CMA CGM était intéressé par Corsair avant de toper avec Air Caraïbes-French Bee

Selon nos informations, avant de signer un protocole d'accord avec le Groupe Dubreuil pour acquérir 30% d'Air Caraïbes et de French Bee, le géant du transport maritime a reagrdé le dossier Corsair, l'un des principaux concurrents d'Air Caraïbes et de French Bee. Concomitance des calendriers, CMA CGM a manifesté son intérêt pour Corsair entre mi-juin et le 7 juillet. Les discussions entre CMA CGM et Le Groupe Dubreuil ont commencé "courant juin", avaient indiqué le président de ce dernier en septembre.
Fabrice Gliszczynski

Quand, le 23 septembre dernier, CMA CGM annonçait la signature d'un protocole d'accord avec le Groupe Dubreuil dans le but d'acquérir 30% du capital du pôle aérien de ce dernier, composé notamment d'Air Caraïbes et de French Bee, le groupe maritime avait une vision très claire de l'environnement dans lequel il comptait évoluer. Il connaissait évidemment sur le bout des doigts la situation des deux compagnies pour lesquelles il investissait 70 millions d'euros, mais aussi celle de Corsair, l'un de leurs principaux concurrents sur les Antilles et la Réunion.

Selon plusieurs sources concordantes en effet, l'armateur marseillais a regardé le dossier de reprise de Corsair, piloté par le Comité interministériel de restructuration industrielle (Ciri), un organise rattaché à la direction générale du Trésor chargé d'accompagner les entreprises en difficulté de plus de 400 salariés dans la mise au point et le financement de leur plan de retournement.

Accès à la "data room"

CMA CGM s'est manifesté mi-juin, puis, après avoir eu accès au management de Corsair et à la "data room" de la compagnie - comprenant toutes les informations nécessaires à l'examen de sa situation -, le groupe maritime s'est retiré du dossier trois semaines plus tard, le 7 juillet, au motif, selon un connaisseur du dossier, que la part du fret était trop faible par rapport à l'activité de transport de passagers, et que les besoins financiers à engager étaient trop importants. Pour autant, le désengagement du dossier Corsair ne remettait pas en question la volonté de l'armateur de se développer dans le secteur aérien. Pour mener à bien ce projet, le groupe maritime a préféré s'engager avec un autre partenaire, le Groupe Dubreuil.

Interrogé le jour de l'annonce de la signature de l'alliance avec le Groupe Dubreuil le 23 septembre, un proche de CMA CGM justifiait le choix de son partenaire en mettant notamment en avant la présence des deux acteurs aux Antilles et en Polynésie, mais aussi la solidité d'Air Caraïbes et de French Bee, confortée par les mesures de réductions des coûts prises début juin pour surmonter la crise.

Il est vrai qu'en juillet, la situation de Corsair était moins florissante. Placée sous le régime de la conciliation judiciaire et s'ayant vu refuser un prêt garanti par l'État à cause d'un niveau de fonds propres insuffisants, la compagnie était dans une situation difficile. Même si d'autres investisseurs étaient intéressés et que l'État et l'un des plus gros actionnaires de Corsair (TUI) étaient prêts à contribuer fortement à un plan de sauvetage, le succès d'une telle opération était loin d'être garanti.

Télescopage des calendriers

En tout cas, CMA CGM n'aura pas mis longtemps à passer du dossier Corsair au dossier Dubreuil. Les déclarations dans la presse de son président, Jean-Paul Dubreuil, au moment de l'annonce de l'accord signé avec l'armateur marseillais, montrent même un certain télescopage des calendriers. Le 23 septembre, dans un entretien au site internet des Echos, il indiquait en effet que l'acheminement des masques sanitaires de CMA CGM constituait le point de départ des discussions.

"J'ai eu l'occasion de rentrer en contact avec Rodolphe Saadé [PDG de CMA CGM, Ndlr], quand ce dernier s'interrogeait sur la façon de répondre aux besoins de masques. Nous avons échangé et il a jugé intéressant d'investir dans notre entreprise », expliquait-il, sans donner de date sur l'établissement de ces premiers contacts. Ce qu'il fit néanmoins le lendemain, le 24 septembre, dans un entretien accordé cette fois à L'Express.

"Courant juin, CMA est venu nous voir pour acheminer en urgence de la marchandise, notamment des masques, vers les Antilles où nous sommes très présents", disait-il à notre confrère, lequel faisait état quelques lignes plus tard de "discussions informelles au début de l'été".

Ce calendrier confirme des propos d'autres connaisseurs du dossier : "avant le début de l'été" pour certains, "juillet" pour d'autres. Pour rappel, CMA CGM a regardé le dossier Corsair de mi-juin au 7 juillet.

Questions : CMA CGM a-t-il regardé ces deux compagnies pour mieux faire son choix d'investissement ? Le Groupe Dubreuil a-t-il eu vent de l'intérêt de CMA CGM pour Corsair et a-t-il convaincu le géant du maritime d'investir plutôt dans son pôle aérien ? Aucun des deux n'a souhaité faire de commentaire. Corsair non plus.

En attendant, quelle que soit la raison, CMA CGM dispose de toute la photographie de Corsair, même si le volet des coûts a été modifié depuis, du fait de la signature de nouveaux accords sociaux cet automne.

Tensions entre Corsair et le Groupe Dubreuil

Le retrait de CMA CGM n'a pas empêché Corsair de trouver des repreneurs. Un consortium d'investisseurs, pour l'essentiel antillais, s'est engagé à reprendre la compagnie en investissant en cash 30 millions d'euros. Avec les aides de l'État et la contribution de l'un des actionnaires actuels, TUI, le financement total flirte avec les 300 millions d'euros. Ce sauvetage a suscité la colère d'Air Caraïbes et de French Bee. Craignant un risque de distorsion de concurrence, elles menacent de déposer un recours à Bruxelles en cas de validation de l'accord. Soumise à l'approbation de Bruxelles, le plan de relance de Corsair doit être finalisé d'ici à la fin de l'année. Au même moment, la position des autorités de la concurrence concernant l'accord dans le fret entre CMA CGM et le Groupe Dubreuil est attendue.

Fabrice Gliszczynski

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