Norwegian bénéficie-t-elle d'un "soutien public norvégien", comme le dit Le Maire ?

Le ministre français de l'Économie et des Finances a annoncé dimanche son intention de saisir la Commission européenne à propos des aides publiques dont bénéficierait la compagnie aérienne à bas coûts Norwegian, en grande difficulté financière. La compagnie a démenti avoir reçu des aides gouvernementales. Qu'en est-il exactement?
Fabrice Gliszczynski
(Crédits : Lehtikuva Lehtikuva)

On attend les arguments que va formuler Bruno Le Maire dans son courrier qu'il entend envoyer à la Commission européenne pour se plaindre des soutiens de l'État norvégien dont bénéficierait la compagnie aérienne privée Norwegian. Des aides publiques qui, selon lui, faussent la concurrence et expliquent en partie les difficultés de XL Airways, qui a cloué toute sa flotte au sol ce lundi.

« Vous avez une compagnie, Norwegian qui casse les prix et qui peut expliquer les difficultés de XL Airways. Elle casse les prix, elle est endettée, mais elle a un soutien public norvégien. Je ne peux l'accepter parce que les règles de concurrence doivent être les mêmes pour tous. Imaginez qu'avec l'argent du contribuable, j'aille subventionner XL Airways, Aigle Azur ou d'autres compagnies low-cost. Mes partenaires européens diraient que c'est inacceptable. Ce que nous ne pouvons pas accepter de l'Europe, nous ne pouvons pas l'accepter non plus de la Norvège, donc j'écrirai à la Commission européenne dès la semaine prochaine pour leur dire de mettre bon ordre à tout ça. Nous ne pouvons pas accepter qu'une compagnie comme Norwegian casse les prix avec un soutien public norvégien au détriment de nos propres compagnies », a déclaré Bruno Le Maire lors de son passage dimanche au "Grand Jury" RTL-LCI-Le Figaro.

Norwegian a fait très mal à XL Airways

Le ministre de l'Économie a raison de rappeler que Norwegian a fait très mal à XL Airways. En se positionnant à Paris avec des prix très agressifs sur un grand nombre de lignes assurées par la compagnie française, Norwegian est l'un des artisans avec Level, la filiale low-cost de IAG, de la faillite de XL Airways. Bruno Le Maire a également raison de dire que Norwegian est endettée : plus de 3 milliards d'euros. Cet endettement provient d'un développement extrêmement rapide qui est à l'origine de ses grandes difficultés.

Pas d'aide d'État

En revanche, Bruno Le Maire surprend un peu son monde en accusant la Norvège de soutenir financièrement Norwegian. Bien que la Norvège ne soit  pas membre de l'Union européenne, elle en fait partie pour tout ce qui concerne le transport aérien. Les compagnies norvégiennes ont donc accès au marché unique européen, aux accords de ciel ouvert entre l'UE et d'autres pays tiers... et doivent respecter les règles européennes en matière de concurrence et d'aides d'État. À ce titre, l'État norvégien a l'obligation de notifier à Bruxelles toute aide d'État accordée à ses transporteurs. Or, il n'y a pas eu de notification concernant Norwegian. Non pas parce qu'elle a été cachée, mais parce qu'il n'y a pas eu d'aide d'État.

"Norwegian n'a jamais reçu d'aide gouvernementale", a assuré de son côté un porte-parole de la compagnie aérienne.

Augmentation de capital garantie

Sur quoi se fonde donc Bruno Le Maire pour tenir de telles accusations ? Interrogé par La Tribune, un porte-parole de Bercy évoque sans préciser « le renflouement de 200 à 300 millions d'euros dont a bénéficié Norwegian » dans le passé.

Côté à la Bourse d'Oslo, la compagnie norvégienne a effectivement procédé en début d'année à une augmentation de capital de 3 milliards de couronnes (plus de 300 millions d'euros), que certains médias (français uniquement) ont présenté comme un sauvetage de l'État norvégien en raison de la présence d'acteurs publics dans le capital de Norwegian. Qu'en est-il?

Il y a effectivement dans le capital de la compagnie aérienne un fonds souverain, Folketrygdfondet, mais il n'est actionnaire qu'à hauteur de 6,04% seulement et a contribué à l'augmentation de capital dans les mêmes proportions (200 millions de couronnes, soit 20 millions d'euros). Il y a également une banque, DNB Bank, actionnaire à hauteur de 4% de Norwegian. Souvent présentée en France comme une banque publique, DNB est en fait une banque privée, dont 34% de son capital est détenu par l'État norvégien, un seuil certes important puisqu'il confère une minorité de blocage, mais qui ne permet pas en théorie d'imposer ses vues aux autres actionnaires sans leur accord.

Le rôle de DNB Bank

Plus que le fonds souverain Folketrygdfondet, DNB Bank est souvent citée en France pour avoir sauvé Norwegian. Elle a en effet joué un rôle majeur puisqu'elle a, avec deux autres acteurs privés, garanti une partie de l'augmentation de capital (52%). Dans le détail, cette garantie a été apportée par DNB Bank pour 721 millions de couronnes (72 millions d'euros), Danske Bank (également actionnaire à hauteur d'un peu moins de 5%) pour 499 millions de couronnes et, pour le même montant, par Sterna Finance, la société du milliardaire norvégien John Fredriksen.

Aussi, pour certains experts, la présence d'un fonds souverain au capital de Norwegian - dans des proportions largement inférieures à celle des États français et hollandais dans le capital d'Air France-KLM (28%) - et la garantie (24% d'une augmentation de capital) apportée par une banque détenue à 34% par l'État norvégien, semblent difficilement attaquables.

Bouffée d'oxygène

En attendant, elle a permis à Norwegian de passer l'été. Depuis, la compagnie norvégienne a reçu une bouffée d'oxygène en cédant des actifs bancaires d'un montant de 2,2 milliards de couronnes (220 millions d'euros) et en négociant début septembre le décalage de près de deux ans du remboursement de deux obligations d'une valeur totale d'environ 350 millions d'euros. Dans le même temps, la compagnie a mis en place un plan de restructuration qui passe par une forte réduction de voilure. Pour autant, Norwegian reste fragile. Ne bénéficiant pas de couvertures carburant, elle reste à la merci d'une envolée du prix du pétrole.

Fabrice Gliszczynski

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Commentaires 10
à écrit le 09/10/2019 à 9:40
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Le problème pour le tourisme c'est qu'on a des personnes qui parlent sans connaître cette industrie. Norwegian subit une campagne de diffamation qui les empêche de vendre autant qu'il voudrait. Bon nombres d'agences ont pour ordre de ne pas les vendr...

à écrit le 02/10/2019 à 8:24
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Ma Lemaire rackette les vieux pour gaver sa caste, taxe un maximum air France, se mêle de tout pour se faire croire qu'il existe. C'est un homme du passé et surtout du PASSIF

à écrit le 01/10/2019 à 18:11
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Pauvre France qui FAIT EXACTEMENT la même chose avec AF (la preuve la Hollande a fait la même via KLM), la SNCF, RENAULT ... Ils vont juste faire un peu de bruit et tout le monde rentrera à la niche ! Bel exemple de cette belle UE ou on s'entend tou...

à écrit le 01/10/2019 à 16:22
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Et Ryan Air, ont-ils des "subventions" des Chambres de commerce pour se poser dans les régions qui les intéressent ?

à écrit le 01/10/2019 à 15:05
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"C'est l'hôpital qui se moque de la charité" comme disait une autre, il y a peu de temps.

à écrit le 01/10/2019 à 13:59
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oui comment ca se fait que Greta Langstrumpf n'aille pas manifester sa haine aupres de cette compagnie, hein? c'est l'avion qu'elle a pris pour aller crier son ecologie sur les gens a new york ou quoi?

à écrit le 01/10/2019 à 13:48
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Mr Le Maire ferait mieux de se poser des questions sur les milliards que reçoit la Pologne et qu'elle convertit en achat de matériel militaire américain, alors que l'UE produit l'équivalent. L’Europe est un bazar sans règles, et on va voir tout éclat...

à écrit le 01/10/2019 à 13:09
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Le dormeur se réveillerait il enfin ? Au lieu d'obéir bêtement aux allemands qui ne manipulent les pays européens que pour leur propre intérêt il serait temps de faire un tour de table des 26 pays de l'UE afin d'abord et avant tout de comprendre ...

à écrit le 01/10/2019 à 11:21
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Les norvégiens sont déjà plein de pognon avec leur pétrole et leurs saumons aux poux de mer qui polluent leurs cotes, et ils jouent pas le jeu. Qu'est ce qu'ils achètent à la CE ? Ainsi il y a quelques années en période de Noël, ils ont refusé d'impo...

à écrit le 01/10/2019 à 11:13
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Même si elle n'appartient pas au club de l'UE de Bruxelles, elle a des liens mais pas au point de perdre sa souveraineté de décision!

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