Le succès d'Easyjet à Roissy prouve que le modèle low-cost marche sur les grands hubs

Grâce à sa coopération avec Aéroports de Paris, la compagnie à bas coûts dispose d'infrastructures adaptées à son exploitation qui lui permettent de maintenir une productivité élevée de ses avions. La rénovation du terminal 2B et sa liaison avec le 2D (où opère Easyjet) en 2019 va accompagner le développement de la compagnie britannique.
Fabrice Gliszczynski
Même si les coûts y sont supérieurs et la productivité avion forcément moins élevée que sur un aéroport régional, les grands aéroports sont beaucoup plus intéressants pour les compagnies à bas coûts.

Easyjet et Aéroports de Paris (ADP) prouvent que le modèle "low-cost" est compatible, au plan opérationnel, avec le gigantisme d'un grand hub international comme celui de Roissy-Charles de Gaulle (CDG). Le temps de demi-tour en aéroport -entre l'atterrissage de l'avion et son redécollage- est de 30 minutes, a indiqué ce lundi François Bacchetta, le directeur France de la compagnie britannique, lors d'un point presse ce lundi à Roissy-Charles de Gaulle (CDG).

Point-à-point contre hub

Pour rappel, ce temps de demi-tour serré constitue le principal facteur de la réussite des compagnies à bas coûts. Il permet de faire voler les avions plus longtemps dans une journée (jusqu'à 13 heures par jour pour certaines compagnies) et d'augmenter la productivité des avions en répartissant les coûts fixes sur un plus grand nombre d'heures de vol. Cette "productivité avion" explique en grande partie l'écart de coûts entre les compagnies low-cost qui effectuent des vols de point-à-point et les compagnies classiques organisées en hub.

Sur les vols de courte distance, ces dernières pâtissent en effet de leur organisation en réseau puisque que les vols court et moyen-courriers, chargés d'alimenter en passagers les vols long-courriers, sont contraints de tenir compte des plages de correspondances sur le hub. Autrement dit, un avion arrivant dans un aéroport européen devra parfois patienter avant de repartir pour Roissy afin de ne pas arriver trop en avance par rapport à une plage de correspondance du hub. Résultat, ils volent moins que les appareils des compagnies de point-à-point (près de 8 heures dans la journée)

Orly plafonné

Réaliser des temps de demi-tour en trente minutes est souvent très compliqué sur les grands aéroports où les terminaux sont grands et les temps de roulage souvent longs pour aller du terminal à la piste. C'est pour cela que l'aéroport d'Orly a la préférence des compagnies à bas coûts (sa proximité de Paris est également un atout), mais la difficulté d'y obtenir des créneaux horaires de décollage et d'atterrissage, en raison de son plafonnement à 250.000 mouvements annuels, pousse les compagnies à aller à Roissy. C'est le cas d'Easyjet et de Vueling par exemple qui, en plus de leurs opérations à Orly, ont été obligées, pour croître davantage à Paris, d'ouvrir également une activité à Roissy.

Coopération

La performance d'Easyjet est le fruit d'une bonne entente avec l'aéroport.

"L'expérience est remarquable. Cette coopération est fructueuse, et nous poursuivons notre croissance", a déclaré François Bacchetta.

De son côté, Franck Goldnadel, directeur général adjoint d'Aéroports de Paris en charge des opérations aériennes et directeur de l'aéroport de Roissy, explique:

"Nous essayons de répondre aux besoins d'Easyjet qui assure une exploitation avec un certain nombre de critères de performance."

Arrivée en 2002 à Roissy, Easyjet a commencé son exploitation au terminal 3 réservé aux compagnies charter. Avec l'ouverture en 2008 d'une base d'exploitation à Roissy, la compagnie orange a déménagé au terminal B de CDG 2, puis, depuis la fermeture de ce dernier pour rénovation, au terminal 2D. Anciennement occupé par Air France, dont 50% de l'activité était en correspondance, le terminal D n'était pas adapté. Il a été retouché pour les besoins d'Easyjet.

Double embarquement

Les postes d'inspection filtrage sont proches à la fois de la zone d'enregistrement et de la zone d'embarquement. Pour offrir une zone de pré-embarquement, comme le demandait Easyjet, afin d'accélérer l'embarquement (les passagers ayant fait le process embarquement attendent avant d'entrer dans l'avion), ADP a donc avancé la zone d'embarquement. Toujours pour gagner du temps, ADP a adapté les infrastructures pour permettre le double embarquement dans l'avion, à la fois par la porte avant (par une passerelle reliée au terminal) et par la porte arrière de l'appareil au moyen d'un escabeau. Des escaliers permettant aux passagers de descendre du terminal jusqu'au pied de l'avion ont donc été construits.

«Ce sont des infrastructures les plus intuitives possibles. Nous avons encore des choses à améliorer, mais le circuit passager est rapide », fait valoir François Bacchetta.

Côté pistes, Easyjet bénéficie de l'optimisation opérationnelle apportée dans le cadre du CDM (Collaborative Decision Making) qui regroupe ADP, l'aviation civile, les assistants aéroportuaires et les compagnies aériennes les plus importantes de l'aéroport. Deuxième opérateur à CDG, Easyjet en fait donc partie.

