ZAN : inévitable, la densité urbaine « n'est pas uniquement un repoussoir » selon une étude

L’objectif « zéro artificialisation nette » fixée dans la loi pour 2050 amène les villes à se densifier. Ce qui n’est pas sans poser question, notamment sur les perceptions de la densité urbaine et l’acceptation de cette densification par les usagers. Un sujet sur lequel s’est penchée la Chaire Réalités x Audencia - Faire vivre l’intelligence des territoires. Que met en évidence son étude ? Éléments de réponses.
A Nantes, le nouveau quartier Prairie-au-duc engage certaines priorités, comme travailler sur la densité.
A Nantes, le nouveau quartier Prairie-au-duc engage certaines priorités, comme travailler sur la densité. (Crédits : Florence Falvy)

Quels facteurs jouent sur les perceptions de la densité ? Comment cette perception diverge-t-elle d'une personne à une autre ? Comment prendre en compte ces perceptions dans les projets d'aménagements urbains ? Y a-t-il un modèle de densité idéale ? Autant de questions posées lors de la restitution, mardi 17 octobre à Nantes, d'une étude réalisée par le promoteur nantais Réalités et l'école de commerce Audencia sur le thème de « La perception de la densité urbaine dans le contexte de l'objectif "zéro artificialisation nette" ».

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Menée entre avril et octobre 2023, cette enquête se divise en trois volets : une revue littéraire ; un sondage auprès d'un échantillon de 2.000 répondants ; des enquêtes de terrain menées auprès de 21 acteurs de l'urbanisme sur huit territoires de l'Ouest de la France avec un focus sur cinq villes moyennes, deux petites villes et une métropole (Nantes, La Roche-sur-Yon, Laval, Poitiers, Saint-Malo, Saint-Nazaire, Sablé-sur-Sarthe et Les Herbiers). L'étude s'est concentrée sur des quartiers aménagés à partir des années 2000 ou en cours d'aménagement (comme le quartier Prairie-au-Duc à Nantes), dont la superficie est comprise entre 5 hectares et 33 hectares et le nombre de logements réalisés ou projetés entre 210 et 850 unités.

 La densité urbaine perçue positivement

« Nous ne pourrons pas faire sans la densification. C'est une trajectoire réglementaire », avertit d'emblée Virginie Grandhomme, sociologue et co-titulaire de la Chaire Réalités x Audencia. Mais, contrairement à une idée reçue selon laquelle la densité urbaine est forcément négative, l'étude révèle au contraire que la densité est aussi largement associée à des représentations positives concernant l'accès aux services urbains : transports, commerces et équipements.

« Le modèle de la ville dense n'est pas uniquement un repoussoir », affirme Quentin Missir, auteur de cette enquête.

Et d'argumenter : « De la même manière, la population ne perçoit pas nécessairement les projets d'aménagement à grande échelle comme posant les plus grands problèmes en termes d'acceptabilité. En effet, le nombre de riverains ayant des raisons de s'y opposer est relativement faible au regard de la taille du projet et cette taille permet également de faire en sorte que la hauteur des bâtiments soit progressive et donc mieux acceptée. »

Faire de cette densification « obligée » une densification « choisie »

Malgré tout, Quentin Missir reconnaît aussi que la densité peut être mal vécue. Alors comment faire de cette densification « obligée » une densification « choisie » et « acceptée » ? « Rendre la ville plus vivable cela passe aussi, sans doute, par se questionner sur les enjeux de bien-être avec des dimensions physiologiques, psychologiques et sociales. Des espaces multifonctionnels qui intègrent des espaces verts participent à une densité mieux vécue », répond-il.

