compagnie, se félicitait fin septembre « que (ses) actionnaires actuels soient toujours présents. Ce sont des convertis, des convaincus, qui y croient. La plupart d'entre eux va à nouveau participer à ce deuxième tour de table ». De « la plupart », la formulation est tout de même passée « à certains », ce qui suppose des changements d'équilibre au sein du consortium d'investisseurs antillais Outre-Mer R-Plane (OMRP) qui détient la compagnie depuis 2020.

Les collectivités territoriales antillaises confirment aussi leur engagement, cette fois-ci à travers le département de la Guadeloupe. En 2020, c'était la région qui s'était mobilisée avec l'injection de 3 millions d'euros dans le consortium OMRP, tout comme la Collectivité territoriale de Martinique. Une démarche cohérente avec la volonté locale de conserver un niveau d'offre et de concurrence important face au groupe Air France, et éviter un possible envol des prix.

Le gros point d'étonnement vient donc de la République du Congo. Si Corsair confirme bien la nouvelle, elle ne donne pas de détails quant à la participation ou les motivations de Brazzaville dans cette histoire. Selon les informations du Monde« la République du Congo pourrait ainsi débourser 15 millions d'euros pour détenir la moitié du capital ». Ce qui n'a pas été confirmé, ni démenti par Corsair selon nos confrères. Dans le détail, un investisseur étranger ne peut pas prendre plus de 49 % du capital d'une compagnie aérienne européenne.

Un renforcement vers l'Afrique, où Air France domine le marché avec l'Europe sans réelle concurrence, est donc probable. D'autant que cela entre dans la stratégie déployée par Pascal de Izaguirre depuis quelque temps déjà avec l'ouverture de plusieurs lignes.

Lire aussiOutre-mer : un rapport sénatorial pointe une discontinuité territoriale exacerbée (Air France, Corsair, Air Caraïbes, Air Austral, Frenchbee)

La question de la dette reste capitale

Corsair indique ainsi que « l'offre demeure conditionnée à son acceptation par l'Etat français (notamment en tant que principal créancier de la compagnie) ». Mais au-delà de cet argent frais indispensable pour Corsair, qui va également pouvoir compter sur son pic de ventes pour renflouer sa trésorerie, la compagnie doit également soigner le bas du bilan et donc sa dette. Le montant total de celle-ci n'a pas été communiqué, mais il pourrait se situer autour de 140 millions glissait-on en interne il y a encore peu. Cette opération de recapitalisation pourrait donc se doubler d'un abandon de créances de la part de l'Etat.

Reste à savoir l'effort qui pourrait être consenti par l'Etat, d'où des négociations avec le Comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI). Cela avait déjà été au centre des discussions lors de la tentative de mariage avec Air France, cette dernière tiltant notamment sur le niveau de dettes de Corsair. Si des connaisseurs du secteur jugeaient en octobre que Bercy pourrait se montrer peu volontaire après les efforts consentis en 2020, avec des prêts à hauteur de 80 millions d'euros et plus de 25 millions d'euros de reports de charge, Pascal de Izaguirre affirmait alors que cela avançait très bien.

Lire aussiPour Pascal de Izaguirre (Fnam-Corsair), dans dix ans, « le transport aérien français sera plus cher »

Le spectre de la distorsion de concurrence

L'autre inconnue est la réaction de la Commission européenne qui doit donner son approbation « au titre des règles de l'Union européenne relatives aux aides d'Etat ». Selon Corsair « les discussions avec l'Etat français et la Commission européenne se poursuivent en vue d'un accord dans les meilleurs délais ».

Ce qui ne plaira sans doute pas à la concurrence. Lors d'une rencontre avec l'Association des journalistes professionnels de l'aéronautique et de l'espace (AJPAE), mardi, Christine Ourmières-Widener, PDG d'Air Caraïbes et de French Bee, concurrentes de Corsair, a assuré « souhaiter beaucoup de choses positives à Corsair », mais a aussi prévenu qu'elle « étudiera si le dispositif qui a été mis en place ne crée pas de distorsion de la concurrence », notamment si cela passe par la forme d'une aide d'Etat alors qu'une opération similaire a déjà eu lieu en 2020.

Léo Barnier

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 21/12/2023 à 15:40
Signaler
Quelle drôle d'idée... Le business model de cette compagnie ne semblant pas être orienté Afrique qu'est ce qu'ils ont à gagner ? Hormis obliger Corsair à desservir Brazza et Pointe Noire...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.