Libérer la parole dans les conseils

Aux administrateurs de s'emparer des leviers pour exercer leur mandat au nom des actionnaires, plaide Behdad Alizadeh, un des associés du fonds Pardus, actionnaire, entre autres, de la société de services informatiques Atos Origin, où le patron, Philippe Germond, vient d'être remplacé par Thierry Breton.

La crise a bon dos. Aux marchés financiers tous les maux, à l'industrie tous les bienfaits. Les financiers ne seraient que des apprentis sorciers qui auraient joué de la sophistication des produits et fait s'effondrer la confiance en sapant les fondations de l'économie réelle. Bien sûr, il faut réformer un grand nombre de réglementations boursières et comptables tout en renforçant la responsabilisation des dirigeants. Mais c'est surtout la gouvernance de nos entreprises qu'il faut revoir. Et cette refondation doit s'accompagner d'une réflexion poussée sur le rôle de nos conseils d'administration, car leur rôle va être déterminant durant cette crise.
Plus que jamais vigies de nos entreprises, les conseils d'administration doivent travailler en étroite collaboration avec les dirigeants pour créer les conditions d'un dialogue constructif. Les dirigeants sont en général sous très haute pression et n'ont que très peu d'interlocuteurs naturels vers lesquels se tourner. Et aujourd'hui, en quête d'un soutien de leur conseil d'administration, ils auraient tendance à n'annoncer que les bonnes nouvelles.
Que cette crise serve au moins à libérer la parole et les forces de proposition?! Et à faire progresser les règles et pratiques d'une bonne gouvernance. C'est en effet de réel dialogue et de débats dont nous avons besoin en ces temps où la compréhension d'événements complexes est plus difficile. Dans la conjoncture actuelle, il devient indispensable de créer ou de renforcer les comités stratégiques et d'assurer une veille active, pour anticiper les éventuelles difficultés à venir.
Les conseils d'administration ont la lourde responsabilité de rendre des comptes sur les performances des entreprises. C'est en leur sein qu'il faut débattre, non pas de l'objectif d'une croissance à long terme sur lequel tout le monde est d'accord, mais bien de la façon dont on va atteindre cet objectif. Ce dont nous avons d'abord besoin, ce sont des conseils d'administration qui non seulement conservent leur sang-froid, mais exercent leurs fonctions avec rigueur, pour le bénéfice de l'ensemble des salariés et des actionnaires, une fonction critique à la fois pour coopérer avec les dirigeants dans la durée et pour contribuer au bon développement des entreprises.
Un conseil d'administration doit plus que jamais réconcilier ce que la crise que nous traversons semble opposer?: les logiques financières et les logiques industrielles. Car il ne doit y avoir qu'une seule logique?: celle du développement à long terme, de la croissance rentable et du progrès partagé pour tous. Une seule logique à laquelle une adhésion unanime est indispensable. Une seule logique donc, et, pour la servir, une plus grande collaboration entre dirigeants et administrateurs, en bonne intelligence. Ceci passera nécessairement par la définition de nouvelles règles, notamment en matière de circulation des informations. La responsabilité des administrateurs ne peut en effet pleinement s'exercer que si les moyens leur sont donnés d'accéder à une information pertinente, livrée en amont des débats. Selon l'Association française des entreprises privées (Afep), un conseil bien informé doit se voir livrer toutes les informations utiles une semaine avant sa réunion pour statuer opportunément sur une proposition...
Il relève aussi de la responsabilité des administrateurs de s'emparer de tous les moyens qui leur sont offerts pour défendre les intérêts de l'entreprise. Les comités stratégiques et d'audit doivent ainsi pouvoir commander des expertises indépendantes sans que le chef d'entreprise ne le prenne comme un affront. De nouvelles pratiques sont également attendues en matière de rémunération des dirigeants et de critères objectifs pour tout versement de bonus ou d'indemnités. Certains abus ont conduit des gouvernants à légitimement rappeler les administrateurs à leur devoir de vigilance. Afin d'aligner les intérêts des dirigeants avec ceux des actionnaires, nous devrions considérer une rémunération plus solide basée sur le capital et déterminée à partir de critères de performance.
Le temps des conseils cultivant le style convenu d'un cercle d'amis est révolu. A nouveaux rôles, nouveaux droits et nouvelles responsabilités pour les administrateurs. Ces derniers n'ont pas vocation à gouverner les entreprises, mais à veiller sur l'activité des dirigeants qui ne doivent, eux, pas se comporter "comme maîtres et possesseurs" de l'entreprise en balayant les suggestions et perdre de vue les objectifs de long terme.

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