« L'amour dure trois ans », dit un célèbre dicton. L'amour, oui, parfois. Mais, en politique, c'est encore plus court : deux ans. C'est la malédiction qui a frappé tous les locataires de l'Élysée. Jacques Chirac en a fait la douloureuse expérience en 1997, avec sa dissolution manquée de l'Assemblée nationale. Nicolas Sarkozy aussi, avec la crise économique de 2009, et après lui, François Hollande qui n'a même pas pu se représenter en 2017. La leçon est claire : un chef de l'État a deux ans utiles pour enclencher son programme avant d'être rattrapé par la patrouille.
Emmanuel Macron peut-il encore faire mentir ce sort ? Comme ses prédécesseurs, il y croit forcément, car il faut à son poste une foi inébranlable dans sa bonne étoile et sa capacité à changer le cours des choses. Il faut reconnaître une sacrée force de caractère à ce président qui, plus que maltraité par les sondages, est aussi devenu à force de petites phrases maladroites et de décisions mal comprises mal-aimé d'une partie de ses compatriotes, que la crise des « gilets jaunes » a radicalisé. Emmanuel Macron a aussi démontré une forte résilience face à une mobilisation inédite dans notre pays. Il y a répondu en se réformant lui-même, du moins l'a-t-il assuré.
Pour se relancer, Macron a dû réformer Macron
À seulement 41 ans, Emmanuel Macron peut-il vraiment changer ? Il assume une nouvelle méthode, plus participative, plus ouverte au dialogue. Mais pas un changement de politique. Pour se relancer, Macron a dû réformer Macron. Il est passé du jour au lendemain de la politique de l'offre à celle de la demande, avec 17 milliards d'euros lâchés par un président qui ne voulait pas être celui du pouvoir d'achat. Il est passé de l'Europe fédérale du discours de la Sorbonne à « l'Europe qui protège » de sa lettre aux Européens. Emmanuel Macron 2019 est devenu plus réaliste et plus « politique ». Le voir renouer avec les maires et avec les syndicats pour répondre concrètement à des questions qui nécessitent une réponse territoire par territoire, du « sur-mesure », comme l'a dit Édouard Philippe, est donc plutôt une bonne chose.
Et puis le « en même temps » n'a pas disparu : en témoignent le maintien des projets de réformes structurelles, celle de l'assurance chômage comme celle des retraites, qui interviendront dès l'été.
Emmanuel Macron ne lâche pas sur le fond : on ne peut redistribuer plus que si l'on produit plus ; on ne peut pas gagner davantage sans travailler davantage. Des réformes difficiles, courageuses, restent nécessaires. Mais Emmanuel Macron en est aussi averti : il n'y a pas de « repas gratuit » comme on dit sur les marchés financiers. Le « pognon de dingue » qu'il vient de dépenser pour tenter de réparer la fracture sociale et territoriale, il faudra bien le retrouver quelque part. Pas sûr que ce rendez-vous soit compatible avec l'amélioration de sa cote de popularité et sa réélection. Mais comme il l'a dit : 2022, il s'« en fiche »...
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Cet article est publié dans LA TRIBUNE HEBDO n°291 (avec son cahier Territoires) ce vendredi 10 mai 2019 en kiosque (édition papier) et sur notre site web (édition numérique).
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