Dans les 10 ans à venir, une exploitation agricole française sur deux aura besoin d'un repreneur. Si le renouvellement des générations apparait essentiel pour l'avenir de la filière agricole, la transition vers l'agroécologie représente aussi un enjeu. Or, les fermes en transmission sont souvent trop grandes (70 hectares en moyenne), trop chères, difficiles à identifier, pour des projets agroécologiques à taille humaine.
Sur 200.000 fermes en transmission dans les dix ans en France (440.000 exploitations en France en mars 2021 selon l'Insee), 100.000 ne seront pas forcément reprises mais rachetées pour en agrandir une autre. C'est là qu'intervient Eloi.
Cette entreprise qui a acquis il y a trois mois le statut de société à mission propose un projet alternatif destiné à faciliter l'accès au foncier à des paysans bio ou en agriculture de conservation des sols (ACS).
Son objectif : convertir des grandes exploitations en grappes de fermes agroécologiques, orientées plutôt vers la commercialisation en circuit-court
Une vingtaine d'exploitations, 1.500 sous cinq ans
Basée à Paris mais active sur le Grand Ouest (Bretagne, Pays-de-la-Loire et Normandie), la société fondée en 2019 par François Moret et Maxime Pawlak, compte une vingtaine d'exploitations en cours de transmission et a déjà recensé plus de 300 porteurs de projets dans le Grand Ouest, avant une ouverture cette année à d'autres régions.
« Eloi ouvre un nouveau marché avec l'ambition de devenir l'acteur référent pour la transmission de fermes en agroécologie et de réaliser 1.500 opérations de transmission par an d'ici à 5 ans, dont 15 cette année et 60 en 2023. Il y a une inadéquation profonde entre l'offre et la demande autour de la transmission des exploitations agricoles » constate Maxime Pawlak, président d'Eloi.
« Les besoins sont énormes, mais pour la nouvelle génération de jeunes agriculteurs, les fermes en transmission sont adaptées aux pratiques agricoles actuelles et souvent trop grandes et trop chères pour des projets agroécologiques. Eloi intervient sur des exploitations en difficulté de transmission, autour d'un prix supérieur à celui d'un agrandissement mais inférieur au prix à l'identique. »
En pratique, Eloi sélectionne et diversifie les fermes existantes en rassemblant sur un même site deux à trois porteurs de projets complémentaires rassemblés en « grappes ».
« Une grappe rassemble des activités diversifiées telles que le maraîchage, l'élevage (ovins, chèvres), les grandes cultures ou l'arboriculture, sélectionnées selon le potentiel agronomique et économique du site. Cela permet de créer des fonciers adaptés et de baisser les investissements initiaux » explique Maxime Pawlak.
Ferme nouvelle ou diversification
Dans cette optique, Eloi opère de façon double. Soit sa société de portage achète les fermes et effectue une transition de quelques mois entre le vendeur et les nouveaux acquéreurs, soit Eloi s'entend avec un exploitant désireux de se désendetter en faisant venir une activité de diversification.
En Vendée, une ferme va ainsi accueillir notamment un producteur laitier bio (production de fromage de brebis) et un couple de maraîchers. « On définit alors avec l'exploitant le devenir de la ferme » ajoute le dirigeant.
Au sein des « grappes », des synergies pourront émerger entre les différentes activités afin de créer une économie circulaire, écologique qui réduit aussi les coûts de fonctionnement.
Levées de fonds en cours
Tout en installant des structures de proximité en région, Eloi se fait connaître et recrute les porteurs de projets au sein des formations agricoles via sa plateforme digitale et sur les réseaux sociaux.
Les candidats doivent pouvoir apporter 10% du financement et avoir démarré un parcours d'installation auprès des Chambres d'agriculture, partenaires d'Eloi comme d'autres structures d'aide à l'installation (Safer).
Soutenue par des investisseurs du milieu agroalimentaire, de la tech et de l'impact, l'entreprise, qui prend une commission sur les ventes et vise un chiffre d'affaires de plus d'un million d'euros en 2023, entend clôturer fin mars une levée de fonds de 1 à 1,5 million d'euros, avant une série A début 2023.
Sa filiale Eloi Portage cherche également à réunir un million d'euros sous forme de dette obligataire dont 850.000 euros via la plateforme Credo Lending (financement chrétien). Une collecte est également en cours sur la plateforme de crowdfunding à impact social et environnemental, Lita.co, pour un montant de 300.000 euros.
L'argumentaire d'Eloi s'appuie sur trois axes : la transition des pratiques agricoles et leur impact, l'amélioration des conditions de vie des agriculteurs et la redynamisation des territoires ruraux. Via son Fonds de soutien à l'innovation sociale (Fiso), la Région Bretagne a accordé à l'entreprise une avance remboursable de 150.000 euros.
La collectivité prend la problématique à bras le corps. Elle prépare pour l'été un grand plan visant à atteindre 1.000 installations d'agriculteurs par an d'ici à 2028.
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