Accessibilité numérique : entre risques et opportunités pour les organisations concernées

OPINIONS. L'accessibilité numérique est une obligation légale (1). Il s'agit de rendre accessible aux personnes en situation de handicap (auditif, cognitif, physique, visuel) l'accès à tout type d'information sous forme numérique, quels que soient le moyen d'accès, les contenus et le mode de consultation. Elle doit être mise en œuvre dans la mesure où elle ne crée pas une charge disproportionnée pour l'organisation concernée. Cette obligation légale a été précisée par un récent décret (2). Celui-ci, détaille le régime applicable aux organisations qui doivent s'y conformer en France. Le calendrier de mise en œuvre de l'accessibilité s'étale jusqu'en 2021. Par Guillaume Flambard et Joseph Atias, Avocats chez Deloitte | Taj (*)
(Crédits : DR)

Que doit-on comprendre par « accessibilité numérique » ?

D'un point de vue technique et opérationnel, l'accessibilité numérique se traduit par le respect de règles de conception. Ces dernières, sont organisées selon des niveaux différenciés d'accessibilité (niveaux A, AA ou AAA) ; celui fixé en Europe (dont la France) est le double A (AA).

En outre, l'accessibilité numérique s'organise autour de 4 grands principes. Le contenu mais aussi les produits et services numériques concernés doivent être : perceptibles, à titre d'exemple la lecture doit être permise par une synthèse vocale ou page braille ; utilisables, en pratique cela se traduit par des fonctionnalités dont l'utilisation est possible en dépit du handicap ; compréhensibles, pour que le contenu textuel soit lisible pour l'utilisateur en situation de handicap ; robustes, cela équivaut à ce que l'utilisateur puisse être en mesure d'accéder au contenu numérique et que ce dernier reste accessible au fur et à mesure que les technologies et le handicap de l'utilisateur progressent.

Qui est concerné par ces obligations ?

L'obligation de mise en œuvre de l'accessibilité numérique s'applique tout aussi bien aux organismes du secteur public, y compris les organismes délégataires d'une mission de service public, qu'aux entreprises du secteur privé qui réalisent au moins 250 millions d'euros de chiffre d'affaires (3). Il n'est pas à exclure que l'exigence d'accessibilité soit étendue par décrets successifs à de plus petites entreprises.

Comment cela se concrétise au sein des organisations ?

Dans ce contexte très encadré, les organisations concernées doivent, dans les délais fixés par le décret, s'assurer de l'accessibilité des produits et services numériques. Un site Internet, intranet ou extranet, s'il a été créé avant le 1er octobre 2019, doit être conforme aux nouvelles obligations d'ici au 1er octobre 2020 ; s'il a été créé à compter du 1er octobre 2019, il doit être conforme depuis sa date de création. Pour une application mobile, un progiciel et le mobilier urbain numérique, ils doivent être rendus conformes d'ici au 1er juillet 2021.

Sanctions et risques

Pour répondre à leurs obligations, les organisations concernées doivent s'assurer que les produits ou services numériques sont conformes à l'un des référentiels techniques applicables (4).

Selon le décret, toute organisation qui ne se conforme pas aux obligations d'accessibilité numérique encourt une amende administrative pouvant être de 2 000 euros pour certaines catégories d'organisations du secteur public, et de 20 000 euros pour les autres organisations dont les entreprises qui réalisent au moins 250 millions d'euros de chiffre d'affaires en France.
Soulignons que ces amendes s'appliquent par service numérique non conforme, ce qui peut rapidement multiplier la somme finale !
Soulignons également, qu'au-delà de la sanction pécuniaire, la non-conformité fait peser un risque d'image sur les organisations. En effet, l'accessibilité numérique répond avant tout à une obligation sociétale et engage la responsabilité des acteurs publics, comme privés.
Instaurer une culture numérique responsable au sein des entreprises se révèle, aujourd'hui, être un enjeu stratégique de taille !

De même, les entités qui contribuent à l'élaboration d'outils ou contenus pour des clients soumis aux obligations d'accessibilité ont donc tout intérêt à proposer des solutions accessibles aux personnes handicapées. D'autant que ces entreprises, qui réalisent au moins 250 millions d'euros de chiffre d'affaires, disposent, la plupart du temps, de politiques RSE comportant un volet diversité et inclusion.

De la mise en œuvre à l'audit en passant par la surveillance continue de la conformité, il convient ainsi à chaque acteur de conjuguer contraintes et opportunités en adaptant les mesures à son propre environnement. Organisations, n'attendez plus pour établir et mettre en œuvre une stratégie juridique d'accessibilité numérique !

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(1) Loi n° 2005-102 du 11 février 2005 modifiée pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, notamment son article 47 dans sa rédaction résultant de l'article 80 de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.
(2) Décret n° 2019-768 du 24 juillet 2019 relatif à l'accessibilité aux personnes handicapées des services de communication au public en ligne.
(3) Sur la base de la moyenne du chiffre d'affaires annuel réalisé en France au cours des trois derniers exercices comptables clos antérieurement à l'année considérée.
(4) Les référentiels servent de grille d'analyse technique d'implémentation des mesures d'accessibilité et sont : (a) le Référentiel général d'amélioration de l'accessibilité Version 4.0, (b) la norme européenne EN 301 549 V2.1.2 ou (c) les Web Content Accessibility Guidelines version 2.1.

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(*) Par Guillaume Flambard et Joseph Atias, Avocats chez Deloitte | Taj.

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