Intensifions la lutte contre l'évasion et la fraude fiscales

Par Laszlo Kovacs, commissaire européen à la fiscalité.

La fiscalité touche le c?ur du fonctionnement des Etats. Elle leur permet de financer leurs politiques économique, sociale, environnementale, culturelle. Les Etats ne peuvent donc accepter de voir s'évaporer une partie de leurs recettes en raison d'une évasion ou d'une fraude fiscale importante. Mais, dans un monde globalisé, la fraude et l'évasion sont transfrontalières et les Etats membres de l'Union européenne ne peuvent agir seuls efficacement.

En matière d'impôts indirects, la plus grande menace est la fraude dite «carrousel à la TVA». Cette fraude se produit lorsqu'un assujetti à la TVA qui a réalisé une acquisition de biens dans un Etat membre autre que celui de résidence (et sur laquelle la TVA n'a pas été prélevée) effectue ultérieurement une livraison intérieure sur laquelle il perçoit la TVA et disparaît ensuite sans s'être acquitté de cette TVA auprès du Trésor. En extrapolant les chiffres qui nous parviennent des Etats membres, cette fraude leur aurait coûté entre 125 et 150 milliards d'euros sur les cinq dernières années.

En 2006, la Commission européenne a proposé une stratégie pour une action coordonnée des Etats membres afin d'enrayer cette hémorragie. Cette stratégie propose deux optiques : bouleverser le système actuel de la TVA ou renforcer la coopération administrative entre les autorités fiscales. Vu le peu de consensus au conseil Ecofin pour l'optique radicale, nous avons avancé dans nos travaux pour accélérer l'échange d'informations entre autorités. Nous avons proposé au début de l'année 2008 de raccourcir (de six à deux mois) le délai entre le moment où une opération transfrontalière est effectuée et où l'administration fiscale de l'Etat membre dans lequel la TVA doit être payée est informée.

D'ici à la fin de l'année, nous ferons plusieurs autres propositions dans le même domaine. Chaque mesure prise séparément n'aura pas un impact majeur sur la lutte contre la fraude, mais je suis convaincu que l'arsenal des mesures envisagées permettra de lutter de manière beaucoup plus efficace contre la fraude carrousel. Nous ne pouvons plus nous permettre de tergiverser indéfiniment. L'exemple de la fraude carrousel, sujet sur lequel les États membres sont tous d'accord sur les objectifs, illustre l'extrême difficulté d'adopter une approche communautaire à l'unanimité face à un problème aussi aigu. Paradoxalement, cette situation aboutit à perpétuer la fraude que tous voudraient combattre.

Outre la fraude à la TVA, les cas d'évasion fiscale au Liechtenstein relatés par la presse ont montré que les Etats membres devaient également agir conjointement, s'ils veulent maintenir une équité entre les contribuables résidant sur leur territoire. Depuis l'entrée en vigueur au 1er juillet 2005 de la directive sur la fiscalité de l'épargne, les revenus de l'épargne perçus par des particuliers sous forme d'intérêts dans un Etat autre que leur Etat membre de résidence sont soumis à une obligation d'échange d'information entre les autorités fiscales des deux Etats concernés afin d'assurer leur imposition de manière effective, conformément à la législation fiscale en vigueur dans le pays de résidence (l'Autriche, la Belgique et le Luxembourg peuvent, à titre transitoire, appliquer une retenue à la source sur les intérêts perçus par un non-résident au lieu de communiquer l'information).

Grâce à des accords conclus avec dix territoires dépendants ou associés du Royaume-Uni et des Pays-Bas ainsi qu'avec cinq autres pays européens non communautaires, dont la Suisse et le Liechtenstein, les revenus de l'épargne des résidents de l'Union obtenus dans ces juridictions sont soumis soit à une retenue à la source, soit à l'échange de renseignements.

Malheureusement, il est très vite apparu, comme on pouvait le craindre, que la directive pouvait assez facilement être détournée. Soit en utilisant des constructions juridiques «paravent» (trusts, fondations...) pour récolter les paiements d'intérêts. Soit en investissant dans des produits financiers équivalents à des titres de créances en termes de risque, mais qui ne tombent pas dans la définition stricte du paiement d'intérêts. Ces faiblesses ont été pointées par la Commission dans son rapport publié en septembre 2008 sur le fonctionnement de la directive. Sur cette base, la Commission va proposer au Conseil dès novembre d'étendre le champ d'application de la directive à d'autres produits financiers et à d'autres bénéficiaires des paiements d'intérêts (constructions juridiques servant de paravent à des particuliers).

D'ici à la fin de l'année, la Commission aura donc fait une série de propositions pour une action communautaire déterminée de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales. Si tout le monde s'accorde à dire qu'il faut agir rapidement et de manière coordonnée, l'expérience montre que, lorsqu'il faut décider des modalités d'action à l'unanimité, des discordances ralentissent fortement le processus de décision, au profit de ceux qui organisent la fraude. Les Etats membres doivent se mettre rapidement et résolument autour de la table et prendre les décisions qui s'imposent pour protéger leurs propres ressources fiscales, et cela, au profit des honnêtes citoyens.

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Commentaire 1
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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ne demandez pas a des elus de faire des lois qui les desavantages!

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