Un sauvetage bancaire mal avisé ?

Par Pascal de Lima, économiste en chef chez Altran Financial Services, et maître de conférences à Sciences Po, et François Ladsous, "marketing manager" chez Altran Financial Services.

Les "bailouts", ces plans de sauvetage qui ont été déployés à travers le monde l'an dernier et qui continuent de venir en aide à tous types d'entreprises, ont finalement surtout été utilisés pour venir en aide au secteur financier. Le paradoxe est que compte tenu de l'importance des systèmes financiers dans les économies, il était difficile de faire autrement. Et pourtant...

Sans revenir sur les causes et coupables de cette crise (qui dure faut-il le rappeler depuis dix-neuf mois maintenant), les changements qu'elle a causé ont impacté les marchés financiers, les structures de marché, les stratégies des grands acteurs de la place et, surtout aux Etats-Unis, ont particulièrement déstabilisé la concurrence au sein du système financier.

Pire, il commence à apparaître que ce phénomène de distorsion de la concurrence a bel et bien été accentué par les multiples plans de sauvetage mis en ?uvre depuis octobre 2008. Ces plans de sauvetage auraient dû assainir le secteur bancaire dans l'intérêt général, notamment celui de l'économie. En réalité, ils ont tout bonnement déstabilisé les règles de la concurrence !

La publication récente des résultats de Goldman Sachs et JP Morgan Chase soutient bien cette thèse : ces deux banques qui ont pu assainir leurs comptes grâce au Tarp (en français, programme de sauvetage des actifs menacés) et obtenir des capitaux dans une période de crise de refinancement et d'accès à la liquidité en témoigne. En effet, si ces deux banques ont bel et bien souffert dans les balbutiements de la crise, elles semblent aujourd'hui être les premières à bénéficier de ce nouvel ordre bancaire qu'elles ont ensuite modelé à travers des acquisitions comme celles de Bear Stearns ou Washington Mutual (achetées par ailleurs par JP Morgan).

Ces vagues successives de fusions-acquisitions, sont aussi un moyen de répondre à la crise, mais elles sont financées par de l'argent public et de façon inégale ! La constitution, ici, d'oligopoles bancaires se fait bel et bien au détriment de la concurrence, ce d'autant plus que rien ne prouve que Goldman Sachs et JP Morgan Chase sont effectivement les meilleures banques du marché ?uvrant dans l'intérêt des économies. C'est même plutôt le contraire, car le plus amusant est que si elles sont moins exposées à des actifs toxiques que leurs rivales Citigroup et Bank of America (deux mastodontes peinant encore à se relever), cela est dû en grande partie aux coussins de fonds publics qui leur ont permis de bénéficier de garanties publiques en levant par là même des capitaux frais pour absorber leurs pertes et se refinancer.

Ainsi, ces faillites, ou morts par absorption, subies par des banques rivales ont non seulement réduit le nombre de concurrents pouvant in fine bénéficier de transactions à marges plus élevées, mais la trésorerie abondante et peu onéreuse (qui plus est garantie par la FDIC (Federal Deposit Insurance Corporation) faut-il le rappeler) dont elles disposent leur permet également de profiter de l'instabilité du marché et leur apporte, une fois de plus, des opportunités de marges plus élevées : double recette, double garantie, pour des profits historiques !!

Mais il y a déjà eu plus de 53 faillites de banques cette année aux Etats Unis, et on en prévoit encore beaucoup d'autres. Ces clients, ces activités, ces transactions vont être récupérées par leurs rivales, qui sont la plupart du temps des "big banks" ! L'ironie de l'histoire c'est que cette concentration des pouvoirs, qui inquiète certains observateurs, va surtout compliquer la tâche de ce gouvernement américain qui a annoncé sa volonté de mieux réguler le système financier et d'assainir ses finances publiques !

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Commentaires 5
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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C' est bien vu, mais la grande explication finale c'est qu'il a fallu sauver le soldat "économie libérale " à tout prix...Alors on remplace la bulle des" subprimes" par la bulle des dettes étatiques et vogue la galère aux vents mauvais des égoïsmes...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Tout repartira à peu près comme avant, les Etats endossant le rôle des ménages "subprime". La prochaine fois, il faudra nationaliser les "big banks", ou les faire racheter par le FMI. La concurrence entre banques ne suffit tout simplement pas à régul...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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"Ces plans de sauvetage auraient dû assainir le secteur bancaire dans l'intérêt général, notamment celui de l'économie." : Voilà une différence essentielle entre une certaine vision de l'économie (jusqu'ici dominante) et une autre qui écrirait "Ces p...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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ON a fait un sauvetage bancaire, ok, mais bientôt il y aura un autre crash et un autre plan dre sauvetage. Pourquoi ? Car il n'ya pas eu que les subprimes, d'autres crédits ont été contractés à des particuliers qui étaient solvables durant les 12 der...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Il faut quand même constater que tout va bien: la croissance est sauvée, le crédit est abondant (surtout le crédit aux ménages, indispensable pour éviter qu'ils se foutent tous à emmerder les banquiers avec des taux d'épargne à la con!), les campagne...

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