Comment la start-up Neoline ambitionne de ressusciter le transport de marchandises à la voile

Cette société basée à Nantes promet une économie de carburant comprise entre 80% et 90%. Son premier navire doit être livré en 2022.
(Crédits : Reuters)

"Notre technologie est très innovante, elle n'a que 5.000 ans", plaisante Michel Pery. Capitaine de cargos et de pétroliers pendant plus de vingt ans et désormais président de la start-up nantaise Neoline, cet ancien marin s'est fixé un ambitieux pari: relancer le transport de marchandises à la voile. Deux cent ans après l'apparition des premiers navires à vapeur, remplacés depuis par des motorisations diesel, l'idée peut paraître farfelue. Mais elle s'inscrit dans la volonté du secteur de réduire ses émissions de gaz à effets de serre et de polluants atmosphériques. Par préoccupation écologique. Mais surtout par la crainte de nouvelles taxes ou réglementations, sous l'impulsion notamment de la Commission européenne.

Lancé à l'automne 2015 par neuf anciens officiers de la marine marchande, le projet de Neoline doit bientôt se concrétiser. Mardi 4 février, une étape primordiale a été franchie avec l'entrée dans le capital de l'armateur Sogestran et de sa filiale la Compagnie maritime nantaise. Un premier cargo doit être commandé au printemps, pour un coût estimé à 45 millions d'euros. Principalement fabriqué à Saint Nazaire, il doit être livré en 2022. Il reliera alors la commune bretonne à Baltimore, sur la côte est des Etats-Unis, après avoir fait une escale à Saint-Pierre et Miquelon. Avec ses six voiles - pour une voilure totale de 4.200 mètres carrés -, "il permettra d'économiser entre 80% et 90% de consommation de carburant", promet Michel Pery. La société espère ensuite atteindre le zéro carbone dans les dix ans, en remplaçant le moteur diesel, encore indispensable pour les manoeuvres de port, par des batteries électriques ou de l'hydrogène.

Renault déjà client

Longs de 136 mètres, les navires rouliers de Neoline peuvent transporter l'équivalent de 280 conteneurs, notamment des cargaisons hors gabarit. Se basant sur des simulations effectuées sur les données météorologiques des cinq dernières années, l'entreprise assure pouvoir traverser l'Atlantique à une vitesse moyenne de 11 nœuds. C'est nettement moins que les navires concurrents, qui peuvent atteindre jusqu'à 15 nœuds. "Notre vitesse est acceptable pour certains chargeurs", assure cependant Michel Pery. Neoline compte déjà trois clients, soucieux de réduire leur empreinte environnementale: le constructeur automobile Renault, le spécialiste des engins de chantier Manitou et le fabricant de bateaux de plaisance Bénéteau. En cas de succès commercial, la société prévoit déjà de faire construire un deuxième cargo.

Face à la massification du secteur, la société parie sur des liaisons directes qui ne sont plus assurées. Et elle mise sur une hausse des coût du pétrole. "Nous sommes compétitifs à partir de 60 dollars le baril", souligne son président. Le durcissement de la réglementation sur la teneur en soufre maximale autorisée dans le fioul des navires, limitée depuis le 1er janvier à 0,5% contre 3,5% précédemment, est un atout supplémentaire. Tout comme pourrait l'être une éventuelle taxe carbone imposé au fret maritime. Pour autant, les voiles de Neoline affichent d'importantes limites. Elles ne sont pas, par exemple, adaptées aux portes-conteneurs ou aux cargos les plus longs, ainsi qu'à certaines routes, sur lesquelles le vent ne souffle pas assez ou souffle trop fort. La société chiffre ainsi son "marché adressable" à 200 millions de dollars... sur un total de 300 milliards.

Intérêt grandissant

Les navires à voile de Neoline illustrent un intérêt grandissant du secteur pour la propulsion éolienne. A l'image d'une autre entreprise française, Zéphyr et Borée, elle-aussi basée à Nantes. Son concept est différent: les traditionnelles voiles sont remplacées par quatre ailes rigides articulées, hautes de 30 mètres. Principalement propulsée par un moteur à bicarburation diesel et GNL (gaz naturel liquéfié), ce navire réduirait de 30% la consommation de carburant. Autre concept: la startup toulousaine Airseas développe un cerf-volant géant pour tracter des navires. Fixé à l'avant, cette voile de 500 ou 1.000 mètres carrés effectue des huit dans l'air. L'économie de fuel est estimée à 20%.

Le transport maritime représente environ 3% des émissions mondiales de CO2, soit autant que le secteur aérien. En l'absence de mesures concrètes et face à la croissance anticipée du marché (de 35% à 40% au cours des trente prochaines années), le secteur pourrait représenter 17% des émissions d'ici à 2050. Sous la pression de la Commission européenne notamment, l'Organisation maritime internationale (OMI) s'est résolue à prendre des mesures en 2018, fixant un objectif de réduction d'au moins 50% des réductions de gaz à effet de serre d'ici à 2050, par rapport aux niveaux enregistrés en 2008. Et ambitionnant même à plus long terme d'éliminer "complètement" ces émissions. "Nous sommes engagés dans une tendance de fonds qui n'est pas réversible", prophétise déjà Michel Pery.

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Commentaires 5
à écrit le 06/02/2020 à 15:52
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Il va falloir enseigner à tirer des bords . C'est risible ! looooooooooool

à écrit le 06/02/2020 à 9:43
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Bravo pour l'éloge de la lenteur, ce mariage du vent et de la technique. Quelle est l'importance de livrer toute cette débauche de marchandises en 24H00 et ces croisières sur des voiliers quelle classe... Actuellement, le Belem nous montre ce qu'étai...

à écrit le 06/02/2020 à 8:41
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Bien entendu que ce mode de transport affiche des limites puisque ayant été massivement méprisé par les investisseurs au profit de porte container de 10000 tonnes et 100000 chevaux pour une hélice qui en proportion est grosse comme celle d'un ventila...

à écrit le 05/02/2020 à 21:52
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"Pour autant, les voiles de Neoline affichent d'importants limites." importantes ?

à écrit le 05/02/2020 à 11:59
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Bonjour, j'ai sûrement raté quelque chose mais 3% qui augmente de 40% pour atteindre 17% ? Ou alors 40% par an mais ça fait beaucoup

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