La suppression des lignes domestiques sera anecdotique

La quasi-totalité des mesures proposées par la convention citoyenne pour le climat (CCC) pour réduire les émissions de CO2 de l'aviation vont passer à la trappe dans la loi climat. Celle-ci entend supprimer les lignes domestiques sur des axes où existe une alternative ferroviaire en moins de 2h30, hors hub pour ne pas affaiblir les vols d'alimentation vers le hub d'Air France à Roissy. Cette protection des vols en correspondance devrait également concerner les lignes vers l'aéroport d'Orly d'où partent la quasi-totalité des vols vers l'outre-mer. Mais, la fréquence des vols devrait être limitée, car elle devrait être calée sur les horaires de départs et d'arrivées des vols long-courriers.
Fabrice Gliszczynski

La réunion ce lundi entre Emmanuel Macron et les membres de la Convention citoyenne pour le climat (CCC) s'annonce tendue. Prévue à 17 heures, elle confirmera le fossé qui existe entre les positions du chef de l'État, tenté de temporiser sur certaines mesures face à la brutalité de la crise, et celles, parfois radicales, de cette convention à propos des 149 mesures que cette dernière a proposées pour "réduire d'au moins 40% les émissions de gaz à effet de serre de la France dans un esprit de justice sociale". Alors qu'un projet de loi climat censé traduire une bonne partie de ces propositions sera présenté d'ici à fin janvier, Emmanuel Macron a, la semaine dernière, relativisé la légitimité de cette convention qu'il avait lui-même créé après la crise des "gilets jaunes".

"Je ne veux pas dire que, parce que les 150 citoyens ont écrit un truc, c'est la Bible ou le Coran", a-t-il dit dans une interview accordée à Brut.

Cette déclaration, qui fait suite à la comparaison du moratoire proposé par la CCC sur le déploiement de la 5G à un "retour à la lampe à huile", a renforcé les soupçons de la Convention et de ses partisans d'un détricotage de leurs propositions.

L'aviation traduit ce décalage, puisque les propositions de la convention pour réduire l'impact environnemental de ce secteur (dont les vols intérieurs, Outre-Mer inclus, représentent 3,5% des émissions de CO2 du secteur des transports en France), passent à la trappe et seront quasiment toutes absentes du projet de loi prévu fin janvier. Pour les partisans du transport aérien, c'est tout sauf une surprise. Les propositions de la Convention avaient pour conséquence de tuer un secteur stratégique frappé de plein fouet par la crise, en jouant davantage la carte de la décroissance plutôt que celle de l'innovation pour tenter de la décarbonner. L'impact de ces mesures sur l'emploi et l'économie de la France était considérable, sans pour autant qu'elles génèrent un gain significatif en termes de baisse des émissions.

Lire aussi : Exclusif : ce que dit vraiment l'étude d'impact sur les propositions de la convention citoyenne pour l'aviation

La règle des 2h30

Absente du projet de loi des finances (PLF), toute hausse de l'écotaxe est repoussée à un retour à la normale du transport aérien. Autrement dit, pas avant 2024, selon le consensus de la plupart des acteurs du secteur. Un sujet repoussé à la prochaine présidence. Pour rappel, la convention citoyenne proposait une hausse de près de 4 milliards d'euros de cette écotaxe. Même chose pour la mesure phare de la convention citoyenne de supprimer tous les vols intérieurs d'ici à 2025, dès lors qu'une alternative ferroviaire existe en moins de quatre heures. Une telle mesure revenait à fermer la quasi-totalité des vols intérieurs français. Dès le 14 juillet, Emmanuel Macron avait jugé la mesure inapplicable par rapport au risque de ré-enclavement pour certains territoires, et évoquait plutôt un seuil à 2h30. Il confirmait ainsi les propositions de différents membres du gouvernement, lesquels, depuis l'annonce des aides d'État à Air France au printemps, avaient fixé plusieurs contreparties environnementales, dont la suppression des lignes domestiques en cas d'alternative ferroviaire en moins de 2h30. Hors vols vers les "hubs" pour éviter que les passagers long-courriers ne passent par d'autres hubs étrangers et pénalisent ainsi Air France, sans aucun gain sur l'environnement.

Cette règle va donc être reprise dans le projet de loi climat. Elle concernera un nombre de lignes extrêmement limité, y compris au départ d'Orly, censé être l'aéroport le plus concerné par d'éventuelles suppressions de lignes.

"Cela devrait être anecdotique", confie un connaisseur du dossier.

Protéger les hubs

Excluant les vols en correspondance, cette règle des 2h30 a été en effet interprétée comme une règle concernant essentiellement Orly, aéroport spécialisé sur les vols dits de "point-à-point", contrairement à Roissy Charles-de-Gaulle, principal aéroport de transit français et plateforme de correspondances d'Air France. Ainsi, selon cette interprétation, les vols reliant Orly à Lyon, Nantes et Bordeaux, toutes concurrencées par un train effectuant le trajet en moins de 2h30, devraient être supprimés comme l'ont été il y a des décennies les vols vers Lille, puis, plus récemment vers Strasbourg, non en raison d'une injonction administrative, mais en réponse à un marché qui avait fait le choix d'un autre mode de transport. Air France, qui perdait beaucoup d'argent sur ces lignes, les a fermées au moment de l'arrêt quasi-complet des vols en avril, et ne les a pas rouvertes depuis (la compagnie avait déjà prévu d'arrêter Nantes avec la crise du Covid-19).