Easyjet et Aéroports de Paris travaillent déjà sur l'étape d'après.

"L'aéroport essaye d'accompagner Easyjet dans les innovations du process passagers. On parle d'automatisation de certaines zones. Nous allons tester des prises bagages automatisées, et regarder comment l'embarquement automatique peut améliorer la fluidité", a expliqué Franck Goldnadel.

Liaison entre les terminaux 2B et 2D en 2019

La rénovation du terminal 2B, puis sa jonction avec le terminal 2D en 2019, devrait en effet permettre ainsi d'automatiser encore davantage l'enregistrement, de simplifier le parcours avec des points de dépose-bagages proche des postes d'inspection filtrage et de disposer de portes automatiques au niveau de l'embarquement.

Ce terminal unique "devrait accompagner le développement et l'efficacité d'Easyjet à Roissy", assure Franck Goldnadel.  Ce bâtiment disposera d'une capacité d'accueil de 11 millions de passagers contre 5 pour le terminal 2D. Il aura également l'avantage d'avoir plus d'avions au contact du terminal et de réduire le nombre de vols au large (15% environ d'Easyjet)

Croissance

La compagnie britannique entend bien continuer à grossir sur le fief de son rival Air France. Deuxième compagnie à Roissy avec 12% de parts de marché, Easyjet va augmenter ses capacités de 9% en ouvrant quatre nouvelles lignes, lesquelles lui permettront de franchir la barre des 40 destinations proposées au départ de Roissy. Elle compte transporter à Roissy 4,6 millions de passagers en 2016. Outre l'ajout de vols, Easyjet prévoit de croître en remplaçant les 4 Airbus A319 par des A320.

Développement de Vueling

Si elle est la plus importante compagnie à bas coûts à Roissy, Easyjet n'est pas la seule. Selon l'Union des aéroports français, en effet, Roissy accueille près de 10 millions de passagers low-cost, soit deux plus que le trafic d'Easyjet. Vueling est l'autre grande compagnie low-cost présente à Roissy. Installée au terminal 3, elle revendique elle aussi des temps de demi-tour en 30 minutes. Cet été, la compagnie espagnole va passer à la vitesse supérieure en ouvrant une base d'exploitation à CDG. Les avions dormiront sur la plate-forme et les équipages résideront dans les environs afin de permettre à la compagnie de proposer un vol tôt le matin, toujours très demandé par la clientèle affaires. Cet été, la filiale du groupe IAG va proposer 295.000 sièges supplémentaires au cours de la prochaine saison estivale.

Clientèle professionnelle

D'autres poids lourds lorgnent Roissy. C'est le cas de Ryanair mais aussi de la hongroise Wizzair qui avait obtenu des créneaux pour ouvrir une dizaine de lignes cet été avant d'y renoncer.

Même si les coûts y sont supérieurs et la productivité avion forcément moins élevée que sur un aéroport régional, les grands aéroports sont beaucoup plus intéressants pour les compagnies à bas coûts. Ils permettent en effet de toucher davantage la clientèle professionnelle et de générer des recettes unitaires plus importantes. En Île-de-France, 150 entreprises utilisent Easyjet. Les voyageurs professionnels représentent 21% du trafic d'Easyjet à Roissy.

Fabrice Gliszczynski

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Commentaires 8
à écrit le 23/05/2016 à 10:56
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Air Europa n'a rien à voir avec Ryanair ou easyJet (même si le service à bord n'est peut-être pas très différent), c'est une compagnie membre de Skyteam, qui opère aussi des vols long courriers depuis l'Espagne.

à écrit le 24/02/2016 à 23:43
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Le temps de demi tour dit "TTM" est de 35min à Roissy pour Vueling car c'est un embarquement au large avec des bus.

à écrit le 24/02/2016 à 9:00
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vous faites bien de mentionner aussi Vueling ...( à Roissy ) ; il y a aussi Air Europa ...; en fait , il y à " tout le monde " sauf Ryanair ...; je pense que les taxes d'aéroport sont trop importantes pur eux , vu le profile de leur clientèle .

à écrit le 23/02/2016 à 12:02
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Aïe ça va vraiment piquer pour Air France. Déjà qu'ils se font malmener par leurs gros concurrents européens (Lufthansa, British) qui sont assez agressifs sur le prix du long courrier, les compagnies du Golfe, voici que les low cost se renforce enco...

le 23/02/2016 à 13:03
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T'inquiète pas pour les pilotes AF l'aviateur ils iront voler pour EasyJet et paieront leurs impots en Angleterre

le 23/02/2016 à 14:27
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Par contre ils devront accepter de travailler plus pour un salaire moindre...

le 24/02/2016 à 9:09
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c'est toute sa strategie de recherche d'hegemonie que Air-France doit revoir; leur " hub " le terminal F ; ( sans parler bien sur d'ameliorer l'amabilité ) ; B747 assaierait il de nous effayer ? avec la " fuite des pilotes " ? mais qu'il debarrasse...

à écrit le 23/02/2016 à 11:52
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La Fondation pour l’innovation politique vous invite à lire la note de Emmanuel Combe « Les vertus cachées du low cost aérien » (http://www.fondapol.org/etude/combe-les-vertus-cachees-du-low-cost-aerien/) qui répond une à une aux inquiétudes que la c...

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