Armées, industriels, CNES et startups : ensemble pour l’avenir du spatial de défense

Alors que dans les prochains jours s’élancera depuis le Centre Spatial Guyanais, à Kourou, la dernière Ariane 5 avec pour passager Syracuse IV B, satellite de défense nouvelle génération, et que le salon du Bourget s’apprête à ouvrir ses portes, Philippe Baptiste, PDG du CNES, met en avant la force des synergies entre acteurs militaires, industriels et l’agence spatiale française.
« L'espace n'a pas de limite, tout comme l'ambition du CNES au service de la défense ! » (Philippe Baptiste, PDG du CNES)
« L'espace n'a pas de limite, tout comme l'ambition du CNES au service de la défense ! » (Philippe Baptiste, PDG du CNES) (Crédits : CNES)

Les autorités militaires doivent s'adapter aux risques et aux menaces auxquels sont exposés nos intérêts dans l'espace. Or, les périls vont croissant depuis une quinzaine d'années : augmentation fulgurante des débris en orbite et des opérations spatiales militaires potentiellement offensives de plus en plus fréquentes. Que faire dans ce contexte ? Les priorités sont clairement fixées par la stratégie spatiale de défense et la bonne mise en œuvre de celles-ci ne sera possible qu'en associant étroitement les armées, les industriels, le CNES, mais aussi les startup qui proposent des solutions particulièrement adaptées à des besoins militaires.

Achats de services par les armées

Revenons un instant sur les grandes évolutions des dernières années : les progrès en matière de numérisation et de miniaturisation ont connu une évolution rapide, qui s'est traduite dans le domaine spatial par l'émergence de nombreux acteurs industriels ou commerciaux proposant des produits innovants. Cette dynamique a permis aux militaires d'accéder à une offre renouvelée et diversifiée de services commerciaux et de systèmes spatiaux leur permettant de conduire des missions nouvelles en phase avec l'évolution rapide du contexte stratégique.

En particulier, ce qui s'offre de plus en plus aux militaires, c'est la possibilité d'acheter des services couvrant une large palette de missions auprès de partenaires de confiance. Cette forme de partenariat entre le monde militaire et celui de l'industrie et des startup n'est pas nouvelle mais est renforcée et plus opérationnelle qu'auparavant. Elle couvre désormais des domaines aussi divers que l'exploitation de données d'origine spatiale, la surveillance de l'espace, l'observation de la Terre ou la surveillance maritime.

Une offre de services de plus en plus élargie

L'ouverture du secteur spatial militaire à des acteurs industriels privés est ainsi devenue aujourd'hui une réalité concrète. Elle résulte à la fois de décisions politiques, qui orientent partout dans le monde des crédits publics pour soutenir l'innovation, et d'évolutions technologiques qui abaissent le « ticket d'entrée » spatial. De l'autre côté de l'Atlantique, un marqueur emblématique de cette ouverture du secteur spatial militaire à l'industrie est l'entreprise SpaceX, qui multiplie les lancements de charges utiles militaires et a créé à la fin de l'année dernière sa filiale Starshield proposant des services à vocation militaire.

Dans notre pays aussi, ce mouvement s'amorce et est appelé à se renforcer. D'ores et déjà, l'ensemble du spectre des opérations spatiales militaires est couvert par des technologies, des systèmes ou des services proposés par des acteurs industriels français établis de longue date et d'autres, nouvellement apparus, dont certains connaissent déjà une forte croissance. D'ArianeGroup et Safran, deux grands groupes dont les services de surveillance de l'espace sont utilisés par le CDE [1], à UnseenLabs et Preligens, deux nouveaux acteurs qui font profiter les armées de leurs très performantes capacités en matière de surveillance maritime et de traitement de la donnée, l'offre industrielle au service de la défense s'étoffe singulièrement dans notre pays depuis quelques années.

Un NewSpace français foisonnant et talentueux

Les nouveaux acteurs français du NewSpace sont nombreux et notre pays peut s'en féliciter. Avec des solutions innovantes, ils investissent tous les domaines des activités spatiales. Des mini et micro-lanceurs français devraient ainsi faire d'ici à trois ans leur premier vol comme le Zéphyr de Latitude à Reims ou ceux d'HyprSpace à Bordeaux, de Sirius Space, de Dark, sans oublier le mini-lanceur réutilisable Maïa.

