Pendant de nombreuses années, le modèle économique des EPL reposait en grande majorité sur des opérations d'aménagement en sortie de ville, impliquant une artificialisation de nouvelles parcelles et un étalement des zones urbaines. Les EPL intervenaient en tant qu'aménageur, au moment de la préparation des parcelles, pour permettre ensuite aux promoteurs, souvent privés, la construction de logements et de locaux d'activités.
Un coût du ZAN estimé entre 20 et 30% du coût de l'opération
Avec le Zéro Artificialisation Nette, le foncier devient plus rare et donc potentiellement plus onéreux. Parallèlement, la loi exige de préférer la densification et le renouvellement urbain qui coûtent plus cher aux aménageurs (dépollution et traitement des sols, déconstruction et remise en état des terrains...). Au total, les coûts imputables à l'impératif de sobriété foncière sont estimés à 20 à 30% du coût global des opérations.
Mais les EPL ne doivent pas s'arrêter aux surcoûts du ZAN. Une étude menée par l'ESSEC* en partenariat avec le Groupe SCET montre que si le ZAN entraîne des coûts supplémentaires et fragilise encore plus l'équilibre des opérations, il n'est pas pour autant synonyme nécessairement de déficit d'aménagement. Celui-ci reste principalement déterminé par la programmation et le dynamisme du marché immobilier local.
Néanmoins, pour compenser ces surcoûts, cette nouvelle donne économique et foncière issue du ZAN réclame une double évolution : d'une part d'élargir le modèle d'activité des EPL et d'autre part de changer de perspective.
Élargir l'intervention sur la chaîne de valeur
De fait, les surcoûts du ZAN impactent le métier d'aménageur. Pour dégager de nouvelles marges, les EPL n'ont d'autre choix que d'élargir leur champ d'action en amont, en aval et en parallèle de la chaîne de valeur des opérations.
En aval des opérations, les entreprises publiques locales pourront investir la copromotion pour générer de nouvelles sources de revenus et d'activité, à la manière de Citallios en région parisienne, qui développe également de nouveaux produits comme le BRS. Elles peuvent prolonger leur intervention en proposant la commercialisation des locaux commerciaux et économiques, afin de dégager de nouvelles marges, comme l'a fait SEBL Grand Est au sein de son projet « Espace K » à Toul.
En amont, les aménageurs pourront intervenir comme foncière, pour permettre une maîtrise publique au service de la redynamisation des centres bourgs, comme le fait Assemblia dans la région clermontoise.
Enfin, en parallèle des opérations d'aménagement, les EPL créeront de nouvelles sources de revenus en proposant leurs conseils aux collectivités, avec des expertise et expérience à faire valoir dans divers domaines tels que la connaissance du foncier, l'évaluation des besoins fonciers ou encore la prospective territoriale. Ainsi, SEBL Grand Est poursuit sa vocation historique en accompagnant en ingénierie les collectivités, tandis que dans l'Aisne Seda, met son expertise en matière de renouvellement urbain au service des territoires.
Changer de modèle ne suffira pas
Au-delà des bienfaits sur la biodiversité, la sobriété foncière a également ses vertus économiques. Le renouvellement urbain permet entre autres d'optimiser l'usage d'infrastructures déjà existantes (économies de réseaux : transports, voirie, eau, électricité, chaleur urbaine) et, par un changement d'échelle, - une logique coûts-bénéfices appliquée au niveau d'une collectivité et de ses citoyens - il est possible de mesurer les bénéfices découlant directement de la sobriété foncière.
Ainsi, si les surcoûts du ZAN obligent à une évolution du métier d'aménageur, la sobriété foncière, par les externalités positives qu'elle entraîne pour les collectivités, crée également, sur l'ensemble de la chaîne de valeur, les conditions pour que les EPL du secteur puissent s'adapter. Les collectivités ont tout intérêt à soutenir les EPL dans une logique partenariale, pour continuer à profiter de leur service sur l'ensemble des opérations d'aménagement qui sont, à proprement parler et plus que jamais, des opérations d'intérêt général.
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(*) « "Zéro Artificialisation Nette" : quels modèles économiques pour les EPL d'aménagement ? », étude réalisée par les étudiants Gabriel Bluet et Augustin Jardin, sous la direction de Tom Champas et Marie Defay, en étroite collaboration avec François-Xavier Desprez et Iamvi Totsi.
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