Pour lui, la densification doit être vue comme « un modèle d'urbanité ». Il note aussi l'importance de la mixité fonctionnelle (logements, activités, espaces verts, loisirs...) qui « est à la fois une contrepartie attendue à la densité et une manière de rendre celle-ci plus urbaine ». Le style architectural peut également jouer sur l'attractivité des quartiers. Et d'ajouter : « Il y a aussi une question de pédagogie et de concertation : bien expliquer les projets aux habitants peut désamorcer des oppositions. »

Et densifier ne nécessite pas systématiquement de démolir. « Dans les projets de renouvellement urbain, la préservation d'éléments bâtis et végétaux existants peut aussi participer à une densification plus douce », citant l'exemple du projet de refondation du quartier de la Découverte à Saint-Malo. « Ici, on reste fidèle à l'existant tout en améliorant le quartier. »

La nature en ville, « un enjeu vital »

Pour atténuer le sentiment de densité en ville, renvoyée par la hauteur des bâtiments, il préconise « des formes urbaines pas trop massives ». Le traitement des espaces libres et des échappées visuelles est un aspect fondamental, selon lui. Les styles architecturaux et les matériaux jouent aussi sur cette impression de densité. « Par exemple, le bois et le métal donnent un effet de légèreté, alors que la densité est associée à la minéralité et au béton. »

Dans les villes, les îlots de chaleur étant renforcés par la densité bâtie, il y a un autre aspect fondamental, selon lui : les espaces verts et la nature en ville. « Il y a un enjeu vital. A l'heure du changement climatique et des canicules qui s'accentuent en fréquence, en durée et en intensité, il est d'autant plus important de créer des îlots de fraîcheur. Il y a un enjeu de santé publique. Il est donc nécessaire de traiter la question de la densité en relation avec les perturbations de l'environnement », conclut-il.

Logement de demain et densité : des aspirations contradictoires

Réalisée en juin dernier, la première édition de l'enquête « Vers de nouvelles formes d'habiter : comprendre les aspirations des Français à l'égard de leur logement et de leur lieu de vie » réalisée par l'ObSoCo pour la Chaire Intelligence des Territoires, portée par Réalités et Audencia, vient de dévoiler ses résultats. De quoi mettre en relief un certain nombre de paradoxes : besoin d'intimité mais aussi de partage, désir d'espaces verts et de services de proximité, aspiration à un habitat alternatif ou plus traditionnel... D'après cette enquête, 75% des Français se disent satisfaits de leur logement et 52% estiment vivre dans un environnement dense. Pour eux, la densité est avant tout synonyme de concentration de population (89% des réponses), de congestions et difficultés de stationnement (83%) et d'agitation excessive (79%), qui les soumet aux nuisances sonores, etc. Pour un tiers (32%), la densité n'a même aucun aspect positif.

Si les Français plébiscitent la proximité des équipements et services et la facilité des déplacements comme des aspects positifs de la densité urbaine, l'étude souligne que la satisfaction des Français envers leur environnement diminue à mesure que la densification urbaine augmente. Le besoin de se reconnecter à la nature se confirme de nouveau, puisque 90% de la population désire un espace extérieur dans son logement et 28% des Français aimeraient même, dans l'idéal, vivre à la campagne. Toutefois, seuls 13% des urbains se verraient vivre dans un village (9%) ou dans la campagne isolée (4%). Pas d'exode urbain massif en perspective, donc.

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Commentaires 3
à écrit le 18/10/2023 à 23:53
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Le ZAN, c'est surtout et avant tout, la mort de la ruralité, qui ne pourra plus mener aucun programme de développement. Encore une affaire pensée par la Ville, qui veut le bien, malgré elle, de la Campagne ! Alors qu'elle lui nuit ! Et si les citadin...

à écrit le 18/10/2023 à 15:30
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Toutes les expériences prouvent que la surdensité influe sur le psychisme et l'émotion. L'agressivité en est un corolaire manifeste. Les expériences sur les animaux sont édifiantes. Au delà d'un certain seuil (seuil de survie), les animaux se batten...

le 18/10/2023 à 17:13
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Pour le fric pour quelques uns et uniquement et comme d'habitude.

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