Pour autant, selon nos informations, le projet de loi climat ne devrait pas être rédigé de manière à interdire les lignes entre Orly et toutes les villes reliées à Paris en moins de 2h30 en train. Car, si Orly est effectivement un aéroport essentiellement de point à point, il n'en possède pas moins un trafic de correspondance important vers les départements d'outre-Mer et, dans un degré moindre, entre les villes françaises. En effet, la quasi-totalité des vols vers les DOM d'Air France, d'Air Caraïbes, de Corsair et de French Bee décollent d'Orly.

Aussi, même sur la plupart des lignes concernées par la règle des 2h30, le maintien d'un certain nombre de vols permettant d'alimenter les vols long-courriers vers les Antilles, la Réunion, Mayotte ou la Guyane seront maintenues, à condition qu'ils justifient plus de 50% de passagers en correspondance. Ce qui correspond à la notion de "discernement" dans l'application de cette règle, évoquée par Jean-Baptiste Djebbari, le ministre délégué aux Transports. "Cette règle des 2h30 doit être appliquée avec discernement. Cela dépend des correspondances. Il faut préserver les hubs nationaux et internationaux", a-t-il déclaré vendredi dans les colonnes de l'Opinion.

De quoi maintenir quelques vols quotidiens sur ces fameuses lignes concurrencées par un train effectuant le trajet en moins de 2h30, calées sur les horaires de départ et d'arrivées des vols long-courriers. En pratique, une mesure s'apparenterait à une vraie usine à gaz. Comment, et qui va vérifier que les vols sont bien remplis d'une majorité de passagers en correspondance ?

Reste à savoir ce que feront les compagnies aériennes. Air France vient de signer un partenariat avec la SNCF pour acheminer ses passagers en provenance de Bordeaux à Orly, via la gare de Massy en banlieue parisienne. Malgré cette offre pour les passagers en correspondance, l'arrêt de la navette Orly Bordeaux est problématique pour un grand nombre d'entreprises du secteur aérospatial disposant d'une activité à proximité de l'aéroport de Bordeaux. Avant crise, 500.000 clients environ utilisaient cette navette.

Fabrice Gliszczynski

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 13
à écrit le 15/12/2020 à 11:02
Signaler
Pour le climat, nous continuons à ne rien faire. Les pays nordiques ont vingt ans d'avance sur nous sur l'amélioration énergétique de l'habitat. Et nous on ne se lance pas ... peux-être pour protéger le chiffre d'affaire d'EDF. La suppression d...

le 15/12/2020 à 15:35
Signaler
Vous avez raison, il faut protéger le chiffre d'affaire d'EDF tout en faisant quelque chose pour le climat : relançons les centrales nucléaires ...!!! des TGV opérés par Air France, pourquoi pas : mais il faut la continuité du voyage du départ jusqu...

à écrit le 15/12/2020 à 10:33
Signaler
A situation problématique (le terme est faible) et alors que la communauté scientifique (GIEC en tête) est à l'unisson face aux enjeux climatiques , les réponses devraient être sans détour. Là où l'offre ferroviaire est pertinente surtout quand elle...

à écrit le 15/12/2020 à 9:01
Signaler
Redécouvrons la belle lenteur des voyages en bateaux et pour les vacances explorons à pieds la France, le canal du midi par exemple..

à écrit le 15/12/2020 à 8:25
Signaler
D'où vient ce chiffre de « 3,5% des émissions de CO2 en France » ? Selon mes calculs sur la base des données publiées par la DGAC et du CITEPA pour 2018, c'est 8,7% pour le seul CO2. Et beaucoup plus si on ajoute l'impact climatique des cirrus ind...

à écrit le 14/12/2020 à 18:41
Signaler
si vous voulez reduire les emissions de C02 il y a 2 solutions : une chute drastique du niveau de vie ou une chute drastique de la population. La premeiere est difficile a faire sans declencher une rebellion generalisee (meme dans un pays comme la ch...

à écrit le 14/12/2020 à 16:15
Signaler
mais pourquoi s'alarmer ? s'alarmer de quoi d'ailleurs ? puisque la majorité a décidé de ne pas changer son mode de vie, je ne vois aucune raison de changer, alors consommons, produisons comme nous le faisons maintenant et ne nous occupons pas de tou...

le 15/12/2020 à 4:32
Signaler
@ Makno. Zavez raison, jouissons sans entrave.

à écrit le 14/12/2020 à 13:36
Signaler
Janco donne l'ampleur de la tache pour limiter la hausse à venir de la température moyenne a 2°C : L'éradication de l'allemagne et ses usines, du japon et ses usines en 40 c'est un peu moins !!! de ce qui est nécessaire chaque année !! pour parven...

à écrit le 14/12/2020 à 12:41
Signaler
c'est cela la démocratie de m macron des personnes tirez au sort de preference écolos qui prétende refaire la france alors que les maires les députés les sénateurs ne sont pas écouté. il faut dire de gerer la france depuis pres d'un ans avec un...

à écrit le 14/12/2020 à 12:11
Signaler
Mon Dieu, mais que de démagogie. Au lieu de convoquer des scientifiques et des experts pour trouver des solutions appropriées, les voilà qui demandent l'avis de 150 pleupleus qui n'y connaissent rien en transports, en réchauffement ou autre. Déjà ça ...

à écrit le 14/12/2020 à 10:21
Signaler
La convention citoyenne, un truc démagogique de plus pour montrer qu'on écoute aussi la voix du peuple...Mais, la raison d'État, la realpolitik et les calculs politiciens ont vite fait de balayer tt ça. Il n'y avait que les utopistes , et encore...po...

à écrit le 14/12/2020 à 9:31
Signaler
C'est pour ça qu'il va leur parler... ^^ "Je prend mon temps sans plus attendre Je bouge mon cul sur mon divan Le déluge vient pour mes enfants Et dans les dîners je m'étends Sur le sujet, évidemment Je suis le sauveur, je suis savant Je su...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.