Les deux sénateurs, favorables à ce que le cadre juridique soit défini au plus tôt, se disent, dans un communiqué de presse, "vigilants sur le calendrier de mise en oeuvre de cette réforme". Ils ajoutent : "Nous voulons éviter tout retard, tout recul ou tout renoncement qui compromettrait l'ouverture à la concurrence."
Ouverture à la concurrence à partir décembre 2019
L'Europe prévoit une ouverture à la concurrence dès le 3 décembre 2019 pour les services conventionnés (TER et trains d'équilibre du territoire, TET ou Intercités) et à partir du 1er janvier 2019, pour une application effective à partir de 2021, pour les TGV.
Cette décision européenne doit désormais se traduire par une loi dans le droit français.
Le texte prévoit que les lignes TER et TET/Intercités, gérées par les régions et l'Etat, soient confiées aux opérateurs dans le cadre de délégations de service public - comme c'est aujourd'hui le cas avec la SNCF.
Les salariés, en priorité les volontaires, seront transférés vers le nouvel opérateur. Rémunération, droits à la retraite, facilités de transport et garantie de l'emploi, seront maintenus, mais les règles d'organisation du travail seront définies librement par l'employeur.
Inquiétude pour les TGV
Pour les lignes TGV, les sénateurs craignent qu'une ouverture non régulée aboutisse "à la disparition de nombreuses liaisons moins rentables ou déficitaires, mais pourtant indispensables à l'aménagement du territoire".
Ils préconisent donc que l'État accorde des "droits exclusifs" aux opérateurs pour faire circuler leurs TGV, "en contrepartie de la réalisation d'obligations de service public".
Quant aux gares, elles doivent être séparées de SNCF Mobilités - opérateur ferroviaire de la SNCF - "afin de garantir un accès transparent et non discriminatoire des entreprises ferroviaires". Le texte prévoit ainsi qu'elles deviennent une société anonyme de droit public, filiale du groupe SNCF.
Par ailleurs, les voyageurs doivent pouvoir acheter un billet unique, même si leur voyage se fait sur des compagnies différentes.
Hervé Maurey et Louis Nègre attendent de l'arrivée de la concurrence "une amélioration de la qualité du service ferroviaire et la réduction de ses coûts, au profit des usagers". Elle devrait également renforcer la "compétitivité du secteur ferroviaire face aux autres modes de transport, aérien et routier (bus, covoiturage, voiture individuelle) et assurer la pérennité" de la SNCF.
"Régler au préalable la question du modèle économique du TGV" (Pepy)
Fin juillet, Guillaume Pepy, le président du directoire de la SNCF avait déclaré que le modèle économique du TGV constituait un frein à la concurrence.
"C'est une question centrale (..) Quand il y aura un modèle économique il y aura de la concurrence", avait-t-il dit, lors d'un colloque sur la concurrence ferroviaire, organisé par l'ARAFER, l'autorité de régulation des activités ferroviaires routières). Pourquoi le jour où le TGV sera ouvert, il n'y aura peut-être pas grand monde ? "Ce n'est pas parce que l'ARAFER n'aura pas fait son boulot, ou que la SNCF, fourbe et cruelle aura organisé des barrières à l'entrée, c'est tout simplement parce qu'il n'y aura personne, dans les conditions actuelles, pour mettre 1 milliard d'euros en capital dans l'activité TGV. Car la rentabilité du TGV en France est inférieure au coût moyen du capital », a-t-il déclaré en rappelant que « deux TGV sur trois perdent de l'argent ».
Et d'ajouter :
"Tant que l'on n'aura pas trouvé en France un modèle de financement de l'infrastructure, on se sera trompé de combat. Le financement de l'infrastructure n'est pas assuré aujourd'hui car la dette (du gestionnaire d'infrastructure, ndlr) augmente de 3 milliards d'euros chaque année. Cela conduit à avoir un système de péage trop élevé, qui amène les opérateurs à exploiter de moins en moins de trains », avait-il fait valoir.
Guillaume Pepy avait par ailleurs indiqué préféré une ouverture de la grande vitesse en open-access, un système dans lequel tous les opérateurs peuvent opérer.
Un dossier chaud pour Macron
La SNCF risque d'être l'un des dossiers les plus chauds du prochain quinquennat. Les mesures prévues par le nouveau chef de l'État vont à coup sûr susciter la grogne des syndicats. En réponse au think tank TDIE (Transport Développement Intermodalité Environnement), pendant la campagne, Emmanuel Macron avait évoqué une loi au début du quinquennat. "Cette loi devra notamment préciser les conditions dans lesquelles les personnels pourront être transférés vers les nouveaux opérateurs en cas de transfert de contrat », avait-il dit.
Outre l'ouverture à la concurrence, il avait également utilisé tous les mots qui irritent les cheminots et les syndicats, puisqu'il a notamment évoqué « la poursuite des efforts de productivité » et « une évolution des règles d'emploi des cheminots » pour que « la SNCF gagne en performance » et dispose d'une « trajectoire financière équilibrée et pérenne ».
Depuis, Emmanuel est allé encore plus loin. Dans un entretien publié en juillet par le magazine interne du groupe,et relayé ce mercredi par le Monde, il a dessiné une vaste réforme de la SNCF, en évoquant la rapide suppression des régimes spéciaux de retraite et affichant la volonté de diversifier l'activité du groupe.
"Nous demandons à SNCF d'aller plus loin sur les réformes, le statut, la mobilité, le régime de retraite", a-t-il dit.
A court terme, Emmanuel Macron, qui propose en échange que l'Etat reprenne la dette de la SNCF et accentue les investissements publics vers l'entretien des lignes, met l'accent sur la suppression à partir de l'an prochain des régimes spéciaux de retraite, auxquels sont notamment soumis les cheminots.
La réforme de ce régime est un sujet très sensible pour le personnel de la SNCF.
"Ce qui a été acquis dans les régimes passés reste acquis et vous cotisez à un nouveau régime. Je pense que c'est très important, parce que cela va redonner de la confiance dans le système", a déclaré le président, évoquant un "top départ" de la réforme à la mi-2018 ou début 2019 et précisant ainsi l'une de ses promesses de campagne.
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