Des nanosatellites produits par des startup françaises conduisent d'ores et déjà des missions duales et ce mouvement va s'amplifier très significativement au fur et à mesure de la consolidation de ces dernières. Des sous-systèmes conçus par de jeunes pousses talentueuses de notre industrie seront aussi embarqués sur des satellites militaires ou duaux, qu'il s'agisse d'antennes, de propulseur électrique, de communications optiques bord-sol etc... tandis que des services en orbite seront proposés. Au sol aussi, de nouvelles entreprises françaises vont proposer des services de surveillance de l'espace, d'interprétation d'images, d'hypergéolocalisation etc...

Nous entrons bel et bien dans une nouvelle ère caractérisée par une large ouverture du champ des opérations spatiales militaires aux entreprises privées. L'erreur serait toutefois de croire que cette évolution ne concerne que de nouveaux acteurs, car rien n'est moins vrai. Nos grands industriels sont les premiers à fournir des services innovants et à bénéficier des commandes correspondantes. Faut-il aussi rappeler que, comme dans tous les autres champs industriels, les startup sont des vecteurs d'innovation particulièrement appréciés des grands industriels qui n'hésitent pas à racheter les technologies ou les services qui peuvent les renforcer ?

Le CNES au cœur de la stratégie spatiale

Une autre erreur serait d'imaginer dans ce mouvement d'ouverture de la défense l'amorce d'un virage exclusif vers de l'achat de services par les armées. Le besoin de développer des satellites spécifiques de très haute technologie restera probablement un des grands piliers du spatial de défense. Le CNES, avec sa double compétence d'agence et de centre technique, bénéficie d'une place privilégiée au carrefour entre utilisateurs, industrie et laboratoires scientifiques. Cette position lui permet de répondre au mieux aux besoins de la défense, tout en consolidant la filière industrielle spatiale française.

Le rôle bénéfique aux armées et à l'industrie que peut jouer le CNES est ainsi bien illustré par l'éclosion dans notre pays, sous son impulsion, d'une filière industrielle de nanosatellites haute-performance, dont le préfigurateur est Angels, lancé en 2019 à l'issue d'un développement rapide en plateau avec l'industriel Hemeria. Les mesures prises dans la précédente décennie par le CNES pour qu'émerge cette nouvelle filière nationale porte désormais ses fruits et va permettre dans les années qui viennent de conduire des missions militaires ou duales avec des plateformes issues de celle-ci.

Ce sera ainsi très prochainement le cas avec Kineis, première constellation européenne de nanosatellites, qui contribuera à la surveillance maritime, puis avec le système Yoda, qui permettra de démontrer à proximité de l'orbite géostationnaire la maitrise par nos militaires de manœuvres autour d'un objet non coopératif. L'industrie, accompagnée par le CNES, profite de ces développements, qui permettent dans le même temps aux armées d'améliorer leur efficacité opérationnelle.

Des cycles de conception divisés par deux

Pour défricher des domaines nouveaux, les militaires peuvent compter sur des démonstrateurs technologiques développés par le CNES ou des industriels assistés par lui avec des cycles sensiblement divisés par deux par rapport aux grands systèmes spatiaux militaires traditionnels. Tous deux développés par le CNES, le démonstrateur de détection en orbite de signaux interférents NεSS, qui sera lancé prochainement, a ainsi été conçu et réalisé en trois ans et Yoda, déjà cité, le sera en moins de cinq ans, alors même qu'il s'agira d'une première européenne. Grace aux acquis du programme Yoda, les armées devraient disposer avant la fin de la décennie, comme l'indique le projet de LPM 2024-2030, d'un système opérationnel d'action dans l'espace qui leur permettra d'y défendre nos intérêts, y compris de manière active. Ainsi aura été créée ex-nihilo une nouvelle capacité militaire de portée stratégique en moins de dix années.

Depuis sa création en 1961, le CNES apporte son concours au ministère des Armées. Les capacités spatiales militaires et duales actuelles ont bénéficié à des degrés divers du soutien du CNES dans leur développement mené en lien avec la DGA tandis que leur maintien en condition opérationnelle repose aussi sur ses moyens et ses compétences. L'espace n'a pas de limite, tout comme l'ambition du CNES au service de la défense !

                                --------------------------------------------------------------

[1] CDE : Commandement de l'espace.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 16/06/2023 à 9:10
Signaler
Où voyez vous du Patriotisme dans cette défense? On n'y retrouve qu'intérêts particuliers qui se retourneront contre le plus grand nombre sous de faux prétextes !